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Editorial 01-02-2010 - Haïti occupée militairement : pour lutter contre le séisme ? Oui ! Le séisme social !

samedi 30 janvier 2010, par Robert Paris

LA VOIX DES TRAVAILLEURS

« Travailleurs de tous les pays unissez-vous »

Karl Marx

Ces images ne viennent pas d’Irak ni d’Afghanistan mais d’Haïti, sous la domination des armées étrangères, pour moitié américaines...

Haïti occupée militairement : pour lutter contre les risques d’un séisme ? Oui ! Le séisme social !

Les USA, le Canada, le Brésil, la France,... ont envahi Haïti militairement. Ce n’est ni les sauveteurs, ni les médecins, ni la nourriture qui débarquent massivement dans l’île ravagée mais des troupes entraînées à réprimer, à tuer, à terroriser des peuples. Cela signifie que ces puissances ne craignent pas en premier la faim, les épidémies, pas plus qu’ils ne craignaient en premier le séisme et ne se préoccupaient d’abord des sauvetages possibles dans les maisons effondrées. Si elles ont bloqué l’aéroport avec l’envoi de 30.000 soldats, ce n’était pas non plus pour lutter contre de petits voleurs dans les magasins ou sécuriser les envois de nourriture !

Ces grandes puissances ont été touchées par le sort de ce « malheureux peuple » ? Certainement pas ! Elles ont vu là une occasion d’en finir avec les risques révolutionnaires de l’île qui avait renversé Bébé Doc et ses macoutes, qui s’est révoltée contre les coups d’état militaires comme celui de Lafontant en 1991, qui a dû démissionner son armée, qui n’a pas accepté les troupes d’occupation de l’ONU, ainsi que les troupes américaines et françaises, qui s’est révoltée contre la faim en 2008 et qui, lors du séisme, a commencé à s’organiser elle-même et aussi à se révolter. Port-au-Prince a connu depuis des manifestations aux cris de « de la nourriture et de l’aide, pas des soldats ! » et il y a eu des émeutes, des barricades, et même une tentative insurrectionnelle d’un groupe qui avait lancé le bruit d’un tsunami. Voilà pourquoi les grandes puissances craignent tant le peuple travailleur haïtien qu’elles tiennent à l’encadrer militairement.

On peut lire dans la presse : "Nelson Jobin, ministre brésilien de la Défense, de retour au Brésil, a évoqué « le risque d’émeutes ». Ce ne sont pas les pillages des « Carrefour » de Carrefour, localité où résidait Pauline Bonaparte, qui a été, comme Jamel, très endommagée par le séisme, qui motivent les inquiétudes du chef de la protection civile italienne et l’envoi massif de renforts militaires en Haïti. C’est bien la perspective d’une insurrection générale, dans un pays désormais sans infrastructure étatique autre que celle que tentent de constituer les grandes nations et l’Onu, qui est redoutée."

La première réaction du ministre français des affaires étrangères, M. Kouchner, quelques heures à peine après la catastrophe, alors que des milliers d’Haïtiens sont ensevelis sous les ruines que les morts se comptent déjà par dizaines de milliers et les sans-abris par millions est : « il faut préserver l’ordre, arrêter les pillages, garantir les propriétés » ! Et, le ministre des affaires étrangère du Brésil Celso Amorin renchérit : « Il est clair que cette tragédie requiert une attention spéciale en ce qui concerne l’ordre et la sécurité. D’autant plus que les prisons ont été détruites » (dans "O Estado" du 14 janvier)

Interrogé sur le Today Show de la chaîne NBC, l’ambassadeur américain à Port-au-Prince, Kenneth Merten, a indiqué que “les soldats américains n’intervenaient que dans le cas où ni la police haïtienne, ni les casques bleus ne pouvaient assurer la sécurité”.

