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Pour quelles raisons le vieux monde ne peut pas durer ?

18 janvier 2018, 07:51

L’époque dans laquelle nous vivons est marquée par un grand tournant historique. Après quarante années d’une croissance sans précédent, l’économie de marché est en train d’atteindre ses limites. Malgré ses crimes barbares, les premiers temps du capitalisme ont révolutionné les forces productives, posant les bases d’une nouvelle organisation sociale. La première guerre mondiale et la révolution russe indiquaient un changement décisif dans le rôle historique du capitalisme. De système permettant de développer les forces productives, il s’est transformé en un gigantesque obstacle au développement économique et social. La croissance économique qu’a connue l’Occident entre 1948 et 1973 semblait promettre un nouvel essor. Mais même alors, seule une poignée de grandes puissances capitalistes en a profité. Au cours de cette même période, le tiers-monde, où vivent les deux-tiers de l’humanité, a connu le chômage de masse, la pauvreté, des guerres et l’exploitation à une échelle inconnue jusqu’alors. Cette phase de croissance fut interrompue par la soi-disant « crise pétrolière » de 1973-74. Depuis, le capitalisme n’a jamais su retrouver les taux de croissance et d’emploi de la période d’après-guerre.

Le déclin irréversible d’un système social s’exprime, entre autres, par une décadence culturelle. Cela se reflète de cent manières différentes. Un sentiment général d’angoisse et de pessimisme à l’égard de l’avenir se répand, tout particulièrement dans l’intelligentsia. Ceux qui, hier, parlaient de l’inéluctabilité de l’évolution et du progrès humain, ne voient plus aujourd’hui qu’incertitude et obscurité. Le XXe siècle tire péniblement à sa fin, après avoir assisté à deux terribles guerres mondiales, avec, dans l’intervalle, un effondrement économique et l’enfer du fascisme. Il s’agissait déjà d’avertissements sérieux : la phase progressiste du capitalisme était révolue.

La crise du capitalisme s’insinue dans tous les aspects de la vie. Ce n’est pas seulement un phénomène économique. Elle se reflète dans la spéculation, la corruption, la toxicomanie, la violence, dans l’égoïsme omniprésent et l’indifférence à l’égard de la souffrance d’autrui, dans l’éclatement de la famille, la crise de la moralité, de la culture et de la philosophie bourgeoises. Comment pourrait-il en être autrement ? L’un des symptômes de la crise d’un système social réside dans le fait que sa classe dirigeante est de plus en plus gagnée par le sentiment qu’elle constitue une entrave au développement de la société.

Marx soulignait que les idées dominantes d’une société sont toujours les idées de sa classe dominante. Dans ses beaux jours, non seulement la classe capitaliste jouait un rôle progressiste en repoussant les frontières de la civilisation, mais elle en avait en outre parfaitement conscience. Aujourd’hui, le pessimisme saisit les stratèges du capital. Ils sont les représentants d’un système historiquement condamné, mais n’arrivent pas à s’y résigner. Cette contradiction centrale est un facteur décisif qui marque de son empreinte le mode de pensée de la classe dirigeante. Pour reprendre l’expression de Lénine : un homme au bord du gouffre ne raisonne pas…

L’époque où la classe capitaliste se réclamait d’une vision rationnelle du monde n’est plus qu’un vieux souvenir. A l’heure du déclin sénile du système capitaliste, les processus initiaux font marche arrière. Comme le disait Hegel, « la raison devient déraison ». Il est vrai que, dans les pays industrialisés, la religion « officielle » agonise. Les églises sont vides et en crise. Par contre, on assiste à une véritable prolifération de sectes religieuses bizarres, ainsi qu’au développement du mysticisme et de toutes sortes de superstitions. L’effrayante épidémie de fondamentalisme religieux - chrétien, juif, islamique, indou - est une manifestation patente de l’impasse dans laquelle se trouve la société. Au seuil d’un nouveau siècle, on observe la plus horrible régression vers ce que les Anglais appellent « the Dark Ages » - « l’Age des ténèbres ».

Le sentiment dominant de pessimisme et de désorientation se reflète de mille manières, et pas seulement de façon directement politique. L’omniprésence de l’irrationalité n’a rien d’un accident. C’est le reflet, sur le plan psychologique, d’un monde où des forces terribles et apparemment invisibles contrôlent le destin de l’humanité. Regardez, lors des coups de panique sur les places boursières, ces hommes et ces femmes « respectables » qui s’agitent furieusement comme des fourmis dont on a brisé le nid. Les réactions de panique collective que provoquent ces spasmes périodiques sont une illustration criante de l’anarchie capitaliste. Et c’est cela qui détermine la vie de millions de personnes. Nous vivons dans une société en déclin. Cela se manifeste partout. De réactionnaires conservateurs se lamentent de l’éclatement de la famille ainsi que des ravages de la drogue, de la criminalité, de la violence aveugle, et de tout le reste. Leur seule réponse, c’est l’intensification de la répression : plus de police, plus de prisons, de plus sévères punitions, voire des investigations génétiques sur les soi-disant « types criminels ». Ils ne peuvent ou ne veulent pas voir que ces phénomènes sont des manifestations de l’impasse dans laquelle se trouve le système social qu’ils représentent.

Jusqu’à récemment, il semblait que le monde de la science était épargné par le déclin général du capitalisme. Les merveilles de la technologie conféraient aux scientifiques un immense prestige. Ils semblaient presque dotés de pouvoirs magiques. La considération dont jouissait la communauté scientifique augmentait à mesure que leurs théories devenaient toujours plus incompréhensibles, y compris pour la majorité des gens éduqués. Et pourtant, les scientifiques sont des gens ordinaires qui vivent dans le même monde que les autres. A ce titre, ils subissent plus ou moins l’influence des idées, des philosophies, des opinions politiques et des préjugés dominants - sans parler d’intérêts matériels qui peuvent être considérables.

Longtemps, on a tacitement présumé que les scientifiques - et en particulier les physiciens théoriques - étaient des personnes d’un genre particulier, coupés des réalités quotidiennes, et qui, à l’inverse du commun des mortels, ont accès aux mystères de l’univers. Ce mythe du XXe siècle est bien véhiculé par les vieux films de science-fiction dans lesquels la planète est menacée de destruction par des extra-terrestres (en réalité, la menace qui pèse sur le futur de l’humanité ne vient pas de si loin, mais ceci est une autre histoire). A chaque fois, au tout dernier moment, un homme en blouse blanche arrive, écrit une équation compliquée sur un tableau - et le problème est résolu en un rien de temps.

La vérité est bien différente. Les scientifiques et les intellectuels en général ne sont pas à l’abri des tendances générales qui traversent la société. Le fait que la philosophie et la politique indiffèrent la plupart d’entre eux signifie seulement qu’ils sont plus facilement influencés par les préjugés qui les entourent au quotidien. Bien souvent, leurs idées sont utilisées pour soutenir les positions politiques les plus réactionnaires. C’est particulièrement évident dans le domaine de la génétique, où s’est engagée une véritable contre-révolution, en particulier aux Etats-Unis.

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