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L’émergence de l’homme, parmi les hominidés, une conséquence… du communisme des chasseurs-cueilleurs !

29 avril 2014, 08:19

Je vous de­mande de bien vou­loir lire at­ten­ti­ve­ment les pre­miers cha­pitres du livre de Bebel : la Femme et le So­cia­lisme. Bebel dé­montre la thèse sui­vante — dont nous nous ser­vi­rons tout au long de notre en­tre­tien — selon la­quelle il existe une cor­res­pon­dance par­ti­cu­liè­re­ment étroite et or­ga­nique entre la par­ti­ci­pa­tion de la femme dans la pro­duc­tion et sa si­tua­tion dans la so­ciété. Bref, il s’agit là d’une sorte de loi socio-économique qu’il ne vous faudra dé­sor­mais plus perdre de vue. Il vous sera ainsi plus fa­cile de com­prendre les pro­blèmes de la li­bé­ra­tion uni­ver­selle de la femme et de ses rap­ports avec le tra­vail. D’aucuns croient que la femme, en ces temps re­culés où l’humanité plon­geait en­core dans la bar­barie, était dans une si­tua­tion en­core pire que celle d’aujourd’hui, qu’elle me­nait qua­si­ment une vie d’esclave. Ce qui est faux.

Il se­rait er­roné de croire que la li­bé­ra­tion de la femme dé­pen­drait du dé­ve­lop­pe­ment de la culture et de la science, que la li­berté des femmes se­rait fonc­tion de la ci­vi­li­sa­tion d’un peuple. Seuls des re­pré­sen­tants de la science bour­geoise peuvent af­firmer de telles choses. Ce­pen­dant, nous sa­vons que ce ne sont ni la culture ni la science qui peuvent af­fran­chir les femmes, mais un sys­tème éco­no­mique où la femme peut réa­liser un tra­vail utile et pro­ductif pour la société.

Le com­mu­nisme est un sys­tème éco­no­mique de ce type. La si­tua­tion de la femme est tou­jours une consé­quence du type de tra­vail qu’elle fournit à un mo­ment précis de l’évolution d’un sys­tème éco­no­mique par­ti­cu­lier. A l’époque du com­mu­nisme pri­mitif — il en a été ques­tion dans les confé­rences pré­cé­dentes trai­tant de l’évolution so­ciale et éco­no­mique de la so­ciété -, à une pé­riode donc si re­culée qu’il nous est dif­fi­cile de l’imaginer, où la pro­priété privée était in­connue et où les hommes er­raient par pe­tits groupes, il n’y avait au­cune dif­fé­rence entre la si­tua­tion de l’homme et celle de la femme. Les hommes se nour­ris­saient des pro­duits de la chasse et de la cueillette. Au cours de cette pé­riode de dé­ve­lop­pe­ment des hommes pri­mi­tifs, il y a de cela plu­sieurs di­zaines, que dis-je, plu­sieurs cen­taines de mil­liers d’années, les de­voirs et les tâches de l’homme et de la femme étaient sen­si­ble­ment les mêmes.

Les re­cherches des an­thro­po­logues ont prouvé qu’à l’aube du dé­ve­lop­pe­ment de l’humanité, c’est-à-dire au stade de la chasse et de la cueillette, il n’y avait pas de grandes dif­fé­rences entre les qua­lités cor­po­relles de l’homme et de la femme, qu’ils pos­sé­daient une force et une sou­plesse à peu près équi­va­lentes, ce qui est tout de même un fait in­té­res­sant et im­por­tant à noter. De nom­breux traits ca­rac­té­ris­tiques des femmes, tels que grosse poi­trine, taille fine, formes ar­ron­dies du corps et faible mus­cu­la­ture, ne se dé­ve­lop­pèrent que bien plus tard, à partir du mo­ment où la femme dut rem­plir son rôle de « pon­deuse » et as­surer, gé­né­ra­tion après gé­né­ra­tion, la re­pro­duc­tion sexuée. Parmi les peuples pri­mi­tifs ac­tuels, la femme ne se dis­tingue pas de l’homme de façon no­table, ses seins res­tant peu dé­ve­loppés, son bassin étroit et ses muscles so­lides et bien formés. Il en al­lait de même à l’époque du com­mu­nisme pri­mitif, lorsque la femme res­sem­blait phy­si­que­ment à l’homme et jouis­sait d’une force et d’une en­du­rance pra­ti­que­ment égales.

La nais­sance des en­fants n’entraînait qu’une brève in­ter­rup­tion de ses oc­cu­pa­tions ha­bi­tuelles, c’est-à-dire la chasse et la cueillette des fruits avec les autres membres de cette pre­mière col­lec­ti­vité que fut la tribu. La femme était obligée de re­pousser les at­taques de l’ennemi le plus re­douté à cette époque, l’animal car­nas­sier, au même titre que les autres membres de la tribu, frères et soeurs, en­fants et pa­rents. Il n’existait pas de dé­pen­dance de la femme par rap­port à l’homme, ni même de droits dis­tincts. Les condi­tions pour cela fai­saient dé­faut, car, en ce temps-là, la loi, le droit et le par­tage de la pro­priété étaient en­core choses in­con­nues. La femme ne dé­pen­dait pas uni­la­té­ra­le­ment de l’homme, car lui-même avait en­tiè­re­ment be­soin de la col­lec­ti­vité, c’est-à-dire de la tribu.

En effet, la tribu pre­nait toutes les dé­ci­sions. Qui­conque re­fu­sait de se plier à la vo­lonté de la col­lec­ti­vité pé­ris­sait, mou­rait de faim ou était dé­voré par les ani­maux. Ce n’est que par une étroite so­li­da­rité au sein de la col­lec­ti­vité que l’homme était en me­sure de se pro­téger de l’ennemi le plus puis­sant et le plus ter­rible de cette époque. Plus une tribu était so­li­de­ment soudée et plus les in­di­vidus se sou­met­taient à sa vo­lonté. Ils pou­vaient op­poser un front plus uni à l’ennemi commun, ainsi l’issue du combat était plus sûre et la tribu s’en trou­vait ren­forcée. L’égalité et la so­li­da­rité na­tu­relles, si elles as­su­raient la co­hé­sion de la tribu, étaient les meilleures armes d’autodéfense. C’est pour cette raison que, lors de la toute pre­mière pé­riode du dé­ve­lop­pe­ment éco­no­mique de l’humanité, il était im­pos­sible qu’un membre de la tribu soit su­bor­donné à un autre ou dé­pen­dant uni­la­té­ra­le­ment de celui-ci.

Alexandra Kollontaï

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