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C’est le noyau de la Terre qui réchauffe notre planète et pas l’effet de serre atmosphérique

25 septembre 2019, 07:36, par Robert Paris

Peut-on trouver dans le passé de la Terre les manifestations de réactions nucléaires du noyau terrestre, demande un lecteur ?

Vincent Courtillot, dans « La dynamique du globe contrôle-t-elle l’évolution des espèces ? » :

« Il y a 250 millions d’années, 99% au moins de tous les individus de toutes les espèces qui vivaient sur Terre ont disparu. C’est à peine imaginable, en termes de disparition de biomasse et en termes de catastrophe planétaire. (…)

A travers le monde entier, plusieurs équipes se sont attachées non seulement à regarder, plus en détail, la période de la disparition des dinosaures, mais aussi toutes les autres extinctions. En même temps, les géophysiciens se sont intéressés à chercher s’il y avait d’autres endroits que l’Inde où l’on observait ces épanchements volcaniques extraordinaires. Il y a en fait une dizaine de grands « pâtés » volcaniques qui font au moins un million de kilomètres-cubes en volume, répartis à la surface de la Terre. Pour chacun d’entre eux, les chercheurs se sont livrés aux mêmes analyses que nous avions faites en Inde ; le résultat est que la quasi-totalité des formations volcaniques coïncide avec la quasi-totalité des grandes extinctions. En particulier, la grande catastrophe d’il y a 250 millions d’années, à la fin du primaire, correspond à une énorme formation volcanique, les « trapps de Sibérie », bien connue des géologues et des économistes, parce que l’on y trouve des richesses minérales considérables, d’ailleurs liées au volcanisme. (…)

Que s’est-il passé à l’intérieur de la Terre, sous la croûte, dans le manteau terrestre, qui a conduit à de pareils événements ? La dernière fois que s’est produite pareille monstruosité à la surface de la Terre, c’était il y a 30 millions d’années. Le volcanisme correspondant forme le haut plateau éthiopien. Ce plateau volcanique, sur lequel est construit Addis-Abeba, à 2 000 mètres d’altitude (et dont on retrouve un fragment détaché au sud de l’Arabie, au Yémen) est un énorme volcan, formé il y a 30 millions d’années, non pas au moment d’une grande disparition d’espèces, mais au moment d’une des principales crises climatiques de l’ère tertiaire. Cela correspond, en particulier, à la véritable apparition des glaciations dans l’Antarctique. Il semble qu’il y ait une relation entre le volcanisme des « trapps de l’Ethiopie » et l’établissement de ce régime froid, glaciaire particulier, dans lequel nous sommes encore (même si ce moment de notre histoire est plutôt une confortable phase interglaciaire qu’une phase glaciaire à proprement parler).

Peu après la mise en place des « trapps d’Ethiopie », une déchirure est venue les traverser. Il y a donc manifestement une relation entre l’arrivée de ces bulles magnétiques à la surface et les grands moments où se déchirent les continents à la surface du globe, où s’ouvrent les bassins océaniques. Ainsi, la naissance des trois grands bassins (nord, central et sud) de l’océan Atlantique correspond à l’apparition de trois grands trapps (Groenland-Nord des îles anglo-irlandaises, côtes est-américaines et marocaine, bassin du Parana en Amérique du Sud et d’Etendeka en Afrique. (…)

Le champ magnétique de la Terre n’a pas toujours pointé vers le Nord. Le champ magnétique de la Terre s’est inversé des centaines de fois au cours de l’histoire de la Terre… Il est frappant de voir que deux gros trapps (Inde et Sibérie) et les deux plus grandes extinctions d’espèces ont suivi de peu ces périodes de grand calme magnétique. Le noyau de la Terre participerait-il au déclenchement de ces gigantesques catastrophes qui conduisent uax extinctions en masse ?

Le noyau de fer liquide de la Terre, qui fabrique le champ magnétique, a sa dynamique propre ; est-il couplé d’une certaine façon, à travers le manteau, avec la surface de la Terre ? Comment un tel couplage est-il possible ? (…)

Le manteau n’est pas homogène, comme on le croyait, mais formé de grandes masses un peu plus informes, plus lourdes et plus froides, qui sont sans doute des morceaux de plaques lithosphériques réinjectées à l’intérieur de la Terre. On savait depuis longtemps que ces plaques pouvaient descendre jusqu’à 700 kilomètres de profondeur ; on s’aperçoit qu’elles peuvent en fait parfois plonger jusqu’à la base du manteau, s’empiler sous forme de véritables cimetières : des cimetières de plaques océaniques à 2 900 kilomètres sous nos pieds. Cette énorme masse froide et lourde vient se poser à la surface du noyau, dans lequel se fabrique le champ magnétique.

La Terre est un objet en train de se refroidir ; sa façon normale de se refroidir, c’est la convection d’ensemble du manteau, qu’accompagne la dérive des continents : la formation de la croûte, le flux de chaleur, les tremblements de terre, les éruptions volcaniques sont l’expression de ce refroidissement. Apparemment, ce système ne parvient pas ainsi à se débarrasser de la chaleur de manière suffisamment efficace. De temps en temps, un autre mode de convection de la matière conduit à la formation de ces énormes instabilités qui très rapidement vont emmener une part importante de matière et avec elle, une quantité importante de chaleur, jusqu’à la surface.

Le noyau essaie de se débarrasser de sa chaleur et un isolant vient l’en empêcher. Les hétérogénéités du manteau inférieur se réchauffent alors, s’allègent et peuvent de temps en temps devenir instables et remonter… A la base du manteau, ces instabilités formées de matériaux légers, peuvent atteindre la surface, déclencher les éruptions des trapps et provoquer les fameuses extinctions.

Tout le système « Terre » (manteau, descentes de plaques froides, remontées d’instabilités chaudes, volcanisme catastrophique, évolution des espèces biologiques) formerait alors un grand ensemble couplé. (…)

Si l’on imagine qu’une plaque, l’Inde par exemple, dérive au-dessus d’une instabilité (bulle en forme de champignon de liquide léger instable placé à la base d’un liquide dense), au moment où la bulle arrive en surface, elle va former des « trapps ». (…) On retrouve donc, à la surface de la Terre, l’histoire d’une ascension qui vient probablement de près de 3 000 kilomètres de profondeur à l’intérieur du manteau. (…)

Lors de la dernière grande éruption d’un trapp, il y a 30 millions d’années, l’espèce humaine n’existait pas encore. Depuis 30 millions d’années la Terre n’a pas connu d’événement d’ampleur semblable. Et nous ne savons pas quand se produira le prochain, dans quelques millions ou quelques dizaines de millions d’années, bien qu’il soit presque certain. »

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