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Qu’est-ce que la science ?

mardi 4 août 2009, par Faber Sperber, Robert Paris

La réponse à cette question par les plus grands scientifiques et philosophes ....

SOCRATE :

Qu’est-ce que la science demande Socrate, conversant directement avec le géomètre Théodore et Théétète (rapporté par Platon dans « Théétète »)

« C’est précisément cela qui cause mon embarras et je n’arrive pas à concevoir par moi-même assez clairement ce que peut bien être la science. (…) Vous dites que tout se meut et tout s’écoule. (…) Donc nous avons distingué deux formes du mouvement : déplacement et changement. (…) Mais on ne peut pas tabler qu’il y ait déplacement sans altération. (…) Donc la chose se dérobe toujours puisqu’on a dit qu’elle s’écoule sans cesse et change donc sans cesse. (…) Dès lors, on ne peut pas dire que la sensation est science. (…) Ce n’est point dans les impressions des sens que réside la science, mais dans le raisonnement sur les impressions. (…) Lors donc que, s’étant rendu possesseur d’une science, on l’a enfermée dans l’enclos, on peut dire que l’on a appris ou trouvé la chose dont est faite sa science (…) Nous disons que quand on transmet ses connaissances, on enseigne ; que quand on les reçoit, on apprend ; et que quand on les a, qu’on les possède comme les oiseaux dans un colombier, on sait. (…) Si l’on est depuis longtemps possesseur de sciences qu’on a apprises et qu’on sait, on peut rapprendre à nouveau ces mêmes sciences, en ressaisissant la science chaque objet, qu’on avait en sa possession, mais qu’on n’avait pas présente à la pensée. (…) Celui qui ne peut donner ni recevoir l’explication rationnelle d’une chose reste dans l’ignorance au sujet de cette chose. Si à l’opinion juste sur la chose justement examinée, il joint cette explication, il possède la science parfaite. (…) Quelle science pourrait-il y avoir en dehors de la raison ? »}

"La science ne peut satisfaire qu’une seule des aspirations de notre âme : la curiosité. Sous une forme plus subtile : le besoin de comprendre ce qui lie les phénomènes individuels entre eux. Elle a une beauté qui lui est propre et sait combler le connaisseur." Lettre d’Einstein à Gladstone de juillet 1944

MAX PLANCK :

