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Il y a cent ans, la première guerre mondiale (1914-1918) démarrait. Oui, mais pour quelle raison ?

7 février 2015, 09:18, par R.P.

En 1912, les IWW se tournèrent vers l’Est et entreprirent la conquête des travailleurs du textile. Les 25.000 travailleurs inorganisés de l’American Woolen Company (lainages), à Lawrence (Massachussets), cessèrent le travail pour protester contre des salaires de famine. Ils étaient, pour la plupart, des immigrants de fraîche date, appartenant à vingt-huit nationalités différentes. Les Italiens prédominaient. Un des dirigeants des IWW, Joseph Ettor, prit la direction de la grève. Il la mena de main de maître.

La petite ville fut mise en état de siège et Ettor arrêté. Haywood vint le remplacer. Un cortège de 10 à 15 mille grévistes lui fit un accueil triomphal. Il procéda à des innovations hardies. Secondé par une militante de valeur, Elisabeth Gurley Flynn, il organisa la solidarité à l’européenne, dirigeant les enfants des grévistes vers les foyers d’amis et de sympathisants dans d’autres villes. Il fit participer les femmes à la lutte et elles se battirent comme des lions. Il installa autour des usines des piquets intinterrompus, composés de milliers de travailleurs. Il sut attirer l’attention de l’opinion publique en faveur des grévistes. Il s’assura des concours dans la presse. Un comité d’enquête fut constitué à Washington et une délégation de seize enfants, garçons et filles, âgés de moins de seize ans, se rendit dans la capitale fédérale pour décrirer les terribles conditions d’existence à Lawrence. Un de ces enfants traita de menteur Samuel Gompers, venu témoigner contre la grève.

Les employeurs finirent par céder. A l’annonce de leur victoire, les travailleurs (fait très rare aux Etats-Unis) chantèrent l’Internationale, en toutes langues. L’effet de cet événement fut immense et dépassa le cadre de Lawrence. 25.000 ouvriers obtinrent, par contrecoup, une augmentation de salaire.

Une autre grève éclata, au début de 1913, dans l’industrie de la soie, à Paterson (New-Jersey). Elle s’élargit en une grève générale de solidarité. Haywood prit la tête du mouvement. Un cortège de 35.000 travailleurs de toutes nationalités se rendit à un meeting pour l’entendre. Il fut arrêté ; lorsque l’AFL organisa à son tour un meeting, les travailleurs le désertèrent, pour protester contre le refus d’accorder la parole aux leaders de l’IWW.

Haywood, qui avait le génie de la publicité, amena 1200 grévistes à New York, où ils défilèrent dans les rues. Un grand meeting fut tenu à Madison Square Garden, éclairé par un gigantesque transparent lumineux, portant, en rouge, les trois lettres « IWW ». Les grévistes exposèrent eux-mêmes leurs conditions d’existence à Paterson, chantèrent des chants qu’ils avaient composés et jouèrent un spectacle retraçant les péripéties de leur lutte. La presse fit de longs compte-rendus. Haywood, toujours innovant, organisa des meetings d’enfants de grévistes, leur fit constituer un comité de grève, développa leur conscience de classe en leur racontant la fascinante histoire d’une cité d’enfants, sans adultes, sans police, sans prisons, sans banques et sans patrons. Malgré tous ces efforts, la bataille se termina par un échec.

Le soulèvement du textile frappa fortement l’imagination des travailleurs des industries de production de masse, dont l’organisation avait été totalement négligée par l’AFL. En 1913, à Akron (Ohio), la cité du caoutchouc, les travailleurs inorganisés des grandes usines de pneus se soulevèrent spontanément. Les IWW prirent la direction du mouvement. Bientôt 20.000 ouvriers du caoutchouc furent en grève. L’infatiguable Haywood accourut. Aidé de James P. Cannon, le future leader trotskyste, il organisa, comme à Lawrence, des piquets de masses. Ici, l’union des syndicats AFL soutint le mouvement et envisagea de déclencher une grève générale. Mais le mouvement, finalement, échoua. Une des causes de cette défaite fut l’attitude hostile de William Green, de la fédération des Mineurs, futur successeur de Gompers, à la direction de l’AFL. Alors sénateur de l’Ohio et président d’une commission d’enquête législative, il dénonça les leaders IWW, les traitant d’ « agitateurs du dehors ».

De même, à Detroit (Michigan), autre forteresse de la nouvelle grande industrie, les wobblies déclenchèrent une grève, au cours de l’été 1913, dans l’usine Studebaker. 8000 travailleurs, tous inorganisés, débrayèrent durant une semaine. Ils firent preuve d’une remarquable cohésion, mais le mouvement manqua son but. Presque en même temps, les organisateurs IWW concentrèrent leurs efforts sur les usines Ford, qu’ils inondèrent de journaux et de tracts, tandis que des orateurs haranguaient les travailleurs aux portes de l’entreprise. Le bruit courut que les wobblies préparaient une grève chez Ford pour l’été 1914. C’est alors que Ford, se sentant menacé, inaugura sa politique des « hauts salaires ».

Trois ans plus tard, en 1916, les mineurs des gisements de fer de Minnesota, le Mesaba Iron Range, qui extrayaient la matière première nécessaire aux acieries de Pittsburgh et de Chicago, se révoltèrent à leur tour. Ces immigrants de fraîche date, pour la plupart d’origine finlandaise, se cherchèrent une direction. Les IWW répondirent à leur appel. Joseph Ettor et Elisabeth Gurley Flynn se rendirent sur place. La grève devint générale et engloba 16.000 mineurs. Finalement l’US Steel accorda une augmentation de salaire de 10%, la journée de huit heures et de meilleures conditions de travail.

Cependant, après 1914, les IWW dirigèrent à nouveau l’essentiel de leurs efforts vers l’Ouest. Malgré les succès qu’ils avaient remporté dans l’Est, ils n’avaient pas réussi à y constituer une organisation permanente et la crise économique qui sévissait alors réduisit la combativité des ouvriers non qualifiés des régions industrielles de la côte Atlantique. En 1915-1916, ils entreprirent d’organiser les travailleurs agricoles, notamment en Kansas, Okhlahoma, Minnesota. Ils réussirent à syndiquer 18.000 ouvriers migrateurs. Puis ils se tournèrent vers les bûcherons du Nord-Ouest et les mineurs de cuivre de l’Arizona.

En 1917, les IWW atteignirent leur apogée, au moins quant au nombre des adhérents. En un an, ils étaient passés de 40.000 à 100.000. Mais l’entrée en guerre des Etats-Unis déchaîna contre eux une féroce répression. Toutes les forces conjointes du capitalisme, des pouvoirs poublics, des anciens combattants employés à les écraser. Samuel Gompers, heureux d’être enfin débarrassé d’un rival gênant, donna carte blanche au président Wilson. Des milliers de wobblies furent arrêtés, condamnés à de longues années de prison. Le mouvement fut purement et simplement décapité. Il ne s’en releva jamais.

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