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D’Etat d’urgence en... des tas de coups de matraques

31 mai 2017, 10:33

En 2015, la commission d’enquête parlementaire mise en place après la mort de Rémi Fraisse – en octobre 2014, le jeune militant écologiste était décédé lors d’une manifestation d’opposants à la construction d’un barrage à Sivens (Tarn) – avait proposé de créer, sur le même modèle, une interdiction administrative de manifester pour les individus « condamnés ou connus en tant que casseurs violents ».

La proposition n’avait pas été suivie d’effet mais elle pourrait réapparaître à la faveur du projet de loi antiterroriste en gestation, annoncé par le gouvernement le 24 mai et qui ambitionne de transposer des outils de l’état d’urgence dans le droit commun. D’ici là, le Conseil constitutionnel se sera prononcé sur la constitutionnalité de l’interdiction de séjour en période d’état d’urgence.

A l’origine du recours, un jeune homme âgé de 20 ans qui a été interdit de manifester le 28 juin 2016 à Paris. Ses avocats, Mes Raphaël Kempf et Aïnoha Pascual, rapportent les conditions dans lesquelles il a été visé par la mesure : « Il a fait l’objet d’un contrôle d’identité le 23 juin 2016, jour de manifestation contre la loi travail, à la station de métro Oberkampf. Il ne manifestait pas, mais allait retrouver sa grand-mère place de la Nation. Un couteau à beurre a été trouvé dans son sac parce qu’il avait fait un pique-nique la veille. Après quasiment vingt-quatre heures de garde à vue pour port d’arme sans motif légitime, il a eu un rappel à la loi. Sur cette base, il a été interdit de manifestation. »

Mes Kempf et Pascual voient dans ces mesures préventives une atteinte aux libertés garanties par la Constitution, notamment celles d’aller et venir et de manifester, doublée d’un « détournement » de l’état d’urgence. Dans ses observations transmises au Conseil constitutionnel, le gouvernement de Manuel Valls ne prétendait pas avoir œuvré à la lutte antiterroriste mais il se défendait de porter atteinte au droit de manifester. Il considérait n’avoir visé que « la participation à une manifestation irrégulière ou le fait de se rendre sur les lieux d’une manifestation régulière afin de s’y livrer volontairement à des atteintes illégales ».

Dans son rapport, Amnesty International souligne toutefois que « les représentants du ministère de l’intérieur et de la Préfecture de police de Paris interrogés ont été dans l’incapacité de fournir une évaluation de l’efficacité de ces mesures en termes de maintien de l’ordre ».

Formulée de façon floue dans la loi sur l’état d’urgence, l’interdiction de séjour a fait l’objet d’une « interprétation très large » par le ministère de l’intérieur, observe par ailleurs Amnesty International. « Les préfets peuvent viser des intentions et pas des comportements établis », dénonce Me Kempf. De fait, le juge administratif a suspendu plusieurs interdictions car les préfets n’apportaient aucun élément matérialisant la participation des personnes à des violences ou des dégradations. Ils se contentaient de produire des « notes blanches » des services de renseignement établissant leur participation à des manifestations ayant dégénéré et leur appartenance à la mouvance antifasciste.

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