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Réflexions sur la nature de l’État et de la dictature du prolétariat dans la transition au communisme - La discussion sur la question de l’Etat a démarré

24 août 2019, 07:38, par Robert Paris

La question de l’Etat, comme on le voit dans ce débat, n’oppose pas seulement révolutionnaires et réformistes, mais aussi elle mène à des désaccords entre révolutionnaires. La raison en est profonde : c’est la question politique la moins simple. La nature de l’Etat n’a rien de simple.

Bien sûr, dans un premier temps, elle distingue le réformiste qui veut l’amender et le révolutionnaire qui veut le renverser. Ensuite, elle divise entre eux les révolutionnaires : ceux qui veulent construire un nouvel Etat fondé sur le pouvoir de la classe révolutionnaire et ceux qui ne le veulent pas, comme les anarchistes. Ceux qui considèrent que le prolétariat doit fonder un Etat ouvrier et ceux qui pensent que ces deux termes sont antinomiques comme certains gauches communistes. Ce dernier point de vue est celui d’Olivier.

Pour nous, l’Etat n’est pas ou démocratique ou dictatorial, mais marqué par la classe dominante qui le dirige comme elle dirige l’ensemble de la société : classe esclavagiste, classe féodale, noble et guerrière, classe du grand commerce et des négociants, classe capitaliste, classe ouvrière.

Une fois que l’on a dit cela, on n’a pas tout dit car est alors déterminante la situation de la classe dominante, situation qui peut changer du tout au tout, être complètement dirigeante ou, au contraire, être très faible ou très menacée dans une crise ou une situation critique, de lutte des classes.

On remarque alors que l’Etat n’avait pas une nature aussi simple, qu’il exprimait aussi cette lutte des classes, qu’il pouvait se casser, se diviser, se rendre plus ou moins violent, s’appuyer sur des couches extrêmement pauvres de la population pour assurer sa dictature et plus seulement sur les forces étatiques classiques, à savoir armée, police, justice, prisons, forces spéciales, administration, gouvernement, etc. C’est la dérive fasciste, le bonapartisme, le coup d’état au sein même du système social dominant. Cela peut se produire dans toutes les sortes d’Etat, quelle que soit la nature de classe de celui-ci, y compris dans un Etat ouvrier, si la classe ouvrière est tellement affaiblie que le pouvoir d’Etat s’autonomise et s’appuie sur des couches sociales non dominantes.

Pourquoi le prolétariat devrait-il bâtir un nouvel Etat puisque nous savons qu’il y a de tels risques de bureaucratisation, de fascisation, de bonapartisme au sein y compris d’un Etat ouvrier ? Parce que l’Etat est une arme sans laquelle la classe ouvrière internationale ne peut pas renverser les Etats capitalistes !

Ce qui a manqué au prolétariat russe ce n’est pas la capacité de faire le socialisme dans un seul pays. Personne n’a cette capacité. Personne, parmi les révolutionnaires, ne lui attribuait cette capacité. Seule la révolution internationale peut abattre l’exploitation capitaliste mondiale.

Ce qui lui a manqué, c’est le triomphe de nouveaux Etat ouvriers dans les pays voisins, plus développés, moins retardataires, à commencer par l’Allemagne, la Hongrie, l’Autriche, l’Italie, etc.

Isolée, la classe ouvrière révolutionnaire de Russie s’est battue mais elle s’est aussi affaiblie, obligée de quitter les usines pour les fronts, mourant de faim, de maladies et de tuée par les armées blanches, les armées bourgeoises social-démocrates et les armées impérialistes. Ceux qui sont restés dans les usines, qui fonctionnaient de moins en moins, ce n’est pas la classe révolutionnaire. Ce sont des travailleurs moins conscients, qui abandonnaient les soviets ou y voyaient un moyen de survivre, pas de révolutionner le monde.

La classe prolétarienne d’un seul pays ne peut pas prendre durablement sur ses seules épaules la révolution mondiale !

Il n’y avait pas de recette pour empêcher que l’Etat ouvrier russe isolé périclite. Il est inutile de la chercher dans le fait de ne pas parler d’Etat ouvrier ! Cela ne sert à rien. Cela ne donne pas des clefs.

Bien sûr, on peut dénoncer le fait que cet Etat ouvrier ait cassé des grèves. Mais c’est omettre l’existence au sein même de la classe ouvrière des appareils réformistes, sociaux-démocrates et syndicaux qui ont trahi dès le premier jour la révolution sociale ! C’est eux qui fomentaient ces grèves. Dire que c’est des grèves ouvrières ne nous dit pas dans quel camp se situaient ces grèves !

Certains diront que c’est cette politique de l’Etat ouvrier qui a mené au stalinisme et ils se trompent : c’est l’arriération et l’isolement qui ne pouvaient qu’y mener. La politique des révolutionnaires devait être de retarder l’échéance en attendant la révolution prolétarienne victorieuse à l’extérieur. Une avant-garde de la révolution tient un pays et a besoin des renforts de ses frères prolétaires pour étendre la lutte et relâcher la pression interne. Il n’y avait pas d’autre issue.

Bien sûr, l’Etat ouvrier n’est pas le socialisme, il a en son sein des contradictions en lutte. C’est un demi Etat au sens où ce sont les soviets qui gouvernent mais c’est encore un Etat et, en un sens, encore un Etat bourgeois ! Les gauches communistes n’aiment ces considérations dialectiques là. Nous renvoyons ici à une discussion déjà commencée auparavant :

Ceux qui veulent nous enfermer dans des contradictions diamétrales en politique

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