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Le socialisme dans un seul pays, une arnaque

1er janvier 2018, 03:42

Mes critiques du camp social-démocrate et démocrate m’expliquent, avec beaucoup d’autorité, que la Russie n’est pas « mûre » pour le socialisme, et que Staline a tout à fait raison de la ramener par des zigzags dans la voie du capitalisme. Il est vrai que ce que les social-démocrates appellent, avec une réelle satisfaction, la restauration du capitalisme, Staline l’appelle édification du socialisme national. Mais comme ils ont en vue le même processus, la différence de terminologie ne doit pas voiler à nos yeux l’identité du fond. En admettant même que Staline accomplisse sa besogne en connaissance de cause, ce qui, pour l’instant, ne saurait être le cas, il serait quand même obligé, afin d’atténuer les frictions, d’appeler socialisme le capitalisme. Or, moins il comprend les problèmes historiques essentiels, plus il procède ainsi avec assurance. Sa cécité lui épargne en l’espèce la nécessité de mentir.

Cependant, la question n’est nullement de savoir si la Russie est capable, par ses propres moyens, d’édifier le socialisme. Pour le marxisme en général, cette question n’existe pas. Tout ce qui a été dit à ce sujet par l’école stalinienne relève, au point de vue théorique, du domaine de l’alchimie et de l’astrologie. Le stalinisme, en tant que doctrine, est bon tout au plus à figurer dans un musée théorique d’histoire naturelle. L’essentiel est de savoir si le capitalisme est capable de sortir l’Europe de l’impasse historique. Si les Indes sont capables de s’affranchir de l’esclavage et de la misère sans déborder des cadres d’un progrès capitaliste pacifique. Si la Chine est capable d’atteindre le niveau de culture de l’Amérique et de l’Europe sans révolution et sans guerres. Si les États-Unis sont capables de venir à bout de leurs propres forces productives sans ébranler l’Europe et sans préparer une effroyable catastrophe guerrière à l’humanité tout entière. Voilà comment se pose la question du sort ultérieur de la Révolution d’Octobre. Si l’on admet que le capitalisme continue à être une force historique progressive, qu’il est capable de résoudre, par ses méthodes et ses moyens, les problèmes essentiels qui sont à l’ordre du jour de l’Histoire et de faire monter l’humanité de quelques échelons encore, dès lors il ne saurait plus être question de transformer la République soviétique en pays socialiste. Dès lors, la structure socialiste de la Révolution d’Octobre serait vouée fatalement à être détruite pour ne laisser en héritage que les conquêtes agraires démocratiques. Ce mouvement de descente de la révolution prolétarienne à la révolution bourgeoise serait-il exécuté par la fraction Staline, ou par une fraction de cette fraction, ou bien une — voire plus d’une — relève politique générale serait-elle nécessaire ? Ce sont là des questions secondaires. J’ai déjà écrit maintes fois que la forme, politique de ce mouvement de descente serait, selon toutes probabilités, le bonapartisme — et nullement la démocratie. Or, l’essentiel est de savoir si, en tant que système mondial, le capitalisme est encore progressif ? C’est précisément là que nos adversaires social-démocrates font preuve d’un utopisme pitoyable, archaïque, impuissant — d’un utopisme de réaction, et non de progrès.

Léon Trotsky, "La révolution défigurée"

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