sur le mouvement des universités (janvier->juin 2009)
25 janvier 2010, 10:57, par moshe
La France pleure sur les 40.000 cadavres de l’île minuscule, et le monde entier s’empresse de sécher les larmes de la République. Mais comment était-ce quand, il y a quelques siècles, la France a versé le sang à torrents pour prendre les Petites et les Grandes Antilles ? En mer, au large des côtes de l’Afrique de l’Est existe l’île volcanique de Madagascar. Il y a 50 ans, nous vîmes comment la République aujourd’hui inconsolable et qui pleure la perte de ses enfants, a alors soumis les indigènes obstinés à son joug par les chaînes et l’épée. Nul volcan n’y a ouvert son cratère, ce sont les bouches des canons français qui ont semé la mort et de la désolation. Les tirs de l’artillerie française ont balayé des milliers de vies humaines de la surface de la terre jusqu’à ce que ce peuple libre se prosterne face contre terre et que la reine des « sauvages » soit traînée, comme trophée, dans la « Cité des Lumières ».
Et nous vous avons vus, vous aussi, oh République, en larmes ! C’était le 23 mai 1871, quand le soleil glorieux du printemps brillait sur Paris, des milliers d’êtres humains pâles dans des vêtements de travail étaient enchaînés ensemble dans les rues, dans les cours de prison, corps contre corps et tête contre tête ; les mitrailleuses faisaient crépiter par les meurtrières leurs museaux sanguinaires. Aucun volcan n’avait éclaté, aucun jet de lave n’avait été versé. Vos canons, République, ont tiré sur la foule compacte, poussant des cris de douleur - plus de 20.000 cadavres ont recouvert les trottoirs de Paris !
Et vous tous - Français et Anglais, Russes et Allemands, Italiens et Américains - nous vous avons vus tous ensemble pour une première fois dans une entente fraternelle, unie dans une grande ligue des nations, aidant et vous entraidant les uns les autres : c’était en Chine. Là, vous aviez oublié toutes les querelles entre vous, là aussi vous aviez fait la paix des peuples - pour le meurtre et l’incendie. Ah ! Combien d’individus sont tombés sous vos balles, comme un champ de blé mûr haché par la grêle ! Ah ! Combien de femmes jetées à l’eau, pleurant leurs morts dans leurs bras froids et fuyant les tortures mêlées à vos embrassades ardentes !
Et maintenant, ils se tournent tous vers la Martinique d’un même mouvement et le cœur sur la main, ces meurtriers bienveillants aident, sauvent, sèchent les larmes et maudissent les ravages du volcan. Mont Pelé, géant au grand cœur, tu peux en rire ; tu peux les mépriser, ces carnivores pleurants, ces bêtes en habits de Samaritains. Mais un jour viendra où un autre volcan fera entendre sa voix de tonnerre, un volcan qui grondera et bouillonnera et, que vous le vouliez ou non, balayera toute ce monde dégoulinant de sang de la surface de la terre. Et c’est seulement sur ses ruines que les nations se réuniront en une véritable humanité qui n’aura plus qu’un seul ennemi mortel : la nature aveugle."
La France pleure sur les 40.000 cadavres de l’île minuscule, et le monde entier s’empresse de sécher les larmes de la République. Mais comment était-ce quand, il y a quelques siècles, la France a versé le sang à torrents pour prendre les Petites et les Grandes Antilles ? En mer, au large des côtes de l’Afrique de l’Est existe l’île volcanique de Madagascar. Il y a 50 ans, nous vîmes comment la République aujourd’hui inconsolable et qui pleure la perte de ses enfants, a alors soumis les indigènes obstinés à son joug par les chaînes et l’épée. Nul volcan n’y a ouvert son cratère, ce sont les bouches des canons français qui ont semé la mort et de la désolation. Les tirs de l’artillerie française ont balayé des milliers de vies humaines de la surface de la terre jusqu’à ce que ce peuple libre se prosterne face contre terre et que la reine des « sauvages » soit traînée, comme trophée, dans la « Cité des Lumières ».
Et nous vous avons vus, vous aussi, oh République, en larmes ! C’était le 23 mai 1871, quand le soleil glorieux du printemps brillait sur Paris, des milliers d’êtres humains pâles dans des vêtements de travail étaient enchaînés ensemble dans les rues, dans les cours de prison, corps contre corps et tête contre tête ; les mitrailleuses faisaient crépiter par les meurtrières leurs museaux sanguinaires. Aucun volcan n’avait éclaté, aucun jet de lave n’avait été versé. Vos canons, République, ont tiré sur la foule compacte, poussant des cris de douleur - plus de 20.000 cadavres ont recouvert les trottoirs de Paris !
Et vous tous - Français et Anglais, Russes et Allemands, Italiens et Américains - nous vous avons vus tous ensemble pour une première fois dans une entente fraternelle, unie dans une grande ligue des nations, aidant et vous entraidant les uns les autres : c’était en Chine. Là, vous aviez oublié toutes les querelles entre vous, là aussi vous aviez fait la paix des peuples - pour le meurtre et l’incendie. Ah ! Combien d’individus sont tombés sous vos balles, comme un champ de blé mûr haché par la grêle ! Ah ! Combien de femmes jetées à l’eau, pleurant leurs morts dans leurs bras froids et fuyant les tortures mêlées à vos embrassades ardentes !
Et maintenant, ils se tournent tous vers la Martinique d’un même mouvement et le cœur sur la main, ces meurtriers bienveillants aident, sauvent, sèchent les larmes et maudissent les ravages du volcan. Mont Pelé, géant au grand cœur, tu peux en rire ; tu peux les mépriser, ces carnivores pleurants, ces bêtes en habits de Samaritains. Mais un jour viendra où un autre volcan fera entendre sa voix de tonnerre, un volcan qui grondera et bouillonnera et, que vous le vouliez ou non, balayera toute ce monde dégoulinant de sang de la surface de la terre. Et c’est seulement sur ses ruines que les nations se réuniront en une véritable humanité qui n’aura plus qu’un seul ennemi mortel : la nature aveugle."
Rosa Luxemburg dans "Martinique" (1902)