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Un débat avec la gauche communiste conseilliste

27 février 2019, 16:54, par Robert Paris

Comme Boukharine et les communistes de gauche, Rosa Luxemburg a fortement critiqué la signature par les bolcheviks de la paix de Brest-Litovsk avec l’impérialisme allemand. Pourquoi cette « paix » a été signée le couteau sur la gorge et n’était en rien une entente avec l’impérialisme allemand, qui occupé militairement les régions les plus riches du pays et l’a étranglé économiquement et militairement. La Russie révolutionnaire ne disposait d’aucun moyen militaire de faire face et simplement de résister un minimum à l’offensive allemande. Ils n’ont plus que retarder cette signature jusqu’à un diktat allemand. Rosa Luxemburg estime que c’est un tournant négatif pour l’Etat ouvrier russe et que c’est la raison de la rupture avec les socialistes-révolutionnaires de gauche. Mais elle ne dit pas comment les bolcheviks auraient pu refuser de signer et laisser les troupes allemandes envahir tout le pays et détruire les soviets. La paix de Brest-Litovsk a étranglé la révolution russe mais elle lui a laissé du temps. Un intervalle pendant lequel la révolution prolétarienne a pu éclater en Allemagne. Et, sans la défaite de celle-ci, sans sa trahison par le parti social-démocrate et le parti socialiste indépendant, sans son écrasement par l’Etat dirigé par les socialistes et les corps francs organisés par eux, aux côtés du Haut Etat-Major, la Russie n’aurait pas été isolée et étranglée au point que la classe ouvrière a physiquement disparu et abandonné massivement les soviets et la bureaucratie n’aurait pas pu exercer le pouvoir. Certes, la signature de Brest-Litovsk était un calcul et un recul. Certes, la NEP ensuite allait être un calcul et un recul. Mais la raison de l’échec de ces calculs et de ces reculs ne résident pas en eux-mêmes. ils résident dans l’échec de la révolution allemande. La révolution russe ne pouvait, par elle-même, aller au-delà car il n’y avait pas de développement possible à un socialisme national et même pas de moyens de tenir longtemps en restant isolés. La Russie de soviets a survécu mais pas… les soviets. Personne ne les a vidés, sinon la guerre civile (les meilleurs sont morts sur les fronts ou fusillés par les Blancs, par les armées « socialistes », par la terreur socialiste-révolutionnaire), sinon la destruction de l’économie, sinon la misère, sinon le découragement d’un prolétariat se battant seul contre tous et se décourageant de la « révolution permanente » et internationale.

Puisque que de faux gauches communistes, pas du tout communistes, se parent parfois de Rosa Luxemburg, il convient de lui redonner la parole.

Voici ce qu’écrivait Rosa Luxemburg dans « Tragédie russe » en septembre 1918 :

« Depuis la paix de Brest-Litovsk, la Révolution russe est engagée dans une situation très fausse. La politique que les bolcheviks ont à cette occasion dû suivre s’explique d’elle-même : paix à tout prix devant assurer un peu de répit ; dans l’intervalle, édifier la dictature prolétarienne en Russie et la consolider ; réaliser le maximum de réformes dans le sens du socialisme et attendre ainsi qu’éclate la révolution prolétarienne internationale, en même temps qu’on la hâte par l’exemple russe.

L’état de lassitude absolue où les masses du peuple russe se trouvaient à l’égard de la guerre, jointe à la désorganisation militaire que le tsarisme avait laissée derrière lui, semblait faire de la continuation de la guerre une vaine saignée à blanc de la Russie ; il n’y avait donc, en somme, pas d’autre issue possible que de conclure rapidement la paix. Tel était le calcul de Lénine et de ses camarades.