"Nous essayons de nous faire une idée aussi synthétique que possible du système de l’univers. (...) Le but idéal poursuivi par le physicien est donc la connaissance du monde réel et extérieur. (...) D’autre part, il ne faudrait pas s’imaginer que, même dans la plus exacte de toutes les sciences, on puisse faire des progrès en se passant d’une conception générale de l’Univers, c’est-à-dire en définitive d’hypothèses indémontrables. (...) Ce que l’on ne voit pas, c’est à quel point la difficulté pour faire progresser la science, c’est que le savant ait la ténacité de maintenir son point de vue. (...) Bien plus, l’austère recherche de la science ne peut progresser que par le libre jeu de l’imagination. Qui ne peut, à l’occasion, ne serait-ce qu’une fois, concevoir des choses apparemment contraires à la loi causale, jamais n’enrichira la science d’une idée nouvelle. (...) La manifestation des phénomènes énergétiques, s’effectuant par sauts ou paliers, est essentiellement discontinue. (...) Par une interprétation assez libre, l’idée d’Aristote a été résumée dans l’adage « la nature ne fait pas de bonds » (...) Selon toute apparence, son règne est compté. La nature semble en effet effectuer des bonds et cela de façon singulière. (...) L’hypothèse des quanta conduit à admettre qu’il y a dans la nature des phénomènes n’ayant pas lieu d’une manière continue mais brusquement et, pour ainsi dire, explosivement. (...) Voici un atome d’uranium qui est resté absolument passif et invariable au milieu des atomes de la même espèce qui l’entourent pendant d’innombrables millions d’années ; tout à coup, sans aucune cause extérieure, dans un intervalle de temps dont la brièveté défie toute mesure, cet atome explose avec une violence auprès de laquelle la brisance de nos explosifs les plus formidables n’est qu’un jeu d’enfant. Ajoutez à cela qu’il en va de même pour un volcan éteint depuis des millions d’années, une espèce invariable depuis des millions d’années, une étoile stable depuis des millions d’années, etc… (...) Les postulats primitivement considérés comme la base évidente de toute théorie sérieuse furent remis en question plus tard (...) : le postulat de l’invariabilité des atomes, celui de l’indépendance réciproque du temps et de l’espace et celui de la continuité de toutes les actions dynamiques. (...) Il n’y a plus maintenant, sur le terrain scientifique, pour ainsi dire, aucun principe dont la validité n’ait été mise en doute (...). De la logique, telle que nous la voyons mise en œuvre sous la forme la plus pure, dans les mathématiques, nous ne saurions attendre aucun secours. (...) Ainsi donc, la physique considérée par la génération précédente comme une des plus vieilles et des plus solidement assises parmi les connaissances humaines, est entrée dans une période d’agitation révolutionnaire qui promet d’être une des plus intéressantes de son histoire. (...) Nous pourrions voir certaines idées aujourd’hui vieillies et tombées dans l’oubli, retrouver une importance nouvelle. Pour cette raison, il serait souhaitable que les idées et les intuitions de nos grands philosophes fussent étudiées avec attention. Le temps où la philosophie et les sciences positives se considéraient comme étrangères l’une à l’autre et se regardaient mutuellement avec méfiance doivent être considérés comme révolus. (...) A vrai dire, on pourrait objecter ici préalablement qu’un problème de philosophie ne saurait être résolu par les sciences particulières ; que la philosophie traite précisément les questions concernant les principes et les conditions d’existence des sciences particulières ; que l’activité de la philosophie doit ainsi précéder, dans tous les cas, celle de la science et que si les sciences particulières entreprenaient de dire leur mot sur les questions de philosophie générale, ce serait empiéter d’une façon illicite sur le domaine philosophique. Quiconque juge de la sorte méconnait à mon avis l’importance du travail que la science et la philosophie opèrent ensemble. Tout d’abord, il y a lieu de considérer que le point de départ et les moyens d’investigation sont, au fond, tout à fait les mêmes dans les deux domaines. Le philosophe, en effet, ne travaille nullement avec une espèce particulière d’intelligence. A certains égards même le savant lui est de beaucoup supérieur, car il dispose, dans son domaine spécial, d’un matériel de faits beaucoup plus riche, rassemblé par observation ou expérimentation et passé systématiquement au crible. En revanche, la philosophie a de meilleurs yeux pour contempler les ensembles universels qui n’intéressent pas immédiatement le savant et que, par suite, ce dernier omet plus aisément d’observer. (...) La science admet l’existence d’un monde extérieur subsistant en soi (indépendamment de l’observateur humain NDLR) et, tout aussitôt, elle y rattache la question de la causalité, c’est-à-dire des lois qui régissent tout ce qui se passe dans l’univers, en tant que concept tout à fait indépendant de nos perceptions sensibles ; et elle se fait un devoir de rechercher si, et jusqu’à quel point, la loi de causalité est applicable dans la nature et dans le monde de l’esprit aux divers faits qui s’y produisent. (...) S’il est vrai que la structure du monde de la physique s’éloigne toujours plus du monde des sens pour se rapprocher du monde réel inconnaissable par principe, il est évident que l’image du monde proposée par la physique doit être purifiée dans une mesure croissante de ses éléments anthropomorphiques. (….) Dans l’acoustique, l’optique, la thermodynamique modernes, les impressions sensorielles sont tout simplement éliminées. (...) Une mesure, prise en elle-même, est incapable de nous renseigner, tant sur l’image représentative physique de l’univers que sur le monde réel (...) Nous ne connaissons, de façon immédiate, le sens d’aucune mesure. (...) Dès lors que toute mesure est inévitablement liée avec une intervention causale, plus ou moins notable, dans le phénomène à mesurer, il est, par principe, absolument impossible de séparer complètement les lois des phénomènes physiques des méthodes par lesquelles on les mesure. (...) La recherche expérimentale et la recherche théorique sont donc inséparablement unies l’une à l’autre et aucun progrès de l’une n’est concevable sans un progrès correspondant de l’autre. (...) Le progrès de la physique n’est pas une évolution continue au cours de laquelle nos connaissances s’approfondiraient et s’affineraient peu à peu ; il a au contraire un caractère discontinu et, en quelque sorte, explosif. L’apparition de chaque hypothèse nouvelle provoque comme une éruption subite ; elle est un saut dans l’inconnu, inexplicable logiquement. (...) Contrairement à ce que l’on soutient volontiers dans certains milieux de physiciens, il n’est pas exact que l’on ne puisse utiliser, pour l’élaboration d’une hypothèse que des notions dont le sens puisse, a priori, être défini par des mesures, c’est-à-dire indépendamment de toute théorie. (...) Une mesure ne reçoit, au contraire, son sens physique qu’en vertu d’une interprétation qui est le fait de la théorie. (...) Jamais des mesures ne pourront confirmer ni infirmer directement une hypothèse, elles pourront seulement en faire ressortir la convenance plus ou moins grande. (...) tel est le point où les résultats des mesures doivent être complétés par la spéculation libre. "

Le physicien Max Planck dans "Initiations à la physique"

ALBERT EINSTEIN :

