mercredi 28 avril 2010, par
En France comme en Belgique, on pourrait croire ces derniers temps, à entendre hommes politiques, classes dirigeantes et média, que la question clef de la société est … la burqa. Ces gens-là font comme si le voile musulman venait juste d’apparaître, comme si l’islamisme intégriste leur posait brutalement un problème grave. Comme si cela avait un lien avec l’insécurité, avec les agressions, avec le banlieues, avec l’immigration : démagogie d’extrême droite bien connue. Et comme s’ils étaient des adversaires de l’intégrisme politique qui, selon eux, serait seulement lié à l’Islam et pas au catholicisme, au judaïsme, au bouddhisme… Et, surtout, ils font comme si c’est cela qui était grave en France ou en Belgique. Alors que, dans ces deux pays comme dans le monde, ce qui est important c’est que l’effondrement du capitalisme, loin d’être évité, se développe et menace d’entraîner la vie sociale du monde dans une situation folle, dans un enfer dont la crise grecque ne donne encore qu’une petite idée.
Prenons l’exemple de la Belgique où les députés ont voté une loi interdisant la burqa. Dans ce pays, on nous annonce que la « querelle linguistique » pourrait être la cause d’une partition en deux du pays, entre zone wallone et zone flamande. Il n’y aurait plus demain du tout de pays s’appelant encore la Belgique mais on y prétend que l’urgent serait le voile… Et la Belgique n’est pas moins que la France frappée par des fermetures d’entreprises, des suppressions d’emplois, des destructions de services publics, des reculs sociaux de toutes sortes dont le recul des salaires, des retraites et des pensions. D’ailleurs, c’est justement pour cacher cette réalité là que les classes dirigeantes attisent la haine des Musulmans et attisent aussi la question linguistique. Opposer entre eux les opprimés, c’est une stratégie classique. Et, en période de crise, c’est une stratégie pour éviter des développements politiques et sociaux des luttes des travailleurs risquant de remettre en question l’ordre social.
N’en déplaise à tous ces démagogues, ce qui menace les peuples, de Belgique, de France ou d’ailleurs, ce n’est pas les peuples musulmans. L’insécurité, pour les salariés, ce n’est pas les jeunes de banlieue qui en sont cause mais les licenciements. L’insécurité pour les petits paysans et les petits commerçants, ce n’est pas les sans-papiers qui en sont cause, mais les banques comme le Crédit Agricole qui a fait fortune en les coulant et les capitalistes des grandes surfaces. L’insécurité qui menace les petits épargnants et les retraités, ce n’est pas les immigrés, c’est celle causée par les cadeaux à milliards de l’Etat aux banquiers, financiers et autres capitalistes. La prétendue « aide de l’Europe à la Grèce » fait d’ailleurs partie de ce soutien à nos propres capitalistes. Car c’est d’abord les banques, notamment françaises, qui auraient pâti que la Grèce ne puisse plus rembourser ses dettes. Et c’est le contribuable européen et les travailleurs grecs que l’on veut faire payer pour une prétendue « Grèce qui vivait au dessus de ses moyens ». Ce n’est certainement pas la Grèce des travailleurs dont le niveau de vie, le salaire minimum notamment, étaient plusieurs fois en dessous de ceux en France ! Si les fonctionnaires grecs touchaient un treizième ou quatorzième mois supprimé maintenant, c’est que le salaire mensuel ne suffit pas pour vivre ! En tout cas, aujourd’hui les profiteurs et spéculateurs font fortune sur la crise grecque comme européenne et les Etats leur paient cash leurs profits spéculatifs à la baisse !
Ce qu’on cherche à voiler, c’est que la mère de toutes les insécurités dans la société actuelle est causée par l’insécurité des revenus, l’insécurité de l’emploi, l’insécurité du salaire, l’insécurité du logement, l’insécurité des études, l’insécurité due à la destruction des services publics (hôpital, transports, poste, enseignement, …).
