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2014, année de l’amiante en France : dix tués par jour sans condamnation, est-ce un crime d’Etat ?

16 mars 2014, 19:30

On est encore loin d’être sûrs que la justice va pencher finalement pour les victimes de l’amiante et des patrons

Une cinquantaine de personnes s’étaient déplacées, vendredi matin, au tribunal de Valenciennes, pour soutenir des anciens collègues, des proches, devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale (TASS). Depuis l’éclatement, à Thiant, du scandale de l’amiante en 1995, cent cinquante-sept personnes sont décédées. Regroupés au sein du Comité amiante prévenir et réparer (CAPER), les victimes et leurs proches n’en finissent pas de batailler, depuis, pour obtenir quelque indemnisation.

Ils pensaient venir avec des pancartes et faire entendre leur voix. Ils ont finalement joué la discrétion. Dignement. Leur nombre et la file des victimes qui couraient jusque dans le couloir du tribunal parlaient pour eux. Ils ont fait profil bas, mais la tête haute, suite à un courrier de l’avocat de la partie adverse, leur éternel adversaire, leur ex-employeur à Thiant, l’ancien leader mondial de l’amiante, la société Eternit. Me Florent Loyseau de Grandmaison s’était, en effet, plaint auprès du président du TASS, d’une « manifestation illicite » car non déclarée en sous-préfecture, et propre à « porter atteinte à la sérénité des débats ». « C’est la première fois que je vois un confrère agir de la sorte », s’emportait Me Sylvie Topaloff, qui défend les intérêts du CAPER.

L’avocate des victimes de l’amiante s’est émue davantage encore des arguments de l’avocat parisien, qui était venu réfuter, sur les douze dossiers portés à l’audience, la « faute inexcusable » qu’avait prononcée la cour d’appel de Douai en juin 1999, à l’encontre d’Eternit, une décision confirmée pourtant par la cour de cassation. Me Loyseau de Grandmaison a rouvert le dossier et « se basant sur des documents de l’époque », va jusqu’à attester que « le processus (de fabrication des plaques d’amiante) était conforme à l’hygiène et à la sécurité » ! « Les connaissances sur l’amiante sont arrivées progressivement », plaide-t-il encore. « N’y a-t-il pas eu ignorance des dangers réels », avance-t-il pour tenter de dédouaner la société Eternit.

Avec véhémence, Me Topaloff s’est déchaînée contre son confrère, fustigeant un « péché de jeunesse ». « Je suis bouleversée de voir qu’après dix-huit ans et 761 condamnations pour faute inexcusable à l’encontre d’Eternit, qu’après 157 personnes décédées, on vienne oser dire tout cela. ». S’adressant à l’avocat parisien : « Allez donc au cimetière de Thiant, pour voir à quel âge, les hommes sont morts (...) J’aurais aimé de la part de la société Eternit, plus d’élégance, de discrétion, qu’elle prenne enfin acte de la catastrophe sanitaire qu’elle a causée dans cette région » (...) « Comment le leader mondial de l’amiante ne pouvait pas être au courant ? Mais vous voulez rire ? » Pour l’avocate du CAPER, Me Loyseau de Grandmaison n’apportait « aucun élément nouveau (...) Tout a déjà été débattu ».

Sauf que dénonçant des défauts dans les procédures (qui n’auraient pas été menées de façon contradictoire), l’avocat parisien attaque aujourd’hui la CPAM au TASS. Si Eternit n’a pas coupé, après un long combat, à la sanction pénale, elle réussit, pour l’heure largement, doit-on constater, à échapper à la sanction financière, et ce depuis toutes ces années. Le temps passe, et les victimes attendent... pour toucher quelque 10 000, 20 000 € indemnisations, tout au plus. Parmi les dossiers examinés ce vendredi, des noms : Jean-Michel Despres (le président du CAPER, malade depuis 2011), Max Dupont (décédé le 5 avril 2011), Georges Libre (décédé lui aussi)... Eux et leurs proches attendront encore, le 14 mai, pour le délibéré. Pour les huit autres dossiers renvoyés, il faut patienter encore plus longtemps, jusqu’au 13 juin, pour espérer une hypothétique réparation de leur préjudice.

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