"Le fil conducteur de la pensée scientifique : c’est le plaisir de penser." lettre de 1919

« La relation réciproque de la théorie de la connaissance et de la science est d’un genre remarquable : elles dépendent l’une de l’autre. La théorie de la connaissance sans contact avec la science n’est qu’un schéma vide. La science sans théorie de la connaissance – pour autant qu’elle est concevable – est primitive et confuse ; mais, dès que le théoricien de la connaissance, dans sa recherche d’un système clair, y est parvenu, il est enclin à interpréter le contenu de pensée de la connaissance dans le sens de son système et à écarter tout ce qui n’y est pas conforme. (...) Il apparaît comme un réaliste dans la mesure où il cherche à se représenter un monde indépendant des actes de perception ; comme un idéaliste dans la mesure où il considère les concepts et les théories comme des libres inventions de l’esprit humain (non dérivables logiquement du donné empirique) ; comme positiviste dans la mesure où il considère ses concepts et théories comme fondés seulement pour autant qu’ils procurent une représentation logique des relations et expériences sensorielles. »

« Les résultats de la recherche scientifique nécessitent très souvent un changement dans la conception philosophique des problèmes qui s’étend au delà du domaine restreint de la science. (...) Les généralisations philosophiques doivent être fondées sur les résultats scientifiques. Une fois formées et largement acceptées, elles influencent très souvent le développement ultérieur de la pensée scientifique en indiquant, entre les nombreux procédés possibles, celui qu’il faut suivre. »

Le physicien Albert Einstein dans « L’évolution des idées en physique »

Einstein dans « Physique et réalité » :

« Généralités concernant la méthode scientifique

On a souvent dit, non sans raison, que les chercheurs en sciences de la nature étaient de piètres philosophes. S’il en était ainsi, le physicien ne ferait-il pas mieux de laisser au philosophe le soin de philosopher ? Cela est sans doute vrai dans les périodes pendant lesquelles les physiciens croient disposer d’un système solide et incontesté de concepts fondamentaux et de lois fondamentales ; mais il en va autrement à une époque où toute l’assise de la physique est remise en question, comme c’est le cas aujourd’hui. A une pareille époque, où l’expérience le contraint à chercher des bases nouvelles et inébranlables, le physicien ne peut tout simplement abandonner à la philosophie l’examen critique des fondements de sa science, car il est le mieux placé pour savoir et sentir où le bât blesse ; dans sa recherche d’une assise nouvelle, il doit s’efforcer, autant qu’il peut , de prendre conscience de la pertinence, voire de la nécessité, des concepts dont il fait usage. »

Einstein dans « La géométrie et l’expérience » :

« Parmi toutes les sciences, les mathématiques jouissent d’un prestige particulier qui tient à une raison unique : leurs propositions ont un caractère de certitude absolue et incontestable, alors que celles de toutes les autres sciences sont discutables jusqu’à un certain point et risquent toujours d’être réfutées par la découverte de faits nouveaux. Le chercheur d’une autre discipline n’aurait pas lieu pour autant d’envier le mathématicien si les propositions de ce dernier ne portaient que sur de purs produits de notre imagination et non sur des objets réels. Il n’est pas étonnant en effet que l’on parvienne à des conclusions logiques concordantes, une fois que l’on s’est mis d’accord sur les propositions fondamentales (axiomes) ainsi que sur les méthodes à suivre pour déduire de ces propositions fondamentales d’autres propositions ; mais le prestiges de mathématiques tient, par ailleurs, au fait que ce sont également elles qui confèrent aux sciences exactes de la nature un certain degré de certitude, que celles-ci ne pourraient atteindre autrement.

Ici surgit une énigme qui, de tout temps, a fortement troublé les chercheurs. Comment est-il possible que les mathématiques, qui sont issues de la pensée humaine indépendamment de toute expérience, s’appliquent si parfaitement aux objets de la réalité ? La raison humaine ne peut-elle donc, sans l’aide de l’expérience, par sa seule activité pensante, découvrir les propriétés des choses réelles ?

