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Edito –Où en est le mouvement contre la loi El Khomri ?

22 juin 2016, 10:07

La politique de l’extrême gauche dans la « lutte contre la loi El Khomri »

Contre la loi El Khomri, l’intersyndicale appelle à deux nouvelles journées d’action. C’est la huitième journée de grève en trois mois. Quelle est l’efficacité des ces « journées » ? A part de lâcher la vapeur et de décourager tout le monde progressivement en épuisant les participants et leurs finances sans nullement inquiéter patronat et gouvernement que l’on prétend faire reculer, que ce soit sur leurs projets à la SNCF ou sur la loi El Khomri ? Il faut rappeler qu’au début du mouvement en février, l’intersyndicale se proposait seulement de négocier et ne demandait pas le retrait.

Rappelons également que le 9 mars, quand la population et la jeunesse étaient vent debout contre la loi, les syndicats se sont retirés, n’appelant nulle part à une journée de grève, tout en se gardant de la dire. Les « gauches syndicales », liées à la gauche de la gauche ou à l’extrême gauche, se sont alors bien gardées de signaler aux travailleurs ce lâchage, empêchant les salariés et les jeunes de comprendre quelles manœuvres menaient les centrales bureaucratiques contre le mouvement, dès son démarrage et quelle solidarité réelle rattachait la direction syndicale au gouvernement. Au contraire, ces gauches syndicales ont camouflé par leur discours cette trahison en plein début de mobilisation. Ils ont laissé la jeunesse se mobiliser seule au début même si, sous la pression de la jeunesse, ils ont transformé leur discours, en prétendant de manière opportuniste, pour ne pas dévoiler leur trahison, que maintenant ils exigeaient le retrait de la réforme ! Pour justifier de ne pas mobiliser le 9 mars, en même temps que la jeunesse, ils ont affirmé qu’ils gardaient leurs forces pour la journée syndicale, qui aurait lieu seulement… le 31 mars ! Et, du coup, par exemple, ils ont très peu mobilisé à la SNCF le 9 mars contre le décret-socle de Pépy. Et pas contre la loi El Khomri !

C’était séparer, dès le début, l’action contre la SNCF de celle contre le code du travail, comme si tout cela ne ressortait pas d’une même offensive anti-ouvrière, comme celle contre les personnels des hôpitaux, celle contre les personnels d’Areva, de l’EDF, d’Air France et bien d’autres. Depuis, les syndicats ont pris le tournant et reconnaissent que la SNCF et El Khomri, c’est la même attaque mais la CGT affirme que c’est cependant des journées d’action différentes qui seraient nécessaires ! Impossible de comprendre cette logique de division des revendications, des assemblées, des grèves et des manifestations. D’autant que, si les syndicats de la SNCF ont fini par admettre que Pépy et El Khomri, c’est le même combat, ils ne vont pas jusqu’à relier ce combat à celui des hôpitaux, de La Poste, d’Areva ou Air France ! En somme, il n’est pas question pour eux de mener un combat de classe contre un gouvernement qui démontre qu’il est au service de la seule classe capitaliste ! La stratégie de défaite de l’intersyndicale lors du conflit des retraites se retrouvent ici à l’identique ! Avec les mêmes journées d’action toutes les deux-trois semaines.

Quelles que soient leurs particularités, les plus grandes organisations d’extrême gauche (NPA, LO, POI, Alternative libertaire, CNT, etc.) ont toutes appuyé les journées d’action de l’intersyndicale, disant qu’il suffisait de se mobiliser et d’être nombreux à le faire pour faire reculer patronat et gouvernement.

Pas mal de cheminots se rendent compte que la loi El Khomri et la réforme de la SNCF, c’est une seule et même attaque. Pourtant, ce n’est pas dès le début que les syndicats ont lié les deux. De même pour l’extrême gauche suiviste vis-à-vis des appareils syndicaux.

Les syndicats n’ont demandé le retrait pur et simple de la loi El Khomri qu’avec retard et ils ne demandent toujours pas le retrait de l’ensemble de la réforme SNCF. Ils ne dénoncent que le « décret-socle » et n’en demandent même pas le retrait. En particulier, ils ne dénoncent même plus la privatisation du rail et s’y intègrent même en acceptant de discuter des conditions de travail commune aux travailleurs du rail privés et publics. Rien de tout cela n’est dénoncé par les organisations d’extrême gauche précitées.

S’ils ont fini par faire le lien entre réforme SNCF et réforme du code du travail, ils ne font aucun lien avec la réforme de l’hôpital et toutes les autres prétendues « réformes » comme la casse des services publics.

Même les plus petits courants d’extrême gauche qui poussent à la convergence des luttes se positionnent aussi dans une vision purement réformiste de l’intervention de la classe ouvrière. Ils veulent faire croire qu’on pourrait arrêter la casse sans s’en prendre au système capitalisme lui-même, seulement en se faisant un peu craindre du gouvernement, qu’on peut même obtenir des petites avancées, mais toujours au sein du capitalisme.