Il était dicté par deux points de vue purement révolutionnaires : la croyance inébranlable à la révolution européenne du prolétariat comme seule issue et inévitable conséquence de la guerre mondiale, et la résolution non moins inébranlable de défendre jusqu’au bout le pouvoir conquis en Russie pour l’employer à changer l’état de choses de la façon la plus énergique et la plus radicale…

La paix de Brest-Litovsk n’était en réalité qu’une capitulation du prolétariat révolutionnaire russe devant l’impérialisme allemand. A dire vrai, c’était un fait sur lequel Lénine et ses amis ne faisaient illusion ni à eux-mêmes ni à d’autres. Ils avouaient la capitulation sans ambages. Ce sur quoi, par malheur, ils s’illusionnaient, c’était l’espoir d’acheter au prix de cette capitulation une pause réelle pour respirer, de pouvoir par une paix séparée se sauver réellement de l’enfer de la guerre mondiale…

Ainsi, le résultat final de la paix de Brest-Litovsk est que la Révolution russe est de toutes parts cernée, affamée, étranglée…

Les bolcheviks ont sûrement, très sûrement, commis bien des fautes dans leur politique, et ils en commettent encore à présent – qu’on nous cite une révolution où il n’y ait pas eu de faute commises !

L’idée d’une révolution sans fautes, et surtout dans une situation sans exemple, est tellement inepte qu’elle ne serait digne que d’un maître d’école allemand. Si ceux qu’on dit les chefs du socialisme allemand, dans une situation inhabituelle, perdent déjà ce qui leur sert de têtes devant un simple vote du Reichstag, si déjà, là où le simple ABC du socialisme leur indique clairement le chemin, ils sentent leur cœur leur faire défaut et oublient tout leur socialisme comme une leçon mal apprise, comment veut-on qu’un parti, dans une situation historique épineuse et inédite où il prétend montrer au monde des voies nouvelles, ne commette pas de fautes ?

Toutefois, la situation fatale où les bolcheviks se trouvent aujourd’hui est, en même temps que la plupart de leurs fautes mêmes, une conséquence du caractère en principe insoluble du problème devant lequel ils ont été mis par le prolétariat international, et en première ligne par le prolétariat allemand.

Réaliser la dictature prolétarienne et la révolution socialiste dans un seul pays encerclé par une immuable domination réactionnaire impérialiste et assailli par la plus sanglante des guerres générales qu’ait connue l’histoire humaine, c’est là un cas de quadrature du cercle. N’importe quel part socialiste serait condamné à échouer dans cette tâche et à périr – qu’il guide sa politique sur la volonté de vaincre et la foi au socialisme international ou bien sur la confiance en lui-même…

Voilà bien la fausse logique de la situation objective : tout parti socialiste arrivant aujourd’hui au pouvoir doit forcément suivre une tactique fausse, quand, en tant que portion de l’armée prolétarienne internationale, il se voit abandonné par le gros de cette armée.

La responsabilité des fautes commises par les bolcheviks incombe en première ligne au prolétariat international, et avant tout à l’obstinée et incroyable lâcheté de la social-démocratie allemande, parti qui, en temps de paix, prétendait marcher en tête du prolétariat mondial, se targuait d’enseigner et de guider tout le monde, comptait dans son propre pays au moins dix millions d’adhérents…

Les nouvelles qui viennent aujourd’hui de Russie et la situation où se trouvent les bolcheviks sont un appel émouvant aux dernières étincelles du sentiment de l’honneur dans les masses d’ouvriers et de soldats allemands. Ils ont froidement laissé mettre en pièces, cerner, affamer la Révolution russe…

Il n’y a qu’un seul dénouement possible à la tragédie dans les fils de laquelle est prise la révolution russe : l’insurrection dans le dos de l’impérialisme allemand, le soulèvement des masses allemandes, donnant le signal à l’Internationale révolutionnaire pour mettre fin au massacre des peuples. Sauver l’honneur de la Révolution russe à cette heure fatidique équivaut à sauver l’honneur du prolétariat allemand et du socialisme international. »

Rosa Luxemburg parlant de la révolution russe, c’est pas du Bourrinet !!!

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