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L’ « unité nationale face au coronavirus aux côtés du gouvernement », un piège dangereux pour les travailleurs et les milieux populaires

4 mars 2020, 07:45, par Olivier

Ma conception de l’Etat n’est pas différente de celle de Marx, Engels et de Lénine. Je vais dans un premier temps circonscrire la discussion en écrivant ce que nous connaissons du marxisme et ce que nous défendons sur le sujet.

1 – L’Etat n’est que le produit de la société civile.
Marx renverse l’ordre de subordination établi par Hegel ; c’est l’État qui est subordonné à la société. Et l’État est en même temps l’image de la société civile, son image inversée, son reflet compensatoire. De ce fait, il permet également de dévoiler la nature réelle de la société notamment bourgeoise, qui repose sur la propriété privée, sur la recherche du profit, sur la violence des possédants à l’encontre des travailleurs.
Sur l’Etat dans les sociétés de classe dans l’histoire, Marx poursuit sa réflexion dans la Préface de la Contribution à la critique de l’économie politique :
« Le résultat général auquel j’arrivais peut brièvement se formuler ainsi : dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un degré de développement déterminé de leurs forces productives matérielles. L’ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société, la base concrète sur laquelle s’élève une superstructure juridique et politique [superstructure au sein de laquelle l’État occupe la position d’instance centrale, rajout Olivier] et à laquelle correspondent les formes de conscience sociales déterminées. »

2- La forme de l’Etat est liée à une société civile particulière quand Marx et Engels parlent de la société moderne : capitaliste.
Ceci est très clairement explicité par Marx et Engels dès L’Idéologie allemande : « C’est à cette propriété privée moderne que correspond l’État moderne, dont les propriétaires privés ont peu à peu fait l’acquisition. Du fait que la propriété privée s’est émancipée de la communauté, l’État a acquis une existence particulière à côté de la société civile et en dehors d’elle ; mais cet État n’est autre chose que la forme d’organisation que les bourgeois se donnent par nécessité pour garantir réciproquement leur propriété et leurs intérêts, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur » (L’Idéologie allemande, page 105, Editions sociales). L’Etat possède donc une forme différente selon la société de classe sous laquelle il se trouve). Si l’Etat est toujours l’Etat de la classe dominante, il n’y a pas de comparaison sur sa nature et son fonctionnement entre les sociétés esclavagistes, féodales, bourgeoises et au-delà.

3 – L’Etat de la bourgeoisie.
La forme démocratique bourgeoise de l’État – c’est-à-dire, selon Marx et Engels, le despotisme, la dictature de la bourgeoisie, qui est un produit de la lutte des classes – est l’instrument permettant à la bourgeoisie de s’organiser en classe dominante, et de dominer toute la société. La bourgeoisie est organisée en classe dominante – non pas par, mais – dans l’État ; elle n’est en fait organisée en classe dominante que dans l’État, dans la forme de l’État représentatif moderne. Et l’on peut lire, au Chapitre premier du Manifeste Communiste :
« La bourgeoisie, depuis l’établissement de la grande industrie et du marché mondial, s’est finalement emparé de la souveraineté politique. Le gouvernement moderne n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise toute entière » (Le Manifeste communiste, p. 163, Editions sociales.)

4 – Evolution possible de l’Etat bourgeois.
Marx avait même prévu l’évolution de l’Etat bourgeois. Il peut y avoir en même temps autonomisation de l’appareil d’État, qui devient un « automate » : « la machine centrale n’est pas seulement automate, mais autocrate » (j’utilise des mots d’autres que moi ici : cf. « Appareil », in Labica, 1982, Dictionnaire critique du marxisme. Voir aussi : Lefebvre - 1978) ; c’est-à-dire non pas seulement objet mécanique, mais sujet de pouvoir. L’État n’est pas qu’un outil, une réification, mais bien un rapport social. L’État peut ainsi apporter une solution aux oppositions entre les différentes fractions de la bourgeoisie, occupant des fonctions distinctes dans l’exploitation capitaliste. (voir Les Luttes de classes en France de Marx, Éditions sociales)

5 – L’Etat et la Commune.
Survient enfin la Commune de Paris, qui va conduire Marx à faire évoluer encore, avec La Guerre civile en France, son concept d’État pour insister de plus en plus sur le caractère répressif, coercitif, violent de l’appareil d’État – appareil quant à lui bien réel, matériel, efficace.
« Après chaque révolution, qui marque un progrès de la lutte des classes, le caractère purement répressif du pouvoir apparaît de façon de plus en plus ouverte. En présence de la menace de soulèvement du prolétariat, la classe possédante unie utilisa alors le pouvoir d’État, sans ménagement et avec ostentation, comme l’engin de guerre national du Capital contre le Travail », « une arme puissante ». » (La Guerre civile en France, p. 39, Éditions sociales)
Et donc, l’expérience de la Commune va contraindre Marx et Engels à « rectifier » le texte du Manifeste communiste, dans la mesure où, si la prise du pouvoir d’État demeure toujours l’objectif politique immédiat de la lutte des classes, « le devoir impérieux et le droit absolu » (La guerre civile) du prolétariat (Le Manifeste disait : « L’État [soit] le prolétariat organisé en classe dominante » [Le Manifeste communiste, pp. 181-182 – Éditions sociales]), il apparaît maintenant, dans La Guerre civile en France (page 3), que « la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l’État et de le faire fonctionner pour son propre compte . »
Ainsi, le prolétariat doit donc certes s’emparer du pouvoir d’État, mais pour mieux détruire l’appareil d’État bourgeois tel qu’il existe (c’est-à-dire comme organe essentiellement répressif), et pour le transformer et le remplacer par une nouvelle forme « politique » – pour ne pas la qualifier d’« étatique » – ; une forme authentiquement prolétarienne, comme ont commencé à le faire les Communards, une dictature du prolétariat dont la raison d’être est la réalisation, au cours du processus révolutionnaire victorieux, du dépérissement de l’État, soit à la fois du dépérissement du pouvoir et de l’appareil d’État.

Donc il s’agit de détruire cet État bourgeois mais en vue de son dépérissement.
Car c’est donc une forme politique toute différente, la réalisation d’un État qui est aussi « autre chose qu’un État » (voir : Critique du Programme de Gotha) dit Marx, « un non État » (voir : L’Origine de la Famille, de la propriété privée et de l’État - Éditions sociales, 1971) dit Engels, qu’il faut réaliser. C’est bien « l’association libre des producteurs » (Le Manifeste communiste, pp. 182-183. La Guerre civile en France, p. 43, Éditions sociales) dont parlait Marx, « l’administration des choses et la direction des opérations de production » (Anti-Dühring, p. 317 - Éditions sociales 1977) dont parlera Engels.

(suite à venir)

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