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Il y a cent ans, la première guerre mondiale (1914-1918) démarrait. Oui, mais pour quelle raison ?

11 décembre 2014, 08:04

Dès leur arrivée dans le quartier de la Praile, au nord de Tamines, les soldats allemands incendient plusieurs maisons puis, au fur et à mesure de leur progression, allument d’autres foyers ici et là.

Durant la nuit du vendredi 21 août au samedi 22 août, a lieu la fusillade au café tenu par Monsieur Hennion, situé sur la place Saint Martin. En effet, les soldats ont investi le café vers 17 heures, y réquisitionnant tous les combustibles possibles pour incendier les maisons voisines. Tandis que Monsieur Hennion accompagné de soldats se rend vers 21 heures au domicile du bourgmestre en fuite, d’autres soldats retiennent 20 personnes en otages : cinq femmes, cinq enfants et dix hommes. Alors que le combat n’a pas encore repris, les soldats ordonnent aux dix hommes de sortir du bâtiment et en abattent neuf qui viennent à peine de franchir le seuil de la porte ; ils incendient ensuite le café. Quant à Monsieur Hennion, nul ne connaît précisément les circonstances de sa mort : son corps est retrouvé sans vie dans le cimetière, les poignets liés.

Par ailleurs, 12 personnes réfugiées dans la cave du magasin « Bazar Mombeek », rue de la Station, y sont retenues prisonnières par des soldats alors que l’immeuble brûle. Cinq d’entre elles sont asphyxiées, les autres sont sauvées grâce à l’intervention d’un soldat allemand. D’autres scènes du même genre se déroulent dans le centre de Tamines. Les soldats arrêtent systématiquement les habitants qui leur tombent sous la main et les concentrent en divers endroits.

Les habitants du quartier du Cailloux, à l’Ouest de Tamines, sont parmi les plus chanceux. Un groupe d’environ cinq cents civils, arrêtés dans ce quartier, est escorté par des soldats et conduit en dehors de Tamines. Un témoin rapportera :

« Comme les 500 personnes qui fermaient le groupe, nous partions nous ne savions où, guidés par des soldats qui faisaient le coup de feu sur les personnes qui voulaient s’écarter de la route désignée. Et cependant ils nous conduisaient « hors de danger ».(…) Ce fut seulement à Baulet que les soldats nous abandonnèrent pour se joindre à des troupes en marche. »

Tandis que la bataille continue de l’autre côté du pont de la Sambre entre les troupes françaises et allemandes, la plupart des Taminois se terrent dans les caves ou tout ce qui peut servir de refuge pour échapper aux obus. La matinée, les soldats arrêtent systématiquement tous les habitants pour constituer deux groupes de prisonniers composés chacun d’hommes, de femmes et d’enfants. Une partie des habitants, formant le premier groupe, arrêtés par les soldats, est conduite, après avoir été dévalisée, dans un champ de betteraves situé en bordure de Tamines vers Velaine. Ce groupe de civil est placé au centre des troupes et se voit contraint de se coucher dans le champ, à une centaine de mètres de leurs canons.

Des soldats imitent un peloton d’exécution et font semblant de les fusiller. Les deux prêtres présents dans le groupe, l’abbé Donnet et l’abbé Hottlet récitent à haute voix l’acte de contrition. Ils restent au même endroit pendant environ une demi-heure, puis sont emmenés un peu plus loin. Le groupe grossit sans cesse à cause des nouveaux prisonniers.

Aux alentours de 17 heures, sur ordre des Allemands, ces centaines de civils pour la plupart traumatisés, descendent, escortés de soldats, vers l’église Notre-Dame des Alloux. Il y a du monde sur tous les autels, plein les confessionnaux, les gens se demandent s’ils seront fusillés ou s’ils seront brûlés dans l’église.

Pendant ce temps-là, les Allemands constituent à un autre endroit un second groupe de prisonniers, gardés à l’école des Frères abritant un local de la Croix-Rouge. Un témoin s’y rend vers 10 heures en compagnie de son frère et y trouve hommes, femmes, enfants et vieillards, soit environ cent cinquante personnes. Remarquons qu’à ce moment précis, les soldats ne les retiennent pas encore, l’école n’ayant pas encore été investie par la troupe. Au cours de la journée, la masse de personnes ne cessera d’augmenter. Parmi tous ces gens, apparaît le nouveau bourgmestre de Tamines, Émile Duculot, ainsi que l’abbé Smal et le curé de Brye, cachés jusqu’alors dans le presbytère.

Vers 16 heures, les premiers soldats investissent les bâtiments scolaires où se sont réfugiés tous ces habitants. Ces soldats, sous les ordres d’un médecin, accompagnent l’ambulance allemande qui s’y installe avec les blessés du combat. À peine arrivés, les Allemands ordonnent la séparation des hommes et des femmes, enfants et vieillards. Ces derniers sont enfermés dans les caves de l’établissement. Les hommes cantonnés dans le réfectoire vont également passer la nuit à cet endroit.

