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La matière est historique, comme la société

19 avril 2010, 16:26, par MOSHE

Les événements qui parcourent l’histoire de la matière ont un caractère historique et il convient de mesurer toute l’ampleur de cette remarque. Un interdit a longtemps pesé contre la proposition d’utiliser des concepts de l’histoire en sciences et vice versa. Isoler l’humanité et son histoire, la vie et son histoire ou la matière et son histoire est aussi appauvrissant que d’étudier une société en dehors de son histoire. Bien sûr, chacun mesure l’importance de la conscience pour l’homme. Personne ne minimise la singularité qu’elle représente. Il ne serait pas judicieux de prêter de la conscience à la nature, par exemple en parlant de « libre arbitre » de l’électron. Par contre, isoler l’homme de son univers, sous prétexte qu’il possède une conscience qui lui est propre, voir en lui LA singularité de l’Histoire, c’est examiner le monde au travers d’un prisme trompeur. D’autant que, pour l’homme comme pour toutes les autres transformations, on a affaire à de multiples singularités et non d’une seule. Il a fallu de multiples révolutions au sein de populations animales avant d’arriver aux multiples révolutions de l’histoire des populations humanoïdes et humaines dont est issue la conscience dans sa forme actuelle. Ces singularités ne justifient certainement pas d’établir une frontière infranchissable entre l’homme et la nature ou entre les sciences dites humaines et les autres. Malgré ces barrières artificielles souvent dressées malheureusement par des scientifiques eux-mêmes, les diverses sciences se sont déjà maintes fois influencées mutuellement. Les exemples d’interfécondité des concepts scientifiques pullulent. Linéarité, continuité, stabilité, structure, organisation, ordre sont des notions génériques utilisées aussi bien dans un domaine que dans l’autre. Toute l’histoire des sciences est à rapprocher d’un effort vers l’universalité des lois et vers la compréhension d’un monde unique comme le rappelle le physicien Max Planck dans « L’image du monde dans la physique moderne » [24]. Sans tomber dans l’identité vulgaire et le réductionnisme qui ramène tout à un seul niveau, on peut très bien retrouver l’unicité du monde. Dire que des phénomènes de nature très diverses, comme la balançoire et la lumière, sont périodiques, cycliques, oscillatoires, … ne choque plus personne et ne doit rien à une volonté de tout ramener à une loi unique. Aujourd’hui, de nombreuses notions historiques mériteraient de passer, elles aussi, la frontière : toutes celles qui se rapportent au mode dynamique et aux autres changements qualitatifs. Les sciences dites « naturelles » développent des concepts valables pour l’homme. N’oublions pas que l’homme n’est pas hors de la nature ! Cela concerne les notions liées aux révolutions sociales, comme la dualité de pouvoir ou la prise de pouvoir, les contradictions de la lutte des classes, la relation entre celle-ci et des structures comme l’Etat, le rôle de l’individu, des minorités, du parti, des institutions, etc… Bien entendu, il n’y a pas de parti des électrons, ni d’armée des particules, et les états de la matière n’obéissent pas à une classe dirigeante, mais il y a une émergence de structure, des transitions de phase, des résonances, des structures dissipatives, des phénomènes non-linéaires au sein de la société humaine, comme on en trouve en physique, en biologie et dans l’évolution de la vie.

Le développement inégal et combiné, tel qu’il est développé par Marx et Trotsky, est l’une de ces notions valides dans l’un et l’autre domaine des sciences comme l’ont relevé de multiples auteurs, notamment des révolutionnaires. Ainsi, Daniel Guérin écrit dans « La révolution française et nous » que « La Révolution française nous offre ainsi un saisissant exemple de la loi dite du développement combiné dont l’application a été faite à la Révolution russe de 1917 dans « L’Histoire de la Révolution russe » de Léon Trotsky. La société ne parvient pas tout entière, en bloc, au même stade de l’évolution. Le développement inégal des formes de la propriété, des moyens de production explique ce manque de synchronisme. A l’heure présente où les civilisations industrielles se heurtent en de gigantesques mêlées d’avions et de chars (écrit en 1944), certaines populations de l’Indonésie ou du centre de l’Afrique sont encore à l’étape franchie par nous il y a plusieurs milliers d’années. »

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