Et on nous dit que c’est à l’Etat, français ou grec, de légiférer pour interdire le voile. Pourquoi faudrait-il compter sur un pouvoir ami des dictatures islamistes d’Arabie saoudite, de celle du Bahrein, de celle des Emirats, de celle du Nigéria, de celle du Soudan ? Sur des amis des plus grandes dictatures islamistes du monde comme l’Indonésie et le Pakistan ? Pourquoi faudrait-il compter sur des Etats qui ont mis en place une nouvelle dictature islamiste en Afghanistan, qui ont laissé les USA en mettre une en place en Irak pour renverser la dictature soi-disant laïque de Saddam Hussein ? Depuis quand les Etats occidentaux se seraient préoccupés de défendre les femmes du monde musulman ? La France a-t-elle fait cela, elle qui a de bonnes relations avec l’Algérie et la Lybie ? La France dans laquelle des femmes meurent tous les jours sous les coups de leur mari serait tellement préoccupée du sort des femmes ? La France qui a couvert les actes de prêtres pédophiles pendant tellement d’années sous prétexte de ses bonnes relations avec cette institution intégriste moyenâgeuse de l’Eglise et avec la Papauté serait capable de combattre l’intégrisme religieux ?
On ne peut pas compter sur l’Etat ni sur les classes dirigeantes pour libérer les femmes de l’oppression, pas plus en ce qui concerne les femmes musulmanes que les autres. Cela ne veut pas dire qu’il faut être passif devant cette oppression. Au contraire, c’est sur la population que repose la possibilité des femmes de se libérer de toutes les chaînes qui les oppressent. Il est certes scandaleux qu’au 21ième siècle, on en soit encore à répéter comme toutes les religions issues du Moyen Orient, comme les religions juive, chrétienne ou musulmane, que la femme est impure, qu’elle est issue d’une côte de l’homme, qu’elle a détourné l’homme du droit chemin et est cause que l’homme travaille à la sueur de son front et que sa seule vision entraîne l’homme dans de mauvaises pensées !!!
Contrairement à ce que prétendent les gouvernants, de droite comme de gauche, c’est la lutte des travailleurs et des peuples, et la crainte qu’elle représentait pour les classes dirigeantes, qui a représenté des avancées, y compris pour la cause des femmes, et pas l’action des Etats, trop au service des classes dirigeantes pour se préoccuper du sort des opprimés. C’est tout aussi vrai en France, en Belgique que dans le monde musulman ou ailleurs. Oui, les femmes musulmanes, et ceux qui les soutiennent, auraient toutes les raisons de se mobiliser contre les intégristes qui veulent les cacher sous un voile. Mais cela n’a rien à voir avec les préoccupations des gens qui exploitent cette question dans un but démagogique pour camoufler la responsabilité des classes dirigeantes dans les sacrifices subis par les peuples.
Aux USA aussi, c’est face à la crise des années 2000 que les gouvernants ont développé le « danger islamiste » d’un Ben Laden et d’Al Qaida qu’ils avaient eux-mêmes entièrement contribué à produire, pour détourner les risques sociaux liés à la crise économique et sociale aux USA. Ce n’est pas seulement avec le monde musulman que les Etats occidentaux sont en guerre : c’est avec nous, notamment avec les travailleurs français, belges, grecs… Nous lancer dans une haine d’autres peuples, c’est leur manière de détourner notre colère et de nous empêcher de défendre ensemble, ouvriers et paysans, salariés et retraités, jeunes et vieux, wallons et flamands, d’origine religieuse ou nationale quelconque, avec ou sans papiers, avec ou sans croyance religieuse, de nous battre ensemble contre l’enfer que nous prépare le capitalisme…
La réalité qu’il ne faut pas que nous oubliions, c’est que tous les exploiteurs, les oppresseurs, les dictateurs et politiciens trompeurs du monde, qu’il soit occidental ou musulman ou d’ailleurs, sont du même bord en face de tous les travailleurs et exploités du monde. C’est cette réalité que le capitalisme en crise cherche à tout prix à masquer, y compris au prix à payer par les peuples de nouveaux Hitler, de nouvelles atrocités mondiales.