Après avoir déplacé une partie des femmes et des enfants dans un bâtiment voisin, et avoir distribué un peu de nourriture, un chef allemand se présente à l’entrée de l’édifice. Il est environ 19 heures, cet officier interpelle l’abbé Hottlet, second prêtre de la paroisse, relativement âgé. L’officier s’énerve alors contre le vieil homme – qui ne comprend pas les injonctions qui lui sont adressées en allemand – et annonce, selon un autre témoin comprenant l’allemand, qu’ils vont être fusillés. Très peu de temps après, on donne le mot d’ordre : "tous les hommes doivent sortir !"

Ils sont, aux dires des divers témoins, plus ou moins 600 hommes poussés hors de l’église par les soldats allemands. Selon les témoins présents, la scène se passe peu après 19 heures. Afin de mieux plonger dans l’ambiance, il faut imaginer qu’à ce moment précis la moitié des maisons de Tamines sont en flammes et que des débris incandescents jonchent rues et trottoirs. Ces 600 sont donc debout, au milieu des incendies, dans l’ignorance totale de ce qui va leur arriver.

Les soldats donnent l’ordre aux hommes de se mettre en rangs par quatre et distribuent des coups aux retardataires. Le cortège, encadré de tous côtés par des soldats à pieds ou à cheval, commence à descendre la rue de Velaine en direction de la place Saint Martin. Avant d’arriver sur la place, des soldats voyant des jeunes garçons mêlés au cortège leur donnent l’ordre d’en sortir et de retourner à l’église. Les trois prêtres du groupe reçoivent de nombreux coups de crosse et sont injuriés par les soldats formant l’escorte ou par les artilleurs et les cavaliers cantonnés le long du chemin.

Les premiers hommes arrivent sur la place Saint-Martin occupée par les troupes allemandes. Ces hommes venant tous de l’église des Alloux reçoivent l’ordre d’aller se ranger au fond de la place, le long de la Sambre. Les soldats divisent le groupe en deux parties séparées l’une de l’autre par quelques mètres et somment les hommes de s’aligner correctement.

Il s’agit apparemment d’un très long peloton d’exécution avec cinq étages de fusils superposés. Le premier rang de soldats est fortement accroupi et les fusils rasent le sol. Soudain, un officier allemand quitte les rangs et s’avance vers les civils. Il les accuse d’avoir tiré sur les soldats et ajoute qu’en conséquence ils seront fusillés. Il somme certains Taminois de crier « Vive l’Allemagne ! » et « Vive l’empereur ! », ordre auquel certains hommes obtempèrent, poussés par le désespoir et la peur.

Vers 8 heures du soir un coup de sifflet retentit, signal de la première fusillade. Le peloton fait feu sur la masse compacte formée par les hommes. À peine le coup de sifflet est-il émis que tous se jettent par terre. La première fusillade semble en effet, n’avoir fait que très peu de victimes. Les Allemands crient alors aux hommes de se relever immédiatement. Personne ne bouge. Un groupe de soldats s’avance alors vers les hommes couchés à terre qui, effrayés, se relèvent rapidement.

À peine sont-ils debout qu’une seconde salve, plus violente que la première, retentit sur la place. Les soldats sont, aux dires de témoins, secondés par une mitrailleuse placée à l’entrée du pont, fauchant une des extrémités du groupe. À ce moment de la fusillade, de nombreuses personnes sont déjà mortellement blessées, d’autres tombées sur le sol sont recouvertes de cadavres. Les soldats tirent de manière irrégulière sur les hommes encore debout.

De longues minutes s’écoulent durant lesquelles certains, indemnes ou presque, sautent dans la Sambre, puis le peloton se disloque pour laisser place à un groupe de soldats, portant des brassards de la Croix-Rouge, venant de l’église. Accompagnés de soldats, ils se dirigent vers le tas de cadavres et de blessés, munis de leurs fusils avec baïonnette, de gourdins, de haches ou autres armes de fortune. Ils viennent achever les blessés disséminés sur tout le tas. De nombreux blessés, apercevant leur brassard appellent à l’aide. Parmi les premières victimes, le pharmacien Jules Delsauvenière grièvement blessé est d’abord traité de franc-tireur avant d’être blessé à mort.

De nombreuses personnes, indemnes ou blessées par la fusillade vont alors mourir dans d’atroces conditions. L’abbé Donnet témoigne :

« Il y eut dans l’opération, deux parties bien distinctes. Ils se mirent tout d’abord à tuer à tort et à travers, dans le tas. Ils longeaient le monceau, l’escaladaient, passaient sur les morts, sur les blessés, sur les mourants, et s’acharnaient sur tout ce qui paraissait âme vivante. Pour leur terrible besogne, les ambulanciers et les soldats se servaient de toutes sortes d’instruments, d’abord et surtout de la baïonnette : ils l’enfonçaient partout, dans le monceau de chair humaine ; certains ont été transpercés qui étaient en dessous de plusieurs cadavres… Ils frappaient aussi de la crosse des fusils ; certains avaient de grosses bûches de bois, des barres de fer : j’en ai revu et retrouvé le lendemain à côté du carnage, toutes couvertes de chair, de cervelle et de sang. Enfin, j’ai entendu aussi donner sur les blessés des coups de cravache… Nous arrivons ici, si je puis dire au clou de la cruauté. Les soldats opéraient à deux ; ils saisissaient les victimes une par une, examinaient si elles étaient en vie, puis les achevaient à coups violents et répétés de baïonnettes… Après, …, ils les jetaient dans la Sambre. »

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