Il me semble qu’à cela on ne peut répondre qu’une seule chose : pour autant que les propositions mathématiques se rapportent à la réalité, elles ne sont pas certaines, et, pour autant qu’elles sont certaines, elles ne se rapportent pas à la réalité. (…) Interprétation ancienne : tout le monde sait ce qu’est une droite et ce qu’est un point. (…) Interprétation nouvelle : la géométrie traite d’objets qui sont désignés au moyen de termes « droite », « point », etc. On ne présuppose pas une quelconque connaissance ou intuition de ces objets, mais seulement la validité d’axiomes (…) Ces axiomes sont des créations libres de l’esprit humain. (…) Ce sont les axiomes qui définissent en premier lieu les objets dont traite la géométrie. (…) Pourquoi Poincaré et d’autres chercheurs rejettent-ils l’équivalence naturelle entre le corps pratiquement rigide de l’expérience et le corps de la géométrie ? Tout simplement parce qu’un examen un peu précis révèle que les corps solides réels de la nature ne sont pas rigides, étant donné que leur comportement géométrique, c’est-à-dire les diverses positions relatives qu’ils peuvent occuper, est fonction de la température, des forces extérieures, etc. »

ILYA PRIGOGINE :

"La science est un dialogue avec la nature. Mais comment un tel dialogue est-il possible ? Un monde symétrique par rapport au temps serait un monde inconnaissable. Toute prise de mesure, préalable à la création de connaissance, présuppose la possibilité d’être affectés par le monde, que ce soit nous qui soyons affectés ou nos instruments. Mais la connaissance ne présuppose pas seulement un lien entre celui qui connait et ce qui est connu, elle exige que ce lien crée une différence entre passé et futur. La réalité du devenir est la condition sine qua non à notre dialogue avec la nature. (...)

Comprendre la nature a été l’un des grands projets de la pensée occidentale. Il ne doit pas être identifié avec celui de contrôler la nature. Aveugle serait le maître qui croirait comprendre ses esclaves sous prétexte que ceux-ci obéissent à ses ordres. Bien sûr, lorsque nous nous adressons à la nature, nous savons qu’il ne s’agit pas de la comprendre à la manière dont nous comprenons un animal ou un homme. Mais là aussi la conviction de Nabokov s’applique : "ce qui peut être contrôlé n’est jamais tout à fait réel, ce qui est réel ne peut jamais être rigoureusement contrôlé." (...)

Le déterminisme a des racines anciennes dans la pensée humaine, et il a été associé aussi bien à la sagesse, à la sérénité qu’au doute et au désespoir. La négation du temps, l’accès à une vision qui échapperait à la douleur du changement, est un enseignement mystique. Mais la réversibilité du changement n’avait, elle, été pensée par personne : "Aucune spéculation, aucun savoir n’a jamais affirmé l’équivalence entre ce qui se fait et ce qui se défait, entre une plante qui pousse, fleurit et meurt, et une plante qui ressuscite, rajeunit et retourne vers sa graine primitive, entre un homme qui mûrit et apprend, et un homme qui devient progressivement enfant, puis embryon, puis cellule." (...)

A quelque niveau que ce soit, la physique et les autres sciences confirment notre expérience de la réalité : nous vivons dans un univers en évolution. [...] La dernière forteresse qui résistait à cette affirmation vient de céder. Nous sommes maintenant en mesure de déchirer le message de l’évolution tel qu’il prend racine dans les lois fondamentales de la physique. Nous sommes désormais en mesure de déchiffrer sa signification en termes d’instabilité associée au chaos déterministe et à la non-intégrabilité. Le résultat de notre recherche est en effet l’identification de systèmes qui imposent une rupture de l’équivalence entre la description individuelle (trajectoires, fonctions d’onde) et la description statistique d’ensembles. Et c’est au niveau statistique que l’instabilité peut être incorporée dans les lois fondamentales. Les lois de la nature acquièrent alors une signification nouvelle : elle ne traitent plus de certitudes mais de possibilités. Elles affirment le devenir et non plus seulement l’être. Elles décrivent un monde de mouvements irréguliers, chaotiques, un monde plus proche de celui qu’imaginaient les atomiques anciens que des orbites newtoniennes."

STEPHEN JAY GOULD :

"La science a été longue à prendre en compte des explications de type historique - et les interprétations formulées jusqu’ici ont souffert de cette omission. Elle a aussi tendu à dénigrer l’histoire lorsqu’elle y a été confrontée, considérant toute invocation de la contingence comme moins élégantes basées directement sur des "lois de la nature" intemporelles."

Stephen Jay Gould dans "La vie est belle"

"La science est une activité essentiellement humaine, non l’accumulation mécanique, automatique d’information objectives qui conduirait, grâce aux lois de la logique, à des conclusions inévitables."

"Darwin et les grandes énigmes de la vie", Stephen Jay Gould

"Des faits nouveaux rassemblés dans le cadre d’une nouvelle théorie sont rarement le prélude à une réelle évolution de la pensée. Les faits ne « parlent pas d’eux-même » ; ils sont interprétés à la lumière de la théorie. La pensée créatrice, dans les sciences autant que dans les arts, est le moteur du changement. La science est une activité essentiellement humaine, non l’accumulation mécanique, automatique d’information objectives qui conduirait, grâce aux lois de la logique, à des conclusions inévitables."

