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Quand Paul Fabra prétend que la cause de la crise actuelle du capitalisme est... l’erreur de Karl Marx

18 avril 2014, 16:18, par Robert Paris

La chose est pourtant claire : ce que produit un ouvrier et ce qu’il coûte sont des choses tout aussi différentes que ce que produit une machine et ce qu’elle coûte. La valeur qu’un ouvrier crée en une journée de travail de douze heures n’a absolument rien de commun avec la valeur des moyens de subsistance qu’il consomme dans cette journée de travail et le repos qui la complète. Dans ces moyens de subsistance peut être incorporée une durée de travail de trois, quatre ou sept heures selon le degré d’évolution du rendement du travail. Si nous admettons que sept heures de travail ont été nécessaires à leur production, la théorie de la valeur propre à l’économie vulgaire et admise par M. Dühring dit que le produit de douze heures de travail a la valeur du produit de sept heures de travail, que douze heures de travail sont égales à sept heures de travail ou que 12 = 7. Parlons encore plus nettement : un ouvrier de la campagne, quelles que soient les conditions sociales, produit une somme de céréales, disons de vingt hectolitres de froment dans l’année. Il consomme pendant ce temps une somme de valeurs qui s’exprime dans une somme de quinze hectolitres de froment. Dès lors, les vingt hectolitres de froment ont la même valeur que les quinze, et cela sur le même marché et toutes choses égales d’ailleurs ; en d’autres termes, 20 = 15. Voilà ce qui s’appelle de l’économie politique !

Tout développement de la société humaine au-dessus du niveau de la sauvagerie animale commence à partir du jour où le travail de la famille a créé plus de produits qu’il n’était nécessaire pour sa subsistance, à partir du jour où une partie du travail a pu être consacrée à la production non plus de simples moyens de subsistance, mais de moyens de production. Un excédent du produit du travail par rapport aux frais d’entretien du travail, la formation et l’accroissement à l’aide de cet excédent d’un fonds social de production et de réserve, telles ont été et restent les bases de toute avance sociale, politique et intellectuelle. Jusqu’ici, dans l’histoire, ce fonds a été la propriété d’une classe privilégiée, à laquelle revenaient aussi, avec cette possession, la domination politique et la direction intellectuelle. Seul, le prochain bouleversement social fera de ce fonds social de production et de réserve, c’est-à-dire de la masse totale des matières premières, des instruments de production et des vivres, un fonds social réel en en retirant la disposition à cette classe privilégiée et en le transférant comme bien commun à l’ensemble de la société.

De deux choses l’une. Première possibilité : la valeur des marchandises se détermine par les frais d’entretien du travail nécessaire à leur production, c’est-à-dire, dans la société actuelle, par le salaire. En ce cas, chaque ouvrier reçoit dans son salaire la valeur du produit de son travail, et alors une exploitation de la classe des salariés par la classe des capitalistes est une impossibilité. Admettons que les frais d’entretien d’un ouvrier soient, dans une société donnée, exprimés par la somme de trois marks. En ce cas, le produit journalier de l’ouvrier a, selon la théorie de l’économie vulgaire citée plus haut, la valeur de trois marks. Admettons maintenant que le capitaliste qui occupe cet ouvrier perçoive sur ce produit un profit, un tribut d’un mark, et le vende quatre marks. Les autres capitalistes en font autant. Dès lors, l’ouvrier ne peut plus faire face à son entretien quotidien avec trois marks, il a également besoin de quatre marks pour cela. Comme toutes choses sont supposées égales d’ailleurs, le salaire exprimé en moyens de subsistance doit forcément rester le même ; le salaire exprimé en argent doit donc s’élever, et cela de trois à quatre marks par jour. Ce que les capitalistes soutirent à la classe ouvrière sous forme de profit, ils sont obligés de le lui rendre sous forme de salaire. Nous en sommes exactement au même point qu’au début : si le salaire détermine la valeur, aucune exploitation du travailleur par le capitaliste n’est possible. Mais la constitution d’un excédent de produits est également impossible, car d’après notre hypothèse, les ouvriers consomment exactement autant de valeur qu’ils en créent. Et comme les capitalistes ne produisent pas de valeur, on ne voit même pas de quoi ils doivent vivre. Et s’il existe tout de même aujourd’hui un tel excédent de la production sur la consommation, un tel fonds de production et de réserve, et cela entre les mains des capitalistes, reste cette seule et unique explication que les ouvriers ne consomment pour leur entretien que la valeur des marchandises, mais ont abandonné les marchandises elles-mêmes, pour plus ample utilisation, aux capitalistes.

Deuxième possibilité : si ce fonds de production et de réserve existe effectivement entre les mains de la classe capitaliste, s’il est effectivement né de l’accumulation du profit (laissons provisoirement de côté la rente foncière), il se compose nécessairement de l’excédent accumulé du produit du travail fourni par la classe ouvrière à la classe capitaliste sur la somme des salaires payée par la classe capitaliste à la classe ouvrière. En ce cas, la valeur ne se détermine pas par le salaire, mais par la quantité de travail ; en ce cas, la classe ouvrière fournit à la classe capitaliste dans le produit du travail une plus grande quantité de valeur qu’elle n’en reçoit par le salaire que celle-ci lui paie, et, en ce cas, le profit du capital, comme toutes les autres formes d’appropriation du produit non payé du travail d’autrui, s’explique comme un simple élément de cette plus-value découverte par Marx.

Soit dit en passant : la grande découverte par laquelle Ricardo commence son œuvre principale, est

“ que la valeur d’une marchandise... dépend de la quantité de travail nécessaire à sa fabrication, mais non de la rémunération plus ou moins élevée payée pour ce travail ”.

Friedrich Engels dans "L’Anti-Dühring"

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