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Acte d’accusation du roi Louis XIV

21 juillet 2017, 09:17

C’est Louis XIV qui encouragea la mise en esclavage des Africains...

Louis XIII, roi très croyant, était opposé à la mise en esclavage des Africains et, malgré l’intervention pressante de ses confesseurs, jusque sur son lit de mort, ne consentit jamais à une légalisation.

Mais après l’avènement de Louis XIV, son fils, en 1643, et la prise en charge effective par ce dernier du pouvoir en 1661, qui correspond au développement de l’économie sucrière, les choses vont prendre une tout autre tournure.

L’homme d’affaires Charles Houel est nommé gouverneur de la Guadeloupe et il y introduit la culture de la canne à sucre, déjà pratiquée en Martinique sous l’impulsion d’un Hollandais, Daniel Trezel.

La canne à sucre nécessite de grandes propriétés et une abondante main-d’œuvre.

En 1649 Charles Houel, profitant des difficultés financières de la Compagnie française des îles de l’Amérique, achète à vil prix la Guadeloupe et ses dépendances pour son propre compte, avec le projet de la rentabiliser en imitant l’exemple donné à la Barbade et la Jamaïque par les Anglais qui se sont lancés dans la culture de la canne de manière très agressive. Sous l’autorité de Houël, l’arrivée des esclaves déportés d’Afrique s’intensifie à partir de 1650.

En 1654, 900 juifs hollandais, expulsés du Brésil par les Portugais, s’installent, grâce à Houël, à la Guadeloupe avec leur savoir faire, leurs esclaves et leurs économies. Parmi eux, les Bologne, originaires de Rotterdam, ancêtres du chevalier de Saint-George (l’entreprise Bologne, probablement la plus ancienne d’Amérique, existe toujours à la Guadeloupe et continue, pour distiller du rhum, à cultiver de la canne sur les terres acquises en 1654).

C’est leur arrivée qui va accélérer le développement aux Antilles françaises de l’industrie sucrière. Les « Hollandais » rachètent les terres jusque là consacrées au tabac par les petits planteurs.

Une propriété sucrière, pour être rentable, est en moyenne 4 fois plus grande qu’une propriété destinée à la culture du tabac ou tout simplement vivrière : pas moins d’une cinquantaine de « carreaux » (unité de l’époque représentant 1,29 ha) et pas moins d’un esclave par « carreau ».

Dès 1656, il y a 3000 esclaves d’origine africaine à la Guadeloupe, pour une population de 15000 habitants.

Pendant ce temps, en Afrique, la Compagnie normande est rachetée, en 1658, par la Compagnie du Cap-vert et du Sénégal. Mazarin lui accorde le monopole de la traite.

En 1664, est créée la Compagnie des Indes occidentales sous l’autorité du jeune roi Louis XIV qui charge du dossier son ministre Colbert. Fondée à Ndar (rebaptisée Saint-Louis) mais basée au Havre, elle dispose d’un capital de 6 millions de livres. Elle est déclarée propriétaire, pendant 40 ans, des territoires que la France s’est appropriée sur les côtes d’Afrique. Elle a le monopole du commerce avec l’Amérique.

La Compagnie des Indes occidentales obtient le monopole de la traite (jusque là détenue par la Compagnie du Cap-Vert et du Sénégal) dont elle va en fait peu se servir, car elle mise encore sur le tabac, provoquant de ce fait la colère des colons des Antilles qui importent des esclaves en contrebande – et à prix élevé – en se fournissant chez les Hollandais.

La même année 1664, Louis XIV, prenant le parti des planteurs, dissout la Compagnie des îles d’Amérique. Évinçant Houël, il fait racheter la Guadeloupe et ses dépendances par la Compagnie des Indes occidentales qu’il vient de créer. Il impose aux planteurs le régime de l’Exclusif qui les oblige a commercer exclusivement avec la métropole, pour le plus grand profit des ports atlantiques.

Très curieusement, c’est à la fin de cette année 1664 que la Reine accouche publiquement au Louvre d’une fille dont plusieurs témoins ont affirmé qu’elle était « un peu moresque ». Une fille officiellement décédée au bout de quelques jours mais qui réapparaîtra dans la croyance populaire comme Mauresse de Moret. Il s’agirait bien plutôt d’une fille du roi, tout comme le Masque de fer pourrait être l’un de ses fils. Le fait d’être esclavagiste n’est nullement incompatible avec le fantasme de la femme noire.

Enfin, c’est en 1664 que Louis XIV lance les travaux pharaoniques du château de Versailles (100 millions de livres) avec le projet d’y installer autour de lui une cour qui puisse lui rendre un culte comme s’il était un dieu vivant, ce qu’il imposera en 1682. Il est remarquable de constater à quel point les historiens se font discrets sur la manière dont ces travaux seront financés.

Voulant développer le commerce du sucre et l’esclavage, Louis XIV décide de passer à la vitesse supérieure. Il supprime en 1671 le monopole de la traite, ce qui donne aux armateurs des grands ports la possibilité d’envoyer des bateaux en Afrique et d’amorcer ainsi ce qu’on appellera le commerce triangulaire. Départ de bateaux depuis Bordeaux, Nantes et la Rochelle, chargés de marchandises de qualité médiocres (fusils « de traite », munitions, alcool, verroterie) destinées à payer les intermédiaires préposés à la fourniture d’esclaves et à l’approvisionnement du bateau pour poursuivre le voyage. Embarquement d’esclaves razziés par des sous-traitants locaux (travaillant pour le compte, sous la protection et sous l’autorité d’Européens), débarquement aux Antilles des esclaves échangés contre des barils de sucre de canne et du ravitaillement pour le retour. Retour au port d’attache et vente du produit final avec, parfois, 300 % de bénéfice net, une fois l’équipage rémunéré et les les équipements spéciaux de l’expédition payés (les chaînes, dont la Suède s’était fait une spécialité).

Dès 1673, la législation se durcit et devient franchement raciale, les enfants d’une mère esclave et d’un colon subissant désormais le sort de la mère.

Elle aboutira au Code noir en 1685. Non seulement c’est le texte juridique le plus monstrueux qui soit, comme l’a souligné le philosophe Louis Sala-Molins, mais c’est surtout le plus cynique. Ainsi, par exemple, sous prétexte d’obliger les colons à prendre soin de leurs vieux esclaves devenus improductifs et de soigner les malades, le code noir incite en fait à faire mourir les déportés en cinq ans et à économiser sur leur nourriture pour en tirer un profit maximal permettant de racheter cinq ans plus tard un esclave tout neuf. Cette consommation rapide de l’esclave accélérant évidemment le rythme de la traite, tout le monde y trouvait son compte. Sauf les Africains.

En un siècle et demi, la France allait déporter 1 200 000 hommes, femmes et enfants. Les opérations de capture et de transport occasionnèrent un nombre de morts qu’on peut estimer, rien que pour la France, à 6 millions.

Louis XIV accorde des titres de noblesse aux colons pour les encourager à préserver la « pureté du sang » en s’alliant avec des familles nobles de France.

Pendant tout le XVIIIe siècle et jusqu’en 1791, l’esclavage va se développer de manière exponentielle. le nombre d’esclaves atteindra le chiffre prodigieux de 500 000 à Saint-Domingue, qui, conformément aux vues de Louis XIV, deviendra la plus grande colonie du monde. Le rapport de 10 esclaves pour un Européen ne pouvait qu’aboutir au grand soulèvement de 1791.

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