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Université malienne en grève

20 juin 2010, 09:40, par F. Kletz

Je souhaite répondre à ton message Amisty.

Car le gouvernement ne sauvera jamais l’école. Il fera tout au contraire pour la casser et la rendre inutile, précisément pour que chaque famille s’endette à payer des cours privés à leurs enfants qui ne s’en sortiront pas à l’école.

C’est ce que je vais développer ici, en espérant que mon analyse aidera à comprendre mieux le monde dans lequel nous vivons, à Bamako, à Paris, ou dans tous les villages de la terre.

Citoyen du monde, je pense que les solutions adoptées par tel ou tel pays, sont les solutions qui contribuent à l’accumulation du capital. Ce ne sont pas nos solutions, et bien souvent, voire tout le temps, ces solutions sont des attaques contre nous

J’ai principalement un commentaire et une analyse concernant une des questions que tu poses.

Il s’agit de celle-ci : « Vous voulez une uniformisation dans l’universitaire, vous voulez faire comme vos homologues de la sous-région, adopter le système LMD mais vous ne voulez pas y mettre les moyens ? »

En fait, la question me semble mal posée. Il ne s’agit pas d’une question de « moyens ».

Pour argumenter mon analyse, je vais te parler d’un pays dans lequel j’ai vu la mise en place du système LMD.

Le système LMD en France

En France, le système LMD n’a été qu’une étape de l’introduction de la logique d’entreprise dans les universités. Rentabilité, flexibilité, précarité, sous-salaires. Tout cela est à l’œuvre dans l’université d’un pays qui se prétend être le modèle pour le monde entier en matière de santé et d’éducation.

Le système LMD en France et en Europe a permis de renforcer le cassage du système éducation nationale. Il s’agissait d’une étape. D’autres mesures l’ont précédées, d’autres l’ont suivi. Accepter le modèle LMD en demandant des moyens pour qu’il fonctionne ne me parait donc pas la solution.

Ce système d’éducation de la France des années 1970 n’était certainement pas le meilleur, il semble pourtant aujourd’hui qu’il a été un temps moins rude que celui que nous vivons actuellement.

Comment ce cassage est articulé au système d’accumulation de profit et de capital

Comme toujours depuis qu’elle règne sur le monde, la bourgeoisie cherche toujours plus des secteurs de création de profit et de plus-value partout où cela est possible.

Même un puits de pétrole qui se déverse dans la mer (Golfe du Mexique) depuis deux mois, les capitalistes n’arrivant pas à le boucher, ils en tirent des milliers de barils (25 000 par jour !), avec centrifugeuses financées par un acteur et producteur de cinéma très célèbre. Les centrifugeuses devant servir à séparer le brut de l’eau salée pompée en même temps. Tout est bon pour tirer du profit, même et surtout une catastrophe écologique.

Dans l’intérêt de la bourgeoisie, face à une crise économique chronique d’accumulation du capital depuis 1973, il lui était nécessaire, de trouver des secteurs nouveaux.

Les secteurs « murs » économiquement ne permettent pas d’accéder à une accumulation rapide du capital aussi rapidement qu’avant. Or, créer de nouveaux secteurs, cela n’est plus suffisant face à une crise de l’accumulation de capital.

Un nouveau secteur doit pouvoir se trouver un marché. Ce n’est pas toujours possible.

Alors, les secteurs étatiques sont une solution à leur problème (mais pas au nôtre !) : libéralisation, cassage, renforcement des exigences scolaires et universitaires, suppressions de postes et de « moyens », baisse des cours en quantité, voire en qualité, mais accroissement des attentes d’efficacité pour les diplômes et les emplois accessibles avec ces diplômes.

Pour revenir à l’éducation nationale, ce que nous vivons et observons aujourd’hui, est un système déjà prévu depuis au moins l’arrivée de Mitterrand au pouvoir. A l’époque, Attali, conseiller de Mitterrand avant même son arrivée au pouvoir, avait théorisé que l’éducation et la santé devaient devenir des moyens de relance de l’économie.

Secteur de l’éducation

En fait, Depuis au moins 40 ans, il s’agit pour les capitalistes de casser l’école, en créant plus de sélection pour les diplômes les plus rentables. C’est ainsi qu’en 1986, la loi Devaquet fut proposée. Les manifestations étudiantes l’ont empêchée de voir le jour. Rappelons que je jeune Malik Houssekine est mort sous les coups des « voltigeurs », ces flics de choc mis en place par le sinistre Pasqua.

