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Le djihad historique du califat arabe se faisait-il contre les chrétiens occidentaux ?

19 janvier 2020, 03:38

Les premiers à rechercher une alliance avec les Francs furent, d’après le témoignage du latin Guillaume de Tyr, les Fatimides du Caire, qui envoyèrent en 1098 un émissaire auprès des Croisés assiégeant Antioche afin de négocier un traité d’amitié avec eux. Pour des raisons diplomatiques, les Fatimides espéraient ainsi que les Croisés forment une « zone tampon » entre les territoires contrôlés par l’Égypte et ceux sous obédience syrienne. Au retour de l’ambassade, un envoyé génois des Croisés est reçu au Caire pour négocier le libre passage des Francs dans les cités côtières de Palestine contrôlées par les Fatimides. Mais cette entente cordiale franco-égyptienne est rompue en 1099, lorsque les Croisés s’emparent de Jérusalem (que les Fatimides venaient de regagner sur les Seldjoukides) et marchent sur l’Égypte.Alliances de voisinage et traités de paix. Les Francs, installés durablement dans la région à la suite de la création des quatre États latins, concluent un certain nombre de traités avec les gouverneurs musulmans des grandes villes syriennes. Ainsi, un traité de paix (muwâda‘a) est signé en 1109 entre Beaudouin Ier de Jérusalem et Tughtikîn, atabeg de Damas, bientôt suivi de deux autres ainsi que de traités entre le Damascain et les Francs de Tripoli et d’Antioche.

Lors de la Ire croisade, le gouverneur arabe d’Azaz, Omar, en révolte contre le pouvoir turc seldjoukide d’Alep, n’hésite pas à appeler à l’aide les Francs ! Après la victoire, il leur prête d’ailleurs allégeance . Un prince seldjoukide, prétendant au trône de Damas, soutient le roi Baudouin. L’historien René Grousset présente même le royaume de Jérusalem comme une monarchie franque entourée d’émirats musulmans vassaux.

En 1115, une coalition militaire rassemble, avec les croisés, des chefs musulmans contre l’armée du sultan. Les émirs d’Alep, et l’atabeg de Damas, Toughtekin, chevauchent avec Roger d’Antioche . Des accords de paix sont régulièrement signés. Il est estimé que, de 1192 à 1291, le royaume chrétien vit pendant quatre-vingts ans en paix. Des alliances ont lieu également entre la principauté d’Antioche et les Mongols en 1260, ou des accords avec les Syriens musulmans contre les Égyptiens. Ainsi, sans entrer dans les multiples exemples et contre-exemples, il convient de retenir que ces deux siècles furent plutôt une alternance de paix et de guerre et non des batailles successives.

De ces alliances militaires est née une relation culturelle. Même si cela peut paraître surprenant, les croisades ont permis, d’une certaine manière, à ces deux mondes de se connaître, voire même de se tolérer. Les croisades n’ont pas attisé la haine entre musulmans et les Francs, les razzias qui continuaient pendant ce temps étaient suffisantes pour maintenir cette haine. Henri Martin, historien du XIXe siècle, libre-penseur, écrit : « Chrétiens et musulmans n’avaient plus les uns pour les autres cette superstitieuse horreur des temps passés. L’Orient et l’Occident, en se connaissant mieux, se haïssaient moins […]. Dans l’intervalle des combats, on se visitait, on joutait, on trafiquait, on banquetait ensemble […]. »

Des alliances se nouent même entre familles chrétiennes et musulmanes. En 1243, le sultan tartare ne va-t-il pas demander en mariage une nièce de Baudoin, l’empereur latin de Constantinople ?

Le chroniqueur Foucher de Chartres évoque des mariages de Francs avec des jeunes femmes musulmanes converties. L’enfant issu de cette union est même appelé un « poulain ». Il n’y a pas d’exemple de racisme dans la société franque du XIIe siècle. Si une sarrasine est baptisée, elle peut devenir épouse d’un franc. S’il combat le musulman, il le considère néanmoins comme son égal. Selon certaines sources, les mamelouks d’Égypte, venant de tuer le sultan, auraient même évoqué l’idée de donner leur pouvoir au roi Louis IX, nonobstant sa foi chrétienne. Il n’y a pas de conversion forcée des musulmans. Ils conservent leur liberté de culte, même si des églises transformées en mosquée redeviennent des églises. Les musulmans peuvent faire leurs prières à côté des chrétiens. Le royaume chrétien de Jérusalem sera un exemple de tolérance. En matière de justice, les Juifs prêtent serment sur la Torah, les chrétiens sur l’Évangile et les musulmans sur le Coran. Ils sont alors jugés selon le droit musulman. Le statut est bien plus souple que pour les chrétiens soumis au pouvoir musulman qui, eux, deviennent des dhimmis, obligés de porter l’étoile jaune et de payer un impôt discriminatoire, la jizya, et sont interdits de monter à cheval. À tel point que les musulmans se trouvent mieux traités fiscalement dans les pays chrétiens que les chrétiens eux-mêmes qui, doivent payer la dîme à l’Église, ce dont les musulmans sont exemptés ! Plus encore, la route des pèlerinages de La Mecque n’est jamais fermée ou soumise à tribut lorsqu’elle passe par les royaumes chrétiens du Levant, contrairement à ce qui s’est parfois passé pour le pèlerinage à Jérusalem sous l’empire des musulmans.

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