Accueil > ... > Forum 45547

Qui était Nikolaï Boukharine ?

10 mai 2019, 08:43, par R.

A propos de ses élucubrations sur le « socialisme dans un seul pays », aux côtés de Staline, il faut rappeler que Boukharine avait lui-même combattu les théories de socialisme national en 1917 :

" Les révolutions sont les locomotives de l’histoire. Même dans la Russie arriérée, le prolétariat seul peut être le machiniste irremplaçable de cette locomotive. Mais le prolétariat ne peut déjà plus rester dans les limites des rapports de propriété de la société bourgeoise. Il marche vers le pouvoir et le socialisme. Cependant, cette tâche qui est " mise à l’ordre du jour " en Russie aussi ne peut être réalisée " à l’intérieur des frontières nationales ". Ici, la classe ouvrière se heurte à un mur infranchissable où on ne peut ouvrir une brèche que par le bélier de la révolution ouvrière internationale " (BOUKHARINE, La lutte des classes et la révolution en Russie, 1917, p. 3 et 4 de l’édition russe).

En 1919, Boukharine, écrivant sur " la dictature du prolétariat en Russie et la révolution mondiale " dans l’organe théorique de l’Internationale communiste, disait :

" Etant donné l’existence de l’économie mondiale et les relations entre ses diverses parties, étant donné l’interdépendance des divers groupes bourgeois organisés en Etats, il va de soi [4] que la lutte dans un pays isolé ne peut s’achever sans qu’une victoire décisive ait été remportée par l’un ou l’autre camp dans plusieurs pays civilisés. "

A cette date, cela " allait même de soi ". Plus loin :

" La littérature marxiste ou quasi marxiste d’avant-guerre a posé plusieurs fois la question de savoir si la victoire du socialisme était possible dans un seul pays. Les écrivains, dans leur majorité, ont répondu négativement ; il n’est pas possible d’en conclure qu’il soit impossible ou inadmissible de commencer la révolution et de s’emparer du pouvoir dans un pays isolé. "

Précisément ! Et dans ce même article encore :

" La période de progression des forces productives ne peut venir qu’avec la victoire du prolétariat dans plusieurs pays importants... D’où l’on conclut : il est nécessaire de développer, par tous les moyens, la révolution mondiale et de former un bloc économique solide entre les pays industriels et la Russie soviétique " (N. BOUKHARINE, La dictature du prolétariat en Russie et la révolution mondiale, dans L’Internationale communiste, n° 5 de septembre 1919, p. 614 de l’édition russe).

L’affirmation de Boukharine selon laquelle la progression des forces productives, c’est-à-dire la véritable progression socialiste, n’interviendra chez nous qu’après la victoire du prolétariat dans les pays avancés d’Europe, constitue précisément la phrase qui est à la base de tous les actes d’accusation lancés contre le " trotskysme " (entre autres lors du VIIe plénum du Comité exécutif de l’Internationale communiste). Mais ce qui est curieux, c’est que Boukharine – qui doit son salut à sa courte mémoire – intervienne comme accusateur. A côté de cet aspect comique, il en est un autre qui est tragique : c’est Lénine qui est mis en question, car il a exprimé cette même pensée élémentaire des dizaines de fois.

Enfin, en 1921, six ans après le prétendu revirement de Lénine en 1915, quatre ans après Octobre, le Comité central, avec Lénine à sa tête, approuva le programme des Jeunesses communistes élaboré par une Commission placée sous la direction de Boukharine. Le § 4 de ce programme déclare :

" En U.R.S.S., le pouvoir d’Etat se trouve déjà entre les mains de la classe ouvrière. A travers trois années de luttes héroïques contre le capital mondial, le pouvoir soviétique s’est maintenu et développé. Bien que la Russie possède d’immenses richesses naturelles, elle est néanmoins, sur le plan industriel, un pays arriéré où prédomine une population petite-bourgeoise. Elle ne peut arriver au socialisme que par la révolution prolétarienne mondiale : nous sommes entrés dans l’époque de ce développement. "

A lui seul, ce paragraphe du programme des Jeunesses communistes (un programme et non pas un article occasionnel !) souligne ce qu’a de ridicule et d’indigne la tentative des auteurs du projet visant à démontrer que le parti a " toujours considéré comme possible la construction du socialisme dans un seul pays", et plus précisément en Russie. S’il en fut " toujours " ainsi, pourquoi Boukharine formula-t-il de cette façon ce paragraphe du programme des Jeunesses communistes ? Où Staline avait-il alors les yeux ? Comment Lénine et tout le Comité central ont-ils pu approuver une telle hérésie ? Comment se fait-il que personne dans le parti n’ait remarqué " ce détail " et n’ait soulevé de question à ce sujet ? Tout ceci ne ressemble-t-il pas trop à une mauvaise plaisanterie où sont moqués le Parti, son histoire et l’Internationale communiste ? N’est-il pas temps d’y mettre fin ? N’est-il pas temps de dire aux révisionnistes : vous ne pouvez plus vous permettre de vous camoufler derrière Lénine et la tradition théorique du parti !

Lors du VIIe plénum du Comité exécutif de l’Internationale communiste, dans la discussion de la résolution condamnant le " trotskysme ", Boukharine – dont le salut tient à sa mémoire courte – déclarait :

" La théorie de la révolution permanente du camarade Trotsky (et le camarade Trotsky professe encore maintenant cette théorie) dit aussi qu’étant donné notre situation économique arriérée, nous périrons inévitablement sans la révolution mondiale " (Compte rendu sténographique, p. 115, édition russe).

Léon Trotsky, « L’Internationale communiste après Lénine » (c’est-à-dire sous Staline !!!)

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.