Et là, on parle seulement des courants les plus radicaux qui ont une critique publique des politiques des centrales syndicales. Pour les autres, ce qu’ils appellent la « convergence des luttes », ce n’est pas l’extension par lui-même du mouvement gréviste et la coordination des grévistes par eux-mêmes, au travers de leurs organisations autonomes, comités, assemblées interpro, coordinations, etc., mais d’une convergence à l’égard des confédérations syndicales bureaucratiques et bourgeoises.

Ils jouent le rôle d’aile gauche de la bureaucratie bourgeoise au sein de la classe ouvrière. Qu’ils disent qu’il suffirait d’être nombreux, ou qu’il suffirait d’être de nombreux secteurs en lutte et en grève, qu’ils disent qu’il faudrait une grève générale, ils se contentent d’animer des équipes syndicales auxquelles ils ne proposent nullement de rompre avec les bureaucraties et écartent ou mènent même la guerre à quiconque le proposerait.

Cette extrême gauche fabrique ainsi un deuxième écueil pour le mouvement que celui des centrales : de faux comités de grève, de faux comités d’action, une fausse coordination des luttes, qui ne sont nullement de formes autonomes d’organisation des travailleurs mais des appendices des appareils. On l’a constaté déjà lors de la lutte des personnels de l’hôpital public. On le constate à nouveau à la SNCF, par exemple à Austerlitz. Comme on a constaté leur action de fausse coordination entre cheminots et lycéens qui ne sont que des réunions entre leurs militants des lycéens. On trouve à l’origine de ce genre d’initiative des militants de LO, du NPA, de la Fraction de LO au sein du NPA et autres…

Au travers du mouvement NuitDebout, ils s’adressent parfois à l’ensemble des gares parisiennes mais ils ne le font nullement pour se distinguer des politiques syndicales. Comme ces dernières, ils ne dénoncent que le décret-socle qui n’est qu’une petite partie de la réforme de la SNCF, cautionnant ainsi la privatisation. Ils poussent à la grève reconductible avec SUD et FO et contre la CGT mais ne démasquent nullement les stratégies syndicales et proposent encore moins aux travailleurs de s’organiser de manière indépendante des appareils. Ce sont ceux qui animent notamment « Cheminots Debout » ou des comités d’action, mais si ces groupes font semblant d’organiser les travailleurs, font ainsi des tracts au nom des travailleurs en lutte, ils ne les soumettent à aucun comité de travailleurs.

Pas mal de travailleurs n’ont aucune confiance dans les journées d’action de 24 heures, y compris dans le milieu CGT cheminots. Beaucoup ont conscience que ce n’est pas ça qui fera reculer patronat et gouvernement. On est, sur ce plan aussi, dans la même configuration que lors du mouvement des retraites de 2010 : aucun lien entre les secteurs grévistes malgré un soi-disant mouvement d’ensemble. Les secteurs en lutte sont isolés les uns des autres. Rien qui relie les cheminots et les hospitaliers, les postiers et les pétroliers. On nous fait croire comme en 2010, et l’extrême gauche n’était pas la dernière à le faire croire, que l’existence d’un mouvement d’ensemble renforcera la classe ouvrière mais on a vu qu’après la lutte de 2010 et son échec, c’est au contraire le corporatisme et le repli sur soi qui a triomphé. Beaucoup de travailleurs affirmaient après 2010 : « on ne fera plus grève » ou « on ne suivra plus les syndicats ».

Médiatiquement, on présente les syndicats de cheminots comme des fauteurs de grève qui poussent à la radicalisation et à la généralisation. En réalité, la CGT reste hostile à la grève reconductible. Aucun syndicat ne dénonce l’ensemble de la réforme. Tous participent aux négociations qui reviennent à accepter la privatisation et négocier sur les horaires des travailleurs du rail du privé et du public, c’est énorme. Avant, aucun syndicat ne déclarait l’accepter et tous disaient vouloir « un seul opérateur ferroviaire public » et pas d’opérateur privé ! Du coup, la grève de ces syndicats, par ses revendications, est déjà une défaite car elle négocie les reculs au lieu de les bloquer.

Ce ne sont pas les syndicats seuls qui tiennent un discours fondamentalement réformiste. Ce sont aussi les équipes syndicales d’extrême gauche. Elles ne font aucun lien entre les attaques antisociales en France et la crise mondiale de la domination capitaliste. Tous leurs écrits sont très économistes, réformistes même. Pas du tout l’idée que ces attaques ne sont pas juste économiques, qu’elles ne visent pas seulement à enrichir les patrons, qu’elles visent à casser moralement et politiquement la classe ouvrière. Ces extrêmes gauches se gardent bien de poser le problème de la pérennité du capitalisme lui-même.

Même en se contentant de discuter de propositions « positives » faites au mouvement, LO se contente de soutenir les propositions syndicales et le NPA de proposer comme moyen de coordination le mouvement NuitDebout ! Pour cette extrême gauche, le comité, c’est seulement un moyen d’élargir les équipes syndicales et d’ « animer » la grève. L’unité des travailleurs, ils ne la conçoivent que derrière les appareils. LO va jusqu’à dire dans ses tracts qu’on peut, en étant nombreux, entraîner les dirigeants syndicaux !

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