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2014, année de l’amiante en France : dix tués par jour sans condamnation, est-ce un crime d’Etat ?

20 avril 2019, 09:18

Le préjudice d’anxiété pour cause d’amiante dans l’entreprise est désormais reconnu, y compris dans les entreprises ne travaillant pas dans l’amiante. Le 5 avril 2019, la Cour de cassation a procédé à un revirement de jurisprudence très attendu : jusqu’à présent réservé aux salariés entrant dans le champ des dispositions relatives à la préretraite amiante, le préjudice d’anxiété peut désormais être invoqué par tout salarié justifiant d’une exposition générant un risque élevé de développer une pathologie grave, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans un établissement classé Acaata. Cette action s’exercera sur le fondement du droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur.

Comme l’explique la Cour de cassation dans le corps même de l’arrêt, lequel bénéficie d’une motivation dite enrichie, « il apparaît, à travers le développement de ce contentieux, que de nombreux salariés, qui ne remplissent pas les conditions prévues par l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ou dont l’employeur n’est pas inscrit sur la liste fixée par arrêté ministériel, ont pu être exposés à l’inhalation de poussières d’amiante dans des conditions de nature à compromettre gravement leur santé ». Dans ces circonstances, poursuit l’arrêt, « il y a lieu d’admettre, en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, que le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifié ».

L’assemblée plénière met ainsi fin à l’interdiction, pour les salariés exposés à l’amiante, de demander la réparation de leur préjudice d’anxiété au seul motif qu’ils ne sont pas éligibles à l’Acaata. Il ne s’agit plus d’une condition sine qua non du droit à réparation. Cette voie leur est désormais ouverte sur le terrain de l’obligation de sécurité, à condition qu’ils aient été exposés de façon importante aux poussières d’amiante. Cette exposition doit en effet générer, selon l’arrêt, « un risque élevé de développer une pathologie grave ».

Il appartiendra en premier lieu au salarié de « justifier » d’une exposition significative à l’amiante. Il y a là une différence majeure avec le régime applicable aux salariés éligibles à l’Acaata, pour lesquels la jurisprudence habituelle considère que dès lors que l’entreprise est classée, il existe une présomption irréfragable d’exposition au risque et d’existence d’une anxiété.

Pour accorder une indemnisation, le juge lui-même devra caractériser le préjudice d’anxiété « personnellement subi par le salarié, résultant du risque élevé de développer une pathologie grave ». L’existence d’un préjudice automatique ou nécessairement constitué est donc écartée et l’indemnisation accordée au cas par cas par les juges du fond.

De son côté, l’employeur pourra tenter de s’exonérer de sa responsabilité, en démontrant avoir pris toutes les mesures de prévention et de sécurité nécessaires, telles que prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail. L’assemblée plénière reprend en effet, dans leur dernier état, les termes de la jurisprudence de la chambre sociale en matière d’obligation de sécurité de l’employeur, issus de l’arrêt Air France (v. Cass. soc., 25 novembre 2015, nº 14-24.444).

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