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Histoire des grèves à la Poste

3 mars 2015, 21:16

Postiers : la grève est proclamée

La grève générale des postiers est proclamée. Tel est le résultat du meeting tenu hier au Tivoli-Vauxhall, où les fonctionnaires des postes et télégraphes ont fraternisé avec des révolutionnaires professionnels. On notera même ce curieux détail : c’est que l’ordre du jour insurrectionnel adopté assigne comme "cause principale" à ce mouvement "les calomnies lancées par le sous-secrétaire d’État contre l’Association générale des P. T. T. et les injures imméritées adressées au personnel".

Les calomnies, quelles sont-elles ? M. Simyan, à la suite des troubles de vendredi, a répondu — ou à peu près — a ceux qui l’interrogeaient sur leur origine : "Ce sont là des actes purement révolutionnaires, inspirés par l’esprit anarchiste qui s’est infiltré parmi les postiers." C’est pour cela que les postiers font grève ! C’est pour montrer leur indignation d’être traités de révolutionnaires qu’ils recourent à l’acte révolutionnaire par excellence : la grève générale ! II faudrait rire d’une telle logique, si l’événement, n’avait en soi une gravité qui prête peu a la plaisanterie.

Donc, la grève est votée. Mais il ne suffit pas en pareil cas de voter, il faut agir. Et sur ce point, il est encore impossible de savoir si les belles résolutions du meeting seront accompagnées d’actes collectifs caractéristiques. ; A l’heure qu’il est, il semble qu’il y ait plutôt des hésitations. Nous souhaitons vivement que les fortes têtes ne soient pas suivies et que la voix de la raison finisse par être entendue.

Nous le souhaitons pour le public qui pâtirait nécessairement de la désorganisation des services télégraphiques et postaux. Mais nous le souhaitons plus encore, s’il est possible, pour les agents eux-mêmes qui iraient au-devant de cruelles déceptions, car ils ne peuvent pas ne pas être les premières victimes de leur folie. Où sont, même parmi les soutiens de leurs revendications, ceux qui, dans la presse ou au Parlement, approuvent leur révolte ? Tous — à l’exception des socialistes unifiés qui ne rêvent que plaies et bosses—déplorent l’égarement auquel ils ont succombé. Tous sont d’accord pour proclamer, comme nous-mêmes, la nécessité qui s’impose au gouvernement de ne point capituler devant ces sommations anarchiques. Il n’en est pas un qui ne sente que céder en cette occurrence, ce serait exposer les services publics - tous les services publics — à de périodiques perturbations, prélude du désagrégement final.

On peut dire que le gouvernement, dans l’œuvre de répression à laquelle il ne peut se soustraire, aura derrière lui l’unanimité des citoyens capables de réflexion. Et, Dieu merci ! ils sont encore en France l’immense majorité. (...) Le public souffrira patiemment la gêné momentanée résultant soit de l’interruption, soit du flottement des services. Il attendra avec une clairvoyante résignation que la répression ait. tout fait rentrer dans l’ordre, si les conseils de sagesse continuent à rester impuissants. Il fera le plus large crédit au gouvernement, parce qu’il sait bien qu’en se montrant inflexible, ce. n’est pas cette fois "l’intérêt ministériel" que le gouvernement défendra, mais l’intérêt national.

Comment, en effet, l’intérêt national pourrait-il s’accommoder de l’anarchie administrative ? Et donner aux fonctionnaires de tout ordre cette impression dissolvante que l’Etat est à la merci de leurs revendications, de leurs exigences légitimes ou non, ne serait-ce pas ouvrir toute grande la porte à cette anarchie ? Dans le duel engagé entre les postiers et les pouvoirs publics, ce sont les principes mêmes de tout gouvernement qui sont en jeu. N’est-ce pas dire que c’est le gouvernement qui doit avoir — et qui aura — la victoire ? Il lui suffit de vouloir.

Le Temps – 17 mars 1909

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