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Qu’est-ce que le temps ?

7 octobre 2014, 21:20

C’est avec Galilée qu’est apparu pour la première fois le temps comme grandeur physique fondamentale, par quoi il faut entendre une grandeur quantifiable susceptible d’ordonner des expériences et de les relier mathématiquement [7]. Le temps physique représente donc une ramification très tardive du temps social. Galilée étudiait la chute des corps par l’utilisation très astucieuse de plans inclinés. Il réalisa que si le temps, plutôt que par exemple l’espace parcouru, était choisi comme le paramètre fondamental, alors la chute des corps obéissait à une loi simple : la vitesse acquise est simplement proportionnelle à la durée de la chute. La dynamique moderne était née.

Newton, le premier, donna dans ses Principia une définition du temps de la mécanique, la faisant reposer sur un postulat assez complexe : le temps s’écoule uniformément, il est universel et absolu. Cette conception sous-tend, avec une efficacité remarquable, les principes de sa mécanique. Le mouvement des corps dans l’espace est décrit en donnant leurs positions à des instants successifs. Dans les calculs de trajectoires, le temps apparaît comme un paramètre externe de la dynamique, dont Newton a postulé qu’il s’écoule du passé vers le futur, selon un cours invariable. Mais, curieusement, les équations de Newton sont telles qu’on peut explorer avec les mêmes méthodes mathématiques le passé et l’avenir. En effet, lorsqu’on inverse le sens du temps, la loi fondamentale de la dynamique reste invariante. A toute évolution du passé vers l’avenir, elle associe l’existence d’une évolution symétrique de l’avenir vers le passé. Autrement dit, tout ce que la nature fait, elle pourrait le défaire selon le même processus. Les phénomènes newtoniens, dans les cas idéaux où il n’y a pas de frottement, sont donc réversibles. Le temps de Newton est scrupuleusement neutre. Il ne crée pas, il ne détruit pas non plus. Il ne fait que battre la mesure et baliser les trajectoires. Il coule identiquement à lui-même, imperturbablement. Il trône hors de l’histoire. C’est un temps indifférent, sans qualité, sans accident, qui rend équivalents entre eux tous les instants. Plus tard, prenant acte de cette dissociation newtonienne entre le cadre spatio-temporel des événements et les événements eux-mêmes, Emmanuel Kant fera du temps et de l’espace les formes a priori de la sensibilité, celles qui conditionnent justement la possibilité de la connaissance des phénomènes.

La réversibilité des lois newtoniennes a été ressentie comme un scandale par plusieurs savants du XIXe siècle, notamment Ludwig Boltzmann, Willard Gibbs, Ernst Zermelo, Joseph Loschmidt, et plus récemment Ilya Prigogine. La grande majorité des événements dont nous sommes témoins ne sont-ils pas irréversibles ? En général, lorsqu’un film est projeté à l’envers (ce qui revient à inverser le cours du temps), nous nous en rendons compte immédiatement, et cela nous fait presque toujours rire.

Mais comment rendre compte de cette irréversibilité par les lois physiques ? Au début du XIXe siècle, Sadi Carnot démontra que la transformation de la chaleur en énergie mécanique était limitée par le sens unique dans lequel s’effectuent les transferts de chaleur (du chaud vers le froid uniquement), comme si la chaleur portait en elle une qualité spéciale en rapport avec l’irréversibilité. Ses Réflexions sur la puissance motrice du feu , publiées en 1824, contiennent les prémices du deuxième principe de la thermodynamique, énoncé sous sa forme définitive par Rudolph Clausius en 1865. Cette loi postule d’abord l’existence, pour tout système physique, d’une grandeur appelée entropie, fixée par l’état physique du système, et qui représente le degré de désordre présent dans le système. Le deuxième principe indique ensuite que la quantité d’entropie contenue dans un système isolé ne peut que croître lors d’un quelconque événement physique. C’est bien parce que l’entropie totale d’un morceau de sucre et d’une tasse de café non sucré est inférieure à l’entropie d’une tasse de café sucré que le morceau de sucre n’a pas d’autre choix que de se dissoudre dans la tasse. Ce phénomène est irréversible : le sucre en train de fondre au fond de la tasse de café ne reprendra jamais sa forme parallélépipédique ni d’ailleurs sa blancheur. Le deuxième principe semble bien s’accorder avec notre sensation d’une direction bien établie du sens des phénomènes. Du moins à première vue....

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