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Acte d’accusation du roi Louis XIV

5 février 2018, 07:35

fin de l’extrait de Michelet :

La Terreur de 1793, en pleine guerre, devant l’ennemi, dans la misère et la famine, fut sauvage, mais point hypocrite, et n’eut point les gaietés diaboliques de 1685. Les femmes furent guillotinées, non insultées. Elles montèrent pures à l’échafaud ; madame Roland, honorée. Mademoiselle Corday fut vierge sous le fer. Un valet ivre ayant touché sa tête, il y eut un soulèvement de la foule, et les journaux tonnèrent. La Commune lui fit son procès.
Du reste, tous les martyres du corps ne font rien sur un esprit libre. Quoi qu’on pût entasser d’outrages et de douleurs, la victime de la dragonnade, souvent navrée, sanglante, était plus affermie. Les démons demandèrent par où on la prendrait, et si, brisant le cœur, on ne pourrait dompter la foi. On lui martyrisait son mari sous ses yeux. On profanait sa fille par des sévices honteux. Autre épreuve : on liait la mère qui allaitait, et on lui tenait à distance son nourrisson qui pleurait, languissait, se mourait. Rien ne fut plus terrible ; toute la nature se soulevait, la douleur, la pléthore du sein qui brûlait d’allaiter, le violent transport au cerveau qui se faisait, c’était trop... La tête échappait. Elle ne se connaissait plus, et disait tout ce qu’on voulait pour être déliée, aller à lui et le nourrir. Mais, dans ce bonheur, quels regrets ! L’enfant, avec le lait, recevait des torrents de larmes.
Une des scènes les plus affreuses se vit à Montauban. On avait mis trente-huit cavaliers chez M. et madame Pechels. Elle était grosse et très près de son terme. Ils brisèrent, gâtèrent et vendirent ce qu’ils voulurent, ne laissèrent pas un lit. Ils mirent leurs hôtes dans la rue, et, avec cette femme enceinte, ses quatre petits enfants dont l’aîné avait sept ans. Ils ne permirent de rien emporter qu’un berceau. Pour adieu, ils leur jetèrent, au départ, des cruches d’eau froide dont ils restèrent mouillés, glacés. Ils erraient dans la rue, quand un ordre leur vint de l’intendant de rentrer dans leur maison pour recevoir d’autres soldats. Six fusiliers d’abord, et il en venait toujours d’autres. Tous mécontents de ne trouver plus rien, ils se vengèrent par l’insolence et leur firent souffrir mille outrages. Enfin, ils les chassèrent encore. La dame, prise de douleur à ce moment, était sur le pavé sans asile. Défense de recevoir les rebelles.
Elle ne savait où aller. Son mari et une sage-femme la tenaient sous les bras ; le moment approchait, et elle était près d’accoucher sur le pavé. Heureusement, la maison de sa sœur se trouva libre de soldats pour quelques heures. Elle y entra et accoucha la nuit. Le matin, il vint une bande ; ils firent si grand feu dans sa chambre qu’elle et l’enfant faillirent étouffer. Voilà donc celle femme, sanglante, faible, pâle, encore forcée de se traîner dehors. Elle fait un grand effort, va jusqu’à l’intendant, croyant à la pitié, croyant à la nature. L’affreux commis la fit mettre à la porte. Elle s’assit sur une pierre. Mais là même, cette infortunée ne put être tranquille. Des soldats la suivaient, l’entouraient, l’obsédaient, la martyrisait de risées.
Comment les dames catholiques enduraient-elles un si navrant spectacle ? Elles étaient émues ; mais plusieurs, par pitié pour l’âme, voulaient qu’on tourmentât le corps, aidaient à la persécution. D’autres auraient volontiers intercédé, et elles n’osaient. Aller, à travers les soldats, trouver un intendant insolent, libertin, pénétrer chez un officier brutal qui se permettait tout, comme dans une ville prise : il y avait de quoi faire reculer une femme. Les seigneurs même firent des indignités. Une dame catholique qui hasarda d’aller trouver ainsi M. de Tessé pour avoir la grâce d’un homme, pleura, se jeta à ses pieds, s’y roula de douleur. Elle étouffait de sanglots. Le drôle trouva cela plaisant, en fit des farces ; il se mit à la copier, se jeta aussi à genoux, bouffonna, hurla et miaula.
Pour revenir, une voisine catholique de madame Pechels qui la vit de sa fenêtre, n’y tint pas, eut le cœur percé, et, la pitié se changeant en fureur, elle alla accabler l’intendant d’injures, au point qu’il perdit contenance, la laissa faire. Elle abrita l’accouchée, qui peu après rejoignit son mari. Ils ne furent pas longtemps ensemble. Elle fut chassée de Montauban, et on lui ôta ses cinq enfants. Seule, elle errait dans les campagnes, suivie, traquée comme une bête. Les paysans catholiques la cachaient et l’avertissaient. Pechels, pendant ce temps, traîna de prison en prison près de deux ans. Les plus affreux cachots ne parvinrent pas à le tuer, et enfin on l’embarqua pour l’Amérique, d’où il revint plus tard. Ces époux héroïques furent réunis. Mais retrouvèrent-ils leurs, enfants ? »

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