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Soixante ans de luttes de classe en France

10 avril 2010, 22:04, par marek

DEUX GREVES

Si, depuis près de dix ans, les travailleurs de chez Renault n’avaient pas fait grève, cette année ils en ont fait deux. Mais, bien que très rapprochées et ayant les mêmes objectifs : le salaire minimum vital garanti, ces deux grèves ont été totalement différentes l’une de l’autre.

Au mois de mai, la grève contre la direction patronale et gouvernementale fut déclenchée par une poignée d’ouvriers, malgré l’hostilité ouverte des dirigeants syndicaux.

La grève du mois de novembre, au contraire, fut déclenchée par les dirigeants cégétistes.

Cependant, à force d’avoir endigué le mouvement gréviste général pendant des mois, c’est dans les pires conditions qu’ils furent obligés d’y entrer (l’approche de l’hiver, le manque de travail dans l’usine et la méfiance qu’à juste titre ils s’étaient attirée de la part des ouvriers).

Mais, "au mois de mai, le mouvement avait été déclenché par une poignée de diviseurs et n’avait aucune chance d’aboutir, tandis qu’aujourd’hui c’est la grande C.G.T. qui prend ses responsabilités". Ainsi se rassuraient les fidèles. Dans leur enthousiasme, ils avaient oublié ce que disait Carn aux responsables syndicaux, huit jours avant : "Vous savez bien