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Evolution ou révolution des espèces ?

16 novembre 2009, 21:39, par MOSHE

L’auto-organisation de la vie et l’évolution

L’auto-organisation de la vie sous-entend que la structure n’est pas toute faite, par avance, mais que l’ordre se constitue spontanément sur la base du désordre, au fur et à mesure, par la dynamique d’ensemble du système. Le fondement de cette conception est la remarque d’Ilya Prigogine et de Stuart Kauffman selon laquelle de nombreux systèmes physiques ou chimiques, qu’ils soient inertes ou vivants, sont capables de gagner en structuration. La structure qui s’établit finalement n’est pas imposée de l’extérieur (pression adaptative due au milieu, par exemple), mais est le produit de la dynamique du vivant lui-même. Cette conception est contradictoire avec les lois de la physico-chimie telles qu’on les concevait.
La thermodynamique, qui étudie les transferts énergétiques, a longtemps théorisé la tendance spontanée des systèmes à perdre des niveaux de structure. Par exemple, deux systèmes mis en contact ont tendance à échanger de l’énergie jusqu’à se fondre en un seul système, perdant ainsi un niveau de structuration. La thermodynamique avec la notion d’entropie, c’est-à-dire de tendance inévitable à la baisse du degré de structuration, laissait penser que le désordre ne pouvait que croître. La vie semblait donc une bizarrerie au regard de la physique et avait, dans cette conception, une probabilité nulle d’apparaître dans un univers inanimé. Une nouvelle espèce n’avait également aucune chance de succéder à une autre espèce, toujours au nom de la notion entropique.
Prigogine a résolu cette contradiction en montrant que la thermodynamique de l’époque étudiait seulement des systèmes isolés, alors que la vie est inconcevable dans l’isolement, sans un apport extérieur permanent d’énergie et de nourriture. La vie est un système dynamique dissipatif. Le terme dissipatif souligne la perte permanente d’énergie, et donc la nécessité d’un apport continuel de l’extérieur. Le terme dynamique signifie une tendance spontanée au changement. Cette transformation continuelle provient du fait que l’apport d’énergie est aussi un apport permanent de désordre. L’apport considérable au plan conceptuel de Prigogine dans l’étude de ces systèmes a été de montrer qu’en fournissant en permanence du désordre, on peut produire autre chose que du désordre : un type très particulier d’ordre émergent. Les systèmes dynamiques dissipatifs loin de l’équilibre n’ont pas tendance à tomber dans la stabilité, mais à construire de la structuration, un autre type d’ordre, fondé sur les fluctuations. La remarque de Prigogine est d’une importance considérable pour la vie puisqu’elle contredit l’image erronée que donnait la thermodynamique, à savoir la tendance inévitable vers la perte d’ordre, appelée augmentation de l’entropie.
Prigogine a souligné d’abord que la loi d’accroissement du désordre ne s’appliquait qu’aux systèmes fermés qui ne sont que des cas particuliers et des approximations des systèmes réels. D’autre part, il a montré que les systèmes ouverts, qui perdent de l’énergie et qui en reçoivent de l’extérieur, ont tendance à s’organiser d’eux-mêmes. Ils peuvent donc construire des structures et des sous-structures, ils peuvent s’enrichir en information, ce qui est complètement inattendu par rapport à la vision que l’on en avait auparavant. Ces systèmes peuvent être fondés sur le désordre et produire spontanément de l’ordre. D’autre part, ils peuvent pendant un temps très long exhiber une allure relativement régulière puis brusquement passer à une apparence désordonnée pour revenir brutalement à une allure ordonnée. Ce type d’ordre est directement lié à la propriété des systèmes obéissant à des lois non-linéaires et ayant trois paramètres ou plus : c’est du chaos déterministe.
Au sein cet ordre, il y a toujours des fluctuations aléatoires. Le système ne va pas vers la stabilité ni vers un comportement cyclique. Dans les systèmes dissipatifs loin de l’équilibre, il y a irréversibilité du phénomène et non un retour périodique de développements identiques. Ce sont donc des processus qui ont une histoire. Chaque événement compte, car la suite est déterminée par le chemin choisi à chaque bifurcation. Il peut y avoir des attracteurs, c’est-à-dire des situations vers lesquelles le système a tendance à revenir, mais ce ne sont pas des attracteurs stables ni périodiques, ce sont des attracteurs étranges. Des situations d’apparente stabilité durent parfois très longtemps et, brutalement, sans signe précurseur, il y a rupture, ouvrant la voie à de nombreuses histoires possibles. Près de ces bifurcations, le système peut avoir plusieurs degrés de liberté mais être attiré spontanément vers un comportement dépendant d’un plus petit nombre de degrés de liberté, c’est-à-dire une structure nouvelle. Ilya Prigogine a remarqué qu’il suffit d’avoir un système dissipatif loin de l’équilibre pour obtenir des systèmes qui produisent des structures émergentes.

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