Stephen Jay Gould dans "Darwin et les grandes énigmes de la vie"

DAVID RUELLE :

"Le destin de la science a été différent de celui des autres domaines de la curiosité humaine, non pas que la curiosité était d’une autre nature, mais parce que les objets et les concepts étaient différents. (...) Les mathématiciens, comme les physiciens, sont poussés par une fascination puissante (...) Quelle est son origine ? (...) le fait que le monde est compréhensible. Dans leur ensemble, les mathématiciens et les physiciens estiment qu’ils ont affaire à une réalité extérieure avec ses lois propres, (...) une réalité étrange, fascinante et, dans un certain sens, belle aussi. (...) La science répond aux questions (au moins de temps en temps), mais ne prend pas de décision. Les humains prennent des décisions (au moins de temps en temps). Il est difficile de juger quels sont les choix réellement ouverts à l’humanité. (...) A moins d’un cataclysme prochain, il y aura d’autres changements, d’autres progrès."

Le physicien David Ruelle dans "Hasard et chaos"

SCHRÔDINGER :

Erwin Schrödinger rapporte dans "Physique quantique et réprésentation du monde" :

"Si l’on considère le développement de la physique au cours du dernier demi-siècle, on a l’impression que la vision discontinue de la nature nous a été imposée en grande partie contre notre volonté. Nous paraissons être entièrement satisfaits du continu. Max Planck fut sérieusement effrayé par l’idée d’un échange discontinu d’énergie qu’il avait introduite (1900) pour expliquer la distribution de l’énergie dans le rayonnement du corps noir. Il fit de grands efforts pour affaiblir son hypothèse et pour l’éliminer dans la mesure du possible, mais ce fut en vain. Vingt-cinq ans plus tard, les inventeurs de la mécanique ondulatoire entretinrent pendant un certain temps avec la plus grande ardeur l’espoir d’avoir préparé la voie à un retour de la description classique continue, mais de nouveau cet espoir fut déçu. La nature elle-même semblait rejeter une description continue, et ce refus semble n’avoir aucune relation avec les apories des mathématiciens touchant le continu."

"Si j’avais su que l’on ne pourrait pas se débarrasser de ces sacrés quanta, je je ne me serai pas investi dans cette affaire."

"Je ne me suis décidé à croire à un principe d’incertitude qu’après maints examens de conscience."

ETIENNE KLEIN :

« Penser la science – La science n’est pas la technique. (...) On peut craindre que la volonté d’obtenir toujours plus de résultats expérimentaux n’étouffe la dimension réflexive du métier de physicien. Etre physicien (...) c’est aussi réfléchir, méditer les concepts, en créer de nouveaux, saisir leur portée, envisager leur sens. Il ne suffit pas d’avoir rendu la science prédictive pour en épuiser le contenu. Dans « Prédire n’est pas expliquer », René Thom le dit avec des mots qui feront grincer des dents : « Si l’on réduit la science à n’être qu’un ensemble de recettes qui marchent, on n’est pas dans une situation supérieure à celle du rat qui sait que lorsqu’il appuie sur un levier, la nourriture va tomber dans son écuelle. »

Le physicien Etienne Klein dans « Sous l’atome, les particules »

FRANCOIS JACOB :

"Le début de la science moderne date du moment où aux questions générales se sont substituées des questions limitées ; où au lieu de demander : "Comment l’univers a-t-il été créé ? De quoi est faite la matière ? Quelle est l’essence de la vie ?", on a commencé à se demander : "Comment tombe une pierre ? Comment l’eau coule-t-elle dans un tube ? Quel est le cours du sang dans le corps ?". Ce changement a eu un résultat surprenant. Alors que les questions générales ne recevaient que des réponses limitées, les questions limitées se trouvèrent conduire à des réponses de plus en plus générales."

François Jacob dans "Le jeu des possibles"

GEORG WILHELM FRIEDRICH HEGEL :

"Non seulement la philosophie ne peut être qu’en accord avec l’expérience naturelle, mais la naissance et la formation de la science philosophique ont la science empirique pour présupposition et pour condition."

"Ce qui faisait du concept « l’objet » dans l’élément de l’être, c’était sa division en masses, substances séparées, mais l’objet devenant concept il n’y a rien de subsistant en lui : la négativité a transpercé tous ses moments."

"La quantité posée avec une déterminabilité essentielle qui exclut toutes les autres, c’est le quantum, ou quantité limitée. (...) Le nombre est une pensée, mais il est la pensée en tant qu’être qui est extérieur à lui-même. Comme pensée, il n’entre pas dans l’ordre des choses qui tombent sous l’intuition."