Mais le principe devait voir le jour. C’est le socialiste Jospin qui a trouvé le moyen de le faire passer sous d’autres modes par la création de diplômes professionnels à l’université. Ces diplômes pouvaient être créés par n’importe quel professeur. Cela permet de créer des petites responsabilités, un petite entreprise en plus des charges de cours habituelles, en échange de quoi la taxe professionnelle distribuée au choix des entreprises peut être perçue pour des frais de fonctionnement (achats de livres, d’ordinateurs, que ça soit pour les étudiants ou pas… il suffit que ça soit sur le papier)
Ensuite, parallèlement et suite à la mise en place du système LMD, une nouvelle loi rendait « autonomes » les universités, c’est-à-dire que la loi adopte alors et promulgue la logique libérale et capitalistique dans un secteur dépendant de budgets publics. En légiférant de la sorte, cette logique d’entreprise est bel et bien actuelle depuis au moins un an dans les universités. Les personnels qui sont en CDD depuis des années (5, 10, 15 ans pour certains) attendaient des CDI ou des titularisations, ils se trouvent harcelés, souvent en dépression, parfois au bord du suicide, comme à France Télécom, comme dans n’importe quelle entreprise prête à fermer, comme dans les hôpitaux, comme partout.

Les statistiques existent, dans les directions et les ministères, mais sont rarement, voire jamais rendues publiques. Tous les décideurs gouvernementaux savent ce qu’ils font. Ce sont eux les responsables des suicides. Pour se couvrir, ils ont le cynisme de créer ici ou là des cellules d’observation du moral au travail.

C’est-à-dire qu’ils mesurent les effets de leur politique, mais ne changent rien à leur politique assassine et dévastatrice.

Secteur de la santé

Il s’agit également de casser la santé, en faire un marché juteux pour les laboratoires pharmaceutiques, transférer les opérations chirurgicales et les soins les plus rentables aux cliniques privées, où les meilleurs médecins, mais aussi les plus vénaux, préfèrent aller travailler plutôt que rester dans les hôpitaux dont les salaires sont indexés aux grilles uniformes par catégorie de métier. Et les hôpitaux de s’adapter avec une tarification à l’acte pour garder les médecins pour certains actes chirurgicaux.

« Si, à nous, cela paraît absurde, c’est que nos intérêts ne sont pas les mêmes.

Nous appellerons cela des intérêts opposés de classes sociales qui se confrontent.

L’emploi, la sécurité, l’éducation, le bien être, c’est notre problème. Ce n’est pas le leur.  » Je souhaite et espère que ma réponse illustre et complète les propos de R. Paris.

Si j’ai été si long, c’est que je voulais répondre à l’argument selon lequel le problème c’est le manque de moyens. En fait, le manque de moyen n’est que l’effet d’une politique.

Croire que c’est cela le problème, c’est ne pas voir que la cause, c’est la réforme proposée, et que derrière la réforme proposée, i s’agit de faire accepter que l’éducation ne soit plus payée par les impôts et les états, et encore moins par les entreprises qui profitent de l’éducation des enfants et de la formation des adultes.

Ce n’est pas le manque de moyen le problème, c’est le système capitaliste qui t’oblige à trouver les moyens de ta pitance, les moyens de ton intégration au système, qui te laisse sur le côté si tu n’es pas prêt à prendre le risque d’un emprunt pour te payer ta formation, qui ne te garantie pas un emploi.

Soit tu es riche et tu as accès aux meilleurs lycées, et aux meilleures formations, soit tu es pauvre et tu reste pauvre, voire tu t’endettes pour pouvoir travailler et en espérant monnayer ta force de travail un peu plus cher, et en t’appauvrissant encore plus, au profit d’une banque et de tes créanciers, qui ne te feront pas les cadeaux des intérêts en échange de tes dettes.

La seule solution : que les travailleurs s’emparent du pouvoir dans leurs grèves, dans leurs têtes, sur leur lieux de travail, dans leurs quartier, et décident ensemble de supprimer l’état bourgeois, qu’ils tissent un autre système social géré par eux-mêmes. Cela nécessitera une guerre de classe nommée révolution prolétaire.

Prolétaires de tous pays, unissez-vous !

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