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2014, année de l’amiante en France : dix tués par jour sans condamnation, est-ce un crime d’Etat ?

10 juin 2015, 00:29

Le risque amiante refait surface à la Snecma

Les salariés de l’usine Snecma de Corbeil-Évry montrant des photos sur la présence de matériaux amiantés en état de dégradation, sous la toiture de l’atelier.

Les élus CGT du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l’usine Snecma de Corbeil-Évry ont lancé un droit d’alerte après avoir découvert l’état de dégradation de plaques en amiante.

La page du scandale de l’amiante, matériau hautement cancérogène, est loin d’être tournée. À l’usine Snecma de Corbeil-Évry dans l’Essonne (groupe Safran), qui emploie 3 200 salariés à la fabrication de moteurs d’avion, les élus CGT de comités d’hygiène, de 
sécurité et des conditions de travail (CHSCT) viennent d’exercer leur droit d’alerte sur la présence de matériaux amiantés en état de dégradation, sous la toiture de l’atelier de 88 000 m2, où s’affairent chaque jour entre 1 000 et 1 500 personnes. Ils réclament la mise en œuvre de travaux pour garantir la sécurité des personnels.

La problématique de l’amiante n’est pas nouvelle sur ce site construit en 1966, en plein boom du «  matériau miracle  », utilisé comme 
isolant thermique surtout. «  Il y en avait dans les joints, les sols, dans les flocages pour isoler les tuyaux, dans les machines-outils, les freins, les fours  », énumère Didier Thomas, 
secrétaire d’un des cinq CHSCT de l’usine. Après l’interdiction de l’amiante en 1997, un repérage a été effectué, conduisant au retrait ou à la substitution des matériaux amiantés, jusqu’à récemment encore. Mais sous le plafond du «  bâtiment-usine  », restent quelque 12 000 m2 de plaques Pical, des panneaux pare-feu composés de 20 % d’amiante, installés en 1975 pour canaliser les fumées en cas d’incendie. «  Elles sont au-dessus de nos têtes depuis quarante ans, on l’a toujours su, explique Gilles Chabrerie, élu CGT au CHSCT. Mais la direction nous a toujours dit qu’elles étaient en bon état, qu’elles avaient été recouvertes de résine, et qu’il n’y avait aucun problème.  »
Le doute commence dès 2011

En 2011, le doute commence à pointer lorsque les élus demandent à la direction de prouver que cette pose de résine, pour empêcher la dispersion des fibres, a bien été effectuée. Le compte rendu du CHSCT mentionne la réponse de la direction : «  Il n’y a pas de preuves écrites, les zones traitées sont identifiées par un repère à la peinture.  » La question reste en suspens jusqu’à ce qu’en décembre dernier, un élu trouve le moyen d’accéder aux plaques, à huit mètres de hauteur, pour les voir de près. Il découvre alors qu’elles ont été trouées en de nombreux endroits pour faire passer des tuyaux. Les photographies, que l’Humanité a pu consulter, montrent que la tranche de ces découpes se désagrège et que des débris des travaux sont restés sur la charpente métallique. Il n’y a pas de résine ni de repérage à la peinture. Dans la foulée, trois CHSCT lancent l’alerte pour danger grave et imminent. Une réunion exceptionnelle du comité est organisée le 17 décembre.

Ce jour-là, la direction présente aux élus le dossier technique amiante (DTA), document obligatoire de recensement des matériaux amiantés établis par la société Apave, qui conclut que les plaques Pical sont «  en bon état  ». Mais le document date de 2006 et n’est qu’une photocopie en noir et blanc, alors que la légende indiquant l’état des plaques se réfère à des couleurs… «  C’est illisible ! La direction dit qu’elle n’a pas retrouvé l’original en couleurs, dénonce Gilles Chabrerie. Et elle aurait dû mettre à jour ce document tous les trois ans.  » De son côté, la direction estime ne pas être tenue de mettre à jour le DTA, puisqu’elle a mis en place «  une action plus poussée de surveillance  » : un mesurage du niveau d’empoussièrement de l’air en seize points de l’atelier, sur vingt-quatre heures, une fois par an. «  Les résultats de ces analyses montrent une excellente qualité de l’air (aucune fibre d’amiante relevée)  », explique la Snecma. Mais ces mesures ponctuelles passent à côté des pics de pollution, qui peuvent survenir en cas de travaux de perçage des plaques. Or, Jérôme Guinois, élu CGT au CHSCT, affirme avoir vu des sociétés extérieures intervenir pour faire passer des câbles informatiques à travers les plaques, sans confinement ni évacuation des personnels travaillant dessous : «  On vit avec ça au-dessus de nos têtes depuis des années !  »

«  Cette présence d’amiante est ancienne, connue et maîtrisée, il n’y a aucun risque pour les salariés  », affirme la Snecma. Il n’empêche, l’alerte a contraint le groupe à s’activer. Cet après-midi, une réunion est prévue entre la direction, les secrétaires de CHSCT et un ingénieur de la Cramif (Caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France) spécialiste de l’amiante, pour entamer une enquête. «  Pour nous, les plaques doivent être retirées ou confinées, c’est la Cramif qui donnera ses préconisations, du moment que le risque est supprimé  », indique Didier Thomas, de la CGT.

Traçabilité des expositions ? Sur incitation de la CGT, environ 
soixante-dix salariés de l’usine ont demandé au médecin du travail du site d’inscrire dans leur dossier médical 
le fait qu’ils travaillent en présence d’amiante. Cela pour laisser une trace et faciliter une reconnaissance en maladie professionnelle, le cas échéant. 
La direction refuse, arguant que ce serait «  redondant  » avec la mention du risque amiante dans le document unique d’évaluation des risques (Duer) 
de l’établissement. «  Mais le Duer ne mentionne l’amiante que depuis 2014  », affirme la CGT, comme si l’amiante 
était apparu cette année-là.

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