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Le sionisme, cet antisémitisme

18 août 2013, 04:39

Témoignage d’un agent polonais, Jan Nowak

Dans toutes ces rencontres j’avais parlé, de ma propre initiative, de l’extermination des Juifs et de la destruction du ghetto de Varsovie. Pareil génocide, l’assassinat de centaines de milliers de personnes comme du bétail à l’abattoir, n’avait pas de précédent, semblait-il, dans l’histoire. Tous m’avaient écouté avec intérêt, mais avec une incrédulité, aussi, qui ne m’avait pas échappé. Trente et quelques années plus tard, en feuilletant les notes et les rapports de mes interlocuteurs, je remarquais avec étonnement que la question des Juifs en avait été totalement écartée. Mon prédécesseur, l’émissaire Jan Karski, avait fait la même expérience lorsqu’il était arrivé à Londres un an plus tôt, porteur d’une somme considérable d’informations sur le sort des Juifs. Karski était allé très loin : avant de partir il avait risqué sa vie en se faisant passer pour policier estonien afin de pénétrer dans le camp de la mort de Belzec et d’y voir de ses propres yeux quel était réellement le sort des Juifs emprisonnés là-bas. Je savais par Jan Karski lui-même qu’il avait profité d’une audience chez Eden pour parler en détail de l’extermination systématique et progressive de la population juive. Le sous-secrétaire d’État avait estimé cet entretien suffisamment important pour communiquer à tous les membres du Cabinet de guerre le compte rendu qu’il en avait préparé. Je le retrouvai dans les Archives et constatai avec étonnement que rien de ce que Karski avait déclaré concernant la liquidation des Juifs n’y figurait. Pourquoi ?

Peu après mon arrivée à Londres, dès que les microfilms que j’avais apportés furent développés et envoyés aux personnes intéressées, je fus invité à rencontrer Ignacy Szwarcbart, militant sioniste qui siégeait au Conseil national polonais à Londres en tant que représentant de la minorité juive. J’étais le premier émissaire parvenu à l’Ouest depuis l’insurrection du ghetto de Varsovie. [...] Szwarcbart m’écouta avec une émotion telle que, par moments, sa tête tremblait. Lorsqu’il se couvrit les yeux de ses deux mains je me demandai s’il n’avait pas laissé de la famille en Pologne et si mon récit, monstrueux par l’éloquence des faits et des chiffres, n’était pas une torture infligée à cet homme. Mais comme s’il avait deviné mes pensées Szwarcbart insista pour que je lui dise tout ce que je savais. Il ne m’interrompit que lorsque je déclarai qu’au moment où j’avais quitté la Pologne, sur une population de trois millions de Juifs il n’en restait tout au plus que quelques centaines de milliers.

— Je vous en supplie, s’écria Szwarcbart, dans vos conversations avec les Anglais ne parlez pas de millions !

— Mais pourquoi ? demandai-je, surpris. Ces chiffres, je ne les ai tout de même pas inventés.

— Ils ne le croiront pas. Ils seront plus enclins à vous croire lorsque vous leur raconterez la tragédie de ces trois enfants juifs qui fuyaient le ghetto et qui ont été abattus par des civils allemands parce qu’ils n’avaient plus la force de courir. Cela, ils peuvent encore le croire. Mais lorsque vous leur direz que les Allemands ont assassiné un ou deux millions de Juifs dans les chambres à gaz, personne ne vous croira — personne, vous entendez. Les Juifs non plus ne vous croiront pas.

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