"Il est assurément bien vrai que le carré de l’hypoténuse d’un triangle rectangle est égal à la somme des carrés des deux autres côtés. Mais la nature d’une vérité de ce genre est différente de celle des vérités philosophiques (des vérités historiques). (…) Le vrai et le faux font partie de ces notions déterminées qu’en l’absence de mouvement on prend pour des essences propres (...) Il faut à l’encontre de cela affirmer que la vérité n’est pas une monnaie frappée qui peut être fournie toute faite et qu’on peut empocher comme ça. Il n’y a pas plus de faux qu’il n’y a un mal."

"L’évolution n’est pas une simple éclosion sans peine et sans lutte, comme celle de la vie organique, mais le travail dur et forcé sur soi-même."

"Parler de points de l’espace, comme s’ils constituaient l’élément positif de l’espace, est irrecevable (...) La négativité se rapporte à l’espace en tant que point de l’espace et développe en lui ses déterminations en tant que ligne et surface est pourtant dans le domaine de l’être extérieur à lui-même, et pose ses déterminations dans la négativité, mais en même temps dans la sphère de l’être extérieur à soi, y apparaissant comme indifférencié vis-à-vis de la juxtaposition tranquille de l’espace et de l’être.”

"La notion d’espace comme vide, parfaite abstraction extérieure à la matière, est déjà une contradiction. Le passage du point à la ligne, comme de la ligne à l’espace, est une autre contradiction. La présence de l’avion dans l’espace (vide) est une première négation. l’existence d’une trajectoire sur laquelle circule l’avion est une deuxième négation de l’espace. Le fait que la ligne ne soit pas faite des points, ni le plan de lignes, résulte de leurs concepts, car la ligne est le point en dehors de lui-même relativement à l’espace lui-même, et se suspendant lui-même comme l’avion est porté par une ligne située en dehors de lui : sa trajectoire."

"Le temps lui aussi n’est que pure négativité. Il existe parce que tout est éphémère, tout doit disparaître, changer. Cependant, comme concept, le temps n’est pas en soi pure négativité."

Plusieurs choses sont en interaction par leurs propriétés. (...) Le phénomène est dans l’unité de l’apparence et de l’existence. Cette unité est la loi du phénomène. La loi est donc le positif dans la médiation de ce qui apparaît. C’est le reflet du phénomène dans son identité avec lui-même. Cette identité, le fondement du phénomène qui constitue la loi, est un moment propre du phénomène... La loi est donc non au-delà du phénomène, mais présente en lui immédiatement. Le royaume des lois est le reflet tranquille du monde existant ou phénoménal."

Hegel dans "La doctrine de l’Essence"

Commentaire de Lénine sur cette phrase dans "Cahiers sur la dialectique de Hegel" :

"C’est une définition remarquablement juste (en particulier, le mot "tranquille"). La loi prend ce qui est tranquille - et c’est pourquoi la loi, toute loi, est étroite, incomplète, approximative."

SIGMUND FREUD :

"Seuls les croyants qui demandent à la science de leur remplacer le catéchisme auquel ils ont renoncé, verront d’un mauvais oeil qu’un savant poursuive et développe ou même qu’il modifie ses idées."

Sigmund Freud dans "Au-delà du principe de plaisir"

MARX

"Tout en estimant que toute science doit-être cultivée pour elle-même et que, dans aucune recherche scientifique, on ne doit se soucier de ces conséquences éventuelles, il était cependant d’avis que le savant, s’il ne voulait pas s’abaisser lui-même, ne devait jamais cesser de participer activement à la vie publique et ne devait rester confiné dans son cabinet de travail ou dans son laboratoire, comme un ver dans son fromage, sans jamais se mêler à la vie et aux luttes politiques et sociales de ses contemporains."

"Souvenirs sur Marx", Paul Lafargue et Wilhem Liebnknecht

Messages

  • La réponse à cette question par les plus grands scientifiques et philosophes ....

    SOCRATE :

    Qu’est-ce que la science demande Socrate, conversant directement avec le géomètre Théodore et Théétète (rapporté par Platon dans « Théétère »)

    « C’est précisément cela qui cause mon embarras et je n’arrive pas à concevoir par moi-même assez clairement ce que peut bien être la science. (…) Vous dites que tout se meut et tout s’écoule. (…) Donc nous avons distingué deux formes du mouvement : déplacement et changement. (…) Mais on ne peut pas tabler qu’il y ait déplacement sans altération. (…) Donc la chose se dérobe toujours puisqu’on a dit qu’elle s’écoule sans cesse et change donc sans cesse. (…) Dès lors, on ne peut pas dire que la sensation est science. (…) Ce n’est point dans les impressions des sens que réside la science, mais dans le raisonnement sur les impressions. (…) Lors donc que, s’étant rendu possesseur d’une science, on l’a enfermée dans l’enclos, on peut dire que l’on a appris ou trouvé la chose dont est faite sa science (…) Nous disons que quand on transmet ses connaissances, on enseigne ; que quand on les reçoit, on apprend ; et que quand on les a, qu’on les possède comme les oiseaux dans un colombier, on sait. (…) Si l’on est depuis longtemps possesseur de sciences qu’on a apprises et qu’on sait, on peut rapprendre à nouveau ces mêmes sciences, en ressaisissant la science chaque objet, qu’on avait en sa possession, mais qu’on n’avait pas présente à la pensée. (…) Celui qui ne peut donner ni recevoir l’explication rationnelle d’une chose reste dans l’ignorance au sujet de cette chose. Si à l’opinion juste sur la chose justement examinée, il joint cette explication, il possède la science parfaite. (…) Quelle science pourrait-il y avoir en dehors de la raison ? »
    "La science ne peut satisfaire qu’une seule des aspirations de notre âme : la curiosité. Sous une forme plus subtile : le besoin de comprendre ce qui lie les phénomènes individuels entre eux. Elle a une beauté qui lui est propre et sait combler le connaisseur." Lettre d’Einstein à Gladstone de juillet 1944

  • Albert Einstein affirme :"Le fil conducteur de la pensée scientifique : c’est le plaisir de penser." lettre de 1919
    Mais moi je pense que le fil conducteur de la pensée scientifique c’est plutôt la curiosité et non le plaisir de penser. Car on ne peut penser sans avoir la curiosité de la chose. On pense quand la chose nous stupéfait.

  • "La science ne peut satisfaire qu’une seule des aspirations de notre âme : la curiosité. Sous une forme plus subtile : le besoin de comprendre ce qui lie les phénomènes individuels entre eux. Elle a une beauté qui lui est propre et sait combler le connaisseur." Lettre d’Einstein à Gladstone de juillet 1944

  • La science est l’oeuvre de l’esprit humain, qui est destiné plutôt à étudier qu’à connaître, à chercher qu’à trouver la vérité.

    — Galois, Évariste

  • La science progresse par une série de combinaisons, [...], sa vie est brute et ressemble à celle des minéraux qui croissent par juxtaposition. [...] En vain les analystes voudraient-ils se le dissimuler : ils ne déduisent pas, ils combinent, ils composent : toute immatérielle qu’elle est l’analyse n’est pas plus en notre pouvoir que d’autres ; il faut l’épier, la sonder, la solliciter. Quand ils arrivent à la vérité, c’est en heurtant de ce côté et d’autre qu’ils y sont tombés. [...]
    Nous ne nous plaindrons donc point de l’irrégularité des ouvrages de Mathématiques, qui est inhérente à la liberté absolue du savant. Une théorie nouvelle est bien plutôt la recherche que l’expression de la vérité, et si on pouvait la déduire régulièrement des théories déjà connues, elle ne serait pas nouvelle.
    Ce dont nous nous plaindrons, c’est que la pensée qui a dirigé l’auteur reste le plus souvent cachée. [...]
    Quand la concurrence, c’est-à-dire l’égoïsme, ne régnera plus dans les sciences, quand on s’associera pour étudier au lieu d’envoyer aux académies des paquets cachetés, on s’empressera de publier ses moindres observations pour peu qu’elles soient nouvelles, et on ajoutera : « Je ne sais pas le reste ».

    — Galois, Évariste ; Écrits et mémoires mathématiques

  • Marx dans Le Capital Livre III :

    « Toute science serait superflue s’il y avait coïncidence immédiate entre la forme phénoménale et l’essence des choses. »

  • Gilles Cohen-Tannoudji dans "La Matière-espace-temps"

    "L’édifice scientifique en construction permanente imprègne profondément notre culture, car il modifie sans cesse notre représentation du monde et, à travers cette représentation, notre rapport au monde. Une conception cohérente s’en dégage : matière, espace et temps sont indissociables ; l’univers en expansion ; son évolution est un processus qui implique que la permanence n’est de mise à aucune échelle ; son histoire et son devenir sont inscrits dans chacune de ses parties."

  • Henri Poincaré : « Le scientifique n’étudie pas la nature parce qu’il est utile de le faire. Il l’étudie parce qu’il y prend plaisir, et il y prend plaisir parce qu’elle est belle. Si la nature n’était pas belle, elle ne mériterait pas d’être connue et la vie ne mériterait pas d’être vécue. »

  • Qu’est-ce que la science ?
    3 novembre 17:35, par Robert Paris
    Henri Poincaré : « Le scientifique n’étudie pas la nature parce qu’il est utile de le faire. Il l’étudie parce qu’il y prend plaisir, et il y prend plaisir parce qu’elle est belle. Si la nature n’était pas belle, elle ne mériterait pas d’être connue et la vie ne mériterait pas d’être vécue. »

  • "L’observation scientifique est toujours une observation polémique."

    La Formation de l’esprit scientifique (1938)
    de Gaston Bachelard

  • Lachièze-Rey : "La physique quantique implique que toute grandeur dynamique doit fluctuer. la relativité générale implique que l’espace et le temps sont des grandeurs dynamiques."

  • La science n’est pas seulement des expériences et des théories. Elle est d’abord faite de contradictions, à la fois entre les théories, entre les expériences, entre expériences et théories, et surtout entre les hommes qui les discutent.

    Cette dimension indispensable à la science, la discussion, a été particulièrement soulignée par certains auteurs comme Galilée, Diderot, ou Heisenberg.

    Voyons ce qu’en dit ce dernier, un physicien quantique, dans l’introduction de son ouvrage « La partie et le tout, le monde de la physique atomique » :

    « La science est faite par des hommes. Ce fait, évident en soi, est facilement oublié ; il est peut-être utile de le rappeler, car cela pourrait contribuer à combler le fossé, dont on se plaint si souvent, entre deux types de cultures : la culture littéraire et artistique, d’une part, la culture technique et scientifique de l’autre. (…) L’activité scientifique repose sur les expériences ; ses résultats sont obtenus à la suite de discussions entre ceux qui l’exercent, et qui se concertent au sujet de l’interprétation des expériences. Ce sont de telles discussions qui forment la substance de ce livre. Son but est de faire comprendre au lecteur comment la science se crée au cours de la discussion. (...) L’auteur s’est attaché à décrire, de la façon la plus exacte et la plus vivante possible, l’atmosphère dans laquelle se sont tenues ces discussions. En effet, cela lui permettra de mettre en évidence le processus de création de la science, de faire comprendre comment l’action commune d’hommes très différents entre eux peut finalement conduire à des résultats scientifiques d’une très grande portée. (…) La physique atomique moderne a conduit à une reformulation d’un grand nombre de problèmes essentiels, de nature philosophique, éthique et politique. »

  • « On ne comprend pas ce qu’est la science de la chaussure quand on ne comprend pas ce qu’est la science. »

    Platon, dans « Théétète »

  • « À l’heure actuelle, quelle situation est faite dans le corps social de l’humanité à l’homme de science ? Dans une certaine mesure, il peut se féliciter que le travail de ses contemporains, même de façon très indirecte, ait radicalement modifié la vie économique des hommes parce qu’il a éliminé presque entièrement le travail musculaire. Mais il est aussi découragé puisque les résultats de ses recherches ont provoqué une terrible menace pour l’humanité. Car les résultats de ses investigations ont été récupérés par les représentants du pouvoir politique, ces hommes moralement aveugles. »

    Einstein, « À propos de la dégradation de l’homme scientifique », dans Comment je vois le monde

  • Poincaré dans « Science et Méthode » :

    « Le savant n’étudie pas la nature parce que cela est utile ; il l’étudie parce qu’il y prend plaisir et il y prend plaisir parce qu’elle est belle. Si la nature n’était pas belle, elle ne vaudrait pas la peine d’être connue, la vie ne vaudrait pas la peine d’être vécue. Je ne parle pas ici, bien entendu, de cette beauté qui frappe les sens, de la beauté des qualités et des apparences ; non que j’en fasse fi, loin de là, mais elle n’a rien à faire avec la science ; je veux parler de cette beauté plus intime qui vient de l’ordre harmonieux des parties, et qu’une intelligence pure peut saisir. »

    Poincaré :

    “The Scientist does not study nature because it is useful to do so. He studies it because he takes pleasure in it ; and he take pleasure un it because it is beautiful. If nature were not beautiful, it would not be worth knowing and life would not be worth living…”

  • définition de la science soumise par l’American Physical Society :

    « La science agrandit et enrichit nos vies, ouvre notre imagination et nous libère des servitudes de l’ignorance et de la superstition. Les sociétés savantes soussignées désirent énoncer les préceptes de la science moderne qui sont responsables de son succès. La science est l’entreprise systématique d’acquérir des connaissances sur le monde, d’organiser et de synthétiser ces connaissances en lois et théories vérifiables. Le succès et la crédibilité de la science prend sa source dans la volonté des scientifiques de :

    – soumettre leurs idées et résultats à la vérification et la reproduction indépendante par d’autres scientifiques, ce qui nécessite l’échange complet et ouvert des données, procédés et matériel,

    – abandonner ou modifier les conclusions acceptées lors que confrontés à des évidences expérimentales plus complètes ou fiables.

    L’adhésion à ces principes procure un mécanisme d’auto-correction qui est le fondement de la crédibilité de la science. »

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