Les grandes puissances se sont réunies à Montréal pour estimer les urgences de l’aide à Haïti et que croyez-vous qu’elles estiment le plus important de construire ? Des réseaux d’eau potable, des hôpitaux et des écoles ? Non, ce sont des prisons, des casernes, des tribunaux, une police et une armée. Ils veulent réembaucher les militaires haïtiens, démissionnés depuis 1995, l’armée haïtienne ayant été dissoute. Ils vont reconstruire complètement l’armée et la police haïtienne. Et c’est, disent-ils, la plus grande urgence. Et pourquoi ? Parce que des années de révolte avaient déjà démoli partiellement l’Etat bourgeois, discrédité par ses atrocités au service des classes dominantes, à l’époque des Duvalier mais aussi après. Parce que l’armée haïtienne s’était alors révélée aussi pourrie que la dictature de Duvalier.

Les USA, le Brésil ou la Canada vont donc fournir l’armée d’occupation en attendant de reconstruire l’Etat oppressif. L’Europe, qui tient à distinguer son petit rôle, propose de devenir la force de police.... Voilà la principale "aide internationale" en attendant que les fonds collectés atterrissent comme d’habitude pour l’essentiel entre les mains des chefs de bande de la bourgeoisie haïtienne et des chefs militaires ou de la police haïtienne !!!

Et n’oublions pas que la reconstruction d’un pays doit d’abord rapporter aux sociétés des pays riches qui aident. Devant le forum économique mondial (WEF) organisé comme chaque année à Davos, en Suisse, Mr Clinton, l’envoyé spécial de l’ONU pour Haïti, a appelé les chefs d’entreprises à investir dans le pays en déclarant que l’investissement en Haïti doit être vu comme "une occasion de faire des affaires".... Voilà l’humanitaire vu par les grandes puissances et bien des travailleurs qui ont vraiment cru à cette opération du fait du matraquage médiatique auraient dû être plus méfiants quand l’opération d’Obama s’appelle "Clinton-Bush", du nom des deux présidents américains qui ont fait la guerre au peuple haïtien dans le passé quand celui-ci s’est révolté.

Nous venons d’assister, soi-disant pour faire face aux conséquences d’un séisme, au débarquement en Haïti de 30.000 soldats en armes, des USA, de France, du Brésil…, un événement dont la signification échappe malheureusement à la plupart des travailleurs, victimes d’une propagande médiatique à grande échelle. Tout a été fait pour leur faire croire que le monde intervenait contre le séisme... pour aider « un malheureux peuple victime d’une catastrophe naturelle, une fois de plus victime d’un triste sort. » ! Ils lui envoient des soldats au lieu de sauveteurs. Ils débarquent des armes et des munitions et peu de nourriture et de soins....

Comment expliquer que le petit peuple d’Haîti fasse une telle peur aux grandes puissances, au point qu’elles y envoient des armadas militaires armées jusqu’au dents, avec les bérets noirs parachutistes US et les Marines, rompues aux guerres civiles ? La plupart des travailleurs de France ignorent que le petit peuple d’Haïti n’est pas seulement une population très pauvre, mais aussi un prolétariat révolutionnaire craint des classes dirigeantes mondiales. Depuis la révolution débutée en 1984-86, la population haïtienne a appris à se battre par ses propres moyens. Elle a une longue expérience de lutte, plus que tout autre peuple du monde. Elle sait se méfier des forces de l’ordre et des classes dirigeantes qui n’ont cessé de la massacrer, sous Duvalier et après Duvalier, après l’intervention armée américaine de 1994 et après l’occupation internationale à partir de 2004 comme avant.

Les classes dirigeantes craignent par dessus tout ce discrédit de l’Etat haïtien et l’absence de forces de répression qui rendrait irrépressible un mouvement populaire. Et ce danger est encore accru par le fait que le séisme a contribué à détruire l’Etat haïtien, autant physiquement que dans sa crédibilité. Si les édifices du pouvoir ont été démolis, la confiance de la population dans cet Etat l’a également été, en voyant qu’il était complètement absent pour sauver les victimes et organiser les secours, l’organisation des soins, du logement des sinistrés, de la sécurité des habitants et de la distribution de vivres...

Et la crainte des classes dirigeantes mondiales concerne surtout l’avenir : plus le temps passe, plus la population peut apprendre à se passer d’un Etat bourgeois. Dès maintenant, pour répondre à l’urgence de la situation, en l’absence d’aide de l’Etat haïtien ou des forces armées étrangères, les gens s’organisent par eux-mêmes en comités de quartiers et se fédèrent pour organiser la distribution d’eau et d’alimentation, mettre en place des quartiers et les protéger. Et ils ne craignent rien tant que le fait que cette situation perdure car, alors, les opprimés d’Haïti deviendraient ingouvernables. Les classes dirigeantes du monde ne craignent rien tant que la situation d’un peuple qui apprendrait, comme la Commune de Paris, à se passer de l’Etat des oppresseurs.

C’est cette crainte qui les amène à vouloir démolir les liens sociaux que représentaient les villes en poussant la population travailleuse qui s’y agglomérait dans des camps de tentes à l’extérieur encadrés par les armées étrangères et haïtienne. Celle-ci doit être reconstruite par les grandes puissances. premier objectif disent-elles : une armée haïtienne de 300.000 hommes. !!! Cela va donner à manger, cela va donner un logement, cela va donner des soins aux habitants complètement démunis, bien sûr que non !!!!

En somme, l’armée haïtienne pourrait être la seule miraculée du séisme, puisqu’elle réapparaît alors que les masses populaires n’ont cessé de la subir, sous Duvalier comme après, en tant que force de répression et d’oppression.... Mais il y a une autre possibilité : celle justement que craignent les classes dirigeantes du monde.

Oui, dans cette situation catastrophique, la perspective vitale, c’est que les masses populaires d’Haïti ne cèdent pas au chantage des grandes puissances et s’organisent de manière indépendante pour bâtir une société débarrassée des exploiteurs et des galonnés !

Lire sur Haïti

Militaires tortionnaires et escadrons de la mort de l’ancienne armée d’Haîti

Le massacreur notoire Louis Jodel Chamblain (à gauche) conférant avec Guy Philippe, entraîné par les services secrets US.

Manifestation à Les Cayes en avril 2008 contre la hausse du coût de la vie.

Cette masse populaire dans les rues éventrées de Port-au-Prince fait peur aux classes dirigeantes

QUELQUES SLOGANS DE LA RÉVOLUTION DE 1986 CONTRE LA DICTATURE DE DUVALIER SOUTENUE PAR LES GRANDES PUISSANCES

Que les grands pays laissent vivre Haïti

Nous ne voulons pas nous placer sous la tutelle des pays étrangers

"La révolution est la seule solution" : une pancarte de la révolution de 1986 !

Messages

  • Devant le forum économique mondial (WEF) organisé comme chaque année à Davos, en Suisse, M. Clinton, l’envoyé spécial de l’ONU pour Haïti, a appelé les chefs d’entreprises à investir dans le pays.

    L’investissement en Haïti doit être vu comme "une occasion de faire des affaires" a dit Clinton....

  • Très bon.

    « Comment expliquer que le petit peuple d’Haïti fasse une telle peur aux grandes puissances, au point qu’elles y envoient des armadas militaires armées jusqu’au dents, avec les bérets noirs parachutistes US et les Marines, rompues aux guerres civiles ?

    La plupart des travailleurs de France ignorent que le petit peuple d’Haïti n’est pas seulement une population très pauvre, mais aussi un prolétariat révolutionnaire craint des classes dirigeantes mondiales.

    Depuis la révolution débutée en 1984-86, la population haïtienne a appris à se battre par ses propres moyens. Elle a une longue expérience de lutte, plus que tout autre peuple du monde.

    Elle sait se méfier des forces de l’ordre et des classes dirigeantes qui n’ont cessé de la massacrer, sous Duvalier et après Duvalier, après l’intervention armée américaine de 1994 et après l’occupation internationale à partir de 2004 comme avant. »

    Voilà ce que sait la population et la classe ouvrière haïtienne. Voilà ce qu’en France et dans bien des pays du monde, la classe ouvrière doit encore apprendre.

    Voilà ce que la classe ouvrière haïtienne pourrait enseigner très vite à toute la population des Antilles ou du continent américain, si, du point de vue des impérialistes, elle n’est pas très vite matée.

    Voilà pourquoi les impérialistes réagissent si rapidement à la situation provoquée par le séisme. Leur première tâche est de reconstruire l’Etat pour e respect de la propriété et la réorganisation capitaliste de la reconstruction.

    Cette première étape franchie, les impérialistes auront pour but désorganiser ceux qui sont le plus conscients, mettre au pas la population organisée de façon autonome dans ses quartiers.

    Car leur crainte est que la conscience forte de la classe ouvrière haïtienne se propage dans le monde entier, de par la diaspora haïtienne, par exemple.

    C’est pourquoi frapper contre le peuple haïtien, c’est frapper contre tous les travailleurs du monde entier.

    Ainsi, ceux qui soutiennent, de près ou de loin, l’intervention impérialiste, sont les ennemis de la classe ouvrière et des travailleurs du monde entier.

  • les grands puissances de ce vieux monde ne vise que leur interet raison pour laquelle au lieu d’envoyer de la nourriture en quantite et en qualite en haiti ils prefèrent envoyer une armée etrangère pour sauvegarder leur domination.nom haiti n’a pas besoin maitenant d’une armée.

  • Les troupes des Nations unies ont procédé hier à Port-au-Prince à des tirs d’avertissement et lancé des gaz lacrymogènes après qu’une distribution d’aide à des centaines d’Haïtiens eut dégénéré. La distribution de nourriture, d’huile de soja, d’eau et de radios sur un ancien aéroport militaire avait débuté dans le calme, avec deux longues files d’habitants attendant leur tour. La plupart n’avait encore vu aucune aide depuis le séisme qui a détruit leur domicile le 12 janvier.

  • On peut bien la mesurer la solidarité des impérialismes pour ce "pauvre peuple haïtien" ! En effet, la France refuse d’accepter les réfugiés ahaïtiens. les USA refusent même les blessés qui devaient être reçus, les Etats demandant d’abord un plan de remboursement des coûts !!!

  • "Nous intervenons en soutien à la police haïtienne et nous répondons aux violences des manifestants", a répondu la porte-parole de la Minustah, interrogée en juin 2009 sur l’usage de gaz lacrymogènes contre les manifestants et sur des victimes civiles de la répression de ces forces internationales "de la paix".

  • Un troisième édito qui dit toujours ce que nul part on entend, on lit, ou on voit, c’est à dire que c’est la seule feuille, en tout cas dans l’hexagone ( et peut être ailleurs ?) qui raconte l’histoire d’Haiti révolutionnaire et donc donne une explication rationnelle à la "générosité" militaire et au brusque intérêt médiatisé des impérialismes envers la population haitienne.

    Par contre je trouve la 1er phrase un peu alambiquée :

    "Les USA, le Canada, le Brésil, la France,... qui ont envahi Haïti militairement ne craignent pas en premier la faim, les épidémies, pas plus qu’elles ne craignaient en premier le séisme et ne se préoccupaient d’abord des sauvetages possibles dans les maisons effondrées"

    et pas très claire à la fin à propos des sauvetages.

    C’est un 1er commentaire et j’y reviendrai plus tard.

    Ces éditos sont très importants et les idées qu’on y défend doivent être limpides et très convaincantes.

  • Le Journal Haïti Liberté :

    "Haïti occupé et ruiné !" titre l’hebdomadaire haïtien publié à New York. Huit jours après le séisme qui a ravagé Haïti, il continue de fustiger le rôle tenu par les Américains, avant et après la catastrophe. "Washington, après sa campagne de déstabilisation et d’occupation du pays, profite des calamités subies par la population pour occuper officiellement la terre de Dessalines et de Péralte"

  •  : "Nelson Jobin, ministre brésilien de la Défense, de retour au Brésil, a évoqué « le risque d’émeutes ». Ce ne sont pas les pillages des « Carrefour » de Carrefour, localité où résidait Pauline Bonaparte, qui a été, comme Jamel, très endommagée par le séisme, qui motivent les inquiétudes du chef de la protection civile italienne et l’envoi massif de renforts militaires en Haïti. C’est bien la perspective d’une insurrection générale, dans un pays désormais sans infrastructure étatique autre que celle que tentent de constituer les grandes nations et l’Onu, qui est redoutée."

  • Depuis dix ans, suite à des tremblements de terre, il y a eu :

    •15 000 morts en Turquie, en 1999.

    •14 000 morts en Inde, en 2001.

    •26 200 morts en Iran, en 2003.

    •210 000 morts en Indonésie en 2004 (le séisme sous-marin avait engendré un gigantesque Tsunami qui avait fait des victimes jusque sur les côtes africaines).

    •88 000 morts au Pakistan, en 2005.

    •70 000 morts en Chine, en 2008.

    Et pourtant...

    Jamais, dans ces cas, on n’a vu trente mille hommes en armes occuper le pays soi disant pour aider la population.

    Le mendonge est grossier.

    La vraie raison est ailleurs.

    le séisme qui pose problème aux grandes puissances a commencé avant le tremblement de terre et n’a rien de naturel : c’est la révolte sociale du peuple haïtien que la minustah, force de stabilisation, n’a pas réussi à stabiliser l’ordre social...

  • Avant même le séisme, les grandes puissances voulaient placer Haïti sous tutelle et domination militaire :

    "Une fois qu’un climat sûr et stable aura été instauré, la principale tâche de la communauté internationale sera de mettre sur pied les institutions de l’État haïtien et de créer, d’encourager et de promouvoir l’espace politique dans lequel le peuple haïtien pourra résoudre ses différends sans recourir à la violence. Nous avons soutenu que le meilleur moyen d’appliquer ce type d’approche est de mettre en place une tutelle internationale, qui obligerait les Nations Unies à renoncer à leur engagement actuel à l’égard de la souveraineté et de l’indépendance du pays."

    Extrait de L’utilité de placer Haïti sous tutelle internationale

    par le major Michael T. Ward

    http://www.journal.dnd.ca/vo7/no3/ward-fra.asp

  • Au sommet international de Davos, Clinton a voulu convaincre les patrons qu’investir en Haïti était leur intérêt.
    L’investissement en Haïti doit être vu comme "une occasion de faire des affaires", et non comme une forme d’assistance, a plaidé l’ancien président américain, qui s’était rendu en Haïti en octobre 2009, accompagné par deux cents chefs d’entreprise.

  • Vincent Marissal
    La Presse

    (Port-au-Prince) Dans les heures qui ont suivi le tremblement de terre du 12 janvier, la tour de contrôle de l’aéroport s’étant écroulée, le gouvernement haïtien avait perdu la maîtrise de son espace aérien au moment où il en avait le plus besoin.

    Qui a volé à la rescousse du gouvernement ? Les Américains.

    Ça tombait bien, ils avaient justement tout l’équipement pour prendre la maîtrise du ciel par-dessus les ondes haïtiennes et, ainsi, installer une tour temporaire.

    D’une journée à l’autre, le trafic aérien à l’aéroport de Port-au-Prince est passé de 15 à 20 avions par jour à 140, voire 160 appareils.

    « Il n’y avait que les Américains qui pouvaient faire ça, alors nous avons demandé à l’ambassadeur des États-Unis, a expliqué hier le premier ministre Jean-Max Bellerive aux sénateurs qui l’avaient convoqué pour expliquer les ratés de la gestion de crise de son gouvernement. De toute façon, même si on avait voulu le faire, nous n’en n’avons pas la capacité. »

    La fin de semaine dernière, lorsqu’il est devenu évident que le gouvernement haïtien n’avait aucun plan de communication, qui est venu en vitesse avec une belle stratégie toute faite ? Les Américains, bien sûr.

    Un employé de USAID (l’équivalent américain de l’ONU) s’en est d’ailleurs ouvertement vanté devant des élus haïtiens, hier, au siège provisoire du Parlement. « On est arrivés et, depuis, il y a trois conférences de presse par jour et il y avait aujourd’hui 14 caméras de télévision et plein de médias internationaux », disait le jeune homme, visiblement ravi.

    Pour distribuer les vivres dans les camps de sinistrés et dans certains quartiers chauds, qui débarque, croyez-vous ? Les marines, bien sûr.

    Même chose dans de nombreux hôpitaux de Port-au-Prince, où les médecins américains sont entrés juste derrière les M16 de leurs compatriotes soldats pour accaparer les salles d’opération. L’opération a presque tourné à l’empoignade là où les médecins cubains ou brésiliens ne voulaient pas céder leur place.

    En fait, le secret le moins bien gardé à Port-au-Prince, c’est que l’homme le plus puissant ici, ce n’est pas le président, tant s’en faut, mais bien l’ambassadeur des États-Unis. Il suffit de voir l’imposante ambassade des États-Unis ici (intacte, évidemment) et de constater l’omniprésence des troupes américaines pour comprendre qu’Haïti est déjà de facto sous la tutelle de Washington.

    Les écrans de fumée du gouvernement, notamment les nombreuses déclarations du président Préval, selon qui il n’y a pas, comme le veulent les rumeurs, jusqu’à 16 000 soldats américains en sol haïtien, ne trompent personne.

    Au Sénat, hier, le premier ministre Bellerive a admis l’incurie de l’État haïtien.

    « Nous faisons des efforts chaque jour pour améliorer la situation, pas pour contrôler la situation, soyons honnête », a-t-il dit pendant que, dans le fond de la salle, tout le monde parlait et que, tout autour, les téléphones portables sonnaient les uns après les autres.

    La scène a atteint le comble du ridicule lorsque le cellulaire d’un préposé du Sénat s’est mis à sonner juste derrière le premier ministre, laissant retentir les notes synthétisées de La Bamba.

    Le palais législatif étant presque entièrement détruit, l’Assemblée nationale et le Sénat se réunissent à l’Académie de police, dans des baraques de chantier de construction. Symbole tout à fait approprié dans les circonstances. Il n’y a pas que les maisons et les infrastructures qui devront être reconstruites. Les institutions démocratiques, historiquement bancales ici, auront aussi besoin d’une sérieuse mise à niveau.

    Pour le moment, le peuple comme la classe politique n’ont aucune confiance en leur gouvernement. Ils voient tous que celui-ci ne décide rien et que, lorsqu’il s’y risque, c’est pour donner des contrats aux amis du régime.

    « Pour pallier son manque de leadership, le gouvernement a essayé d’organiser des opérations de distribution de nourriture, mais il a donné de juteux contrats à des amis du président qui ne savent pas faire cela.

    Quelques minutes plus tard, même endroit, un tout autre son de cloche d’Enex Jean-Charles, conseiller spécial du président, venu assister à l’interpellation du premier ministre.

    « Le président Préval est aux commandes, tout se passe bien », m’a affirmé M. Jean-Charles.

    Pendant ce temps, une autre confusion naissait des propos du président René Préval. Devant les sénateurs, ce dernier a annoncé que le gouvernement allait se constituer en gouvernement de crise, une demande répétée des élus ces derniers jours. Les sénateurs ont compris que le nombre de ministres serait réduit (à cinq ou six au lieu de dix-sept) et que le président ferait appel aux forces vives du pays, même auprès de l’opposition, pour relancer le pays.

    Non, non, non. On efface tout et on revient à la case départ.

    « On ne parle pas de gouvernement de crise mais de situation d’urgence, a corrigé le conseiller spécial du président au cours de notre entretien. Pour le moment, aucun changement n’est prévu au gouvernement. »

    En terminant, un mot, sur les fameuses 200 000 tentes dont ont toujours cruellement besoin les sinistrés et qui ne sont toujours pas arrivées.

    Où en est le gouverne - ment ?

    Il réfléchit, a déclaré le président Préval, lundi. « Il s’agit de savoir s’il est mieux d’importer les tentes ou de les fabriquer ici, question de donner de l’emploi aux Haïtiens », a-t-il dit au sortir d’une rencontre d’urgence.

    Une rencontre avec qui ? Avec l’ambassadeur des États-Unis, bien sûr.

  • Avec le tremblement de terre au Chili, on retrouve certains points communs : pas d’aide mais des policiers et des militaires contre les pauvres traités comme des bandits parce qu’ils veulent se servir dans les magasins. Cette fois seulement ce ne sont pas les armées étrangères qui appliquent durement contre les pauvres l’état d’urgence mais les forces de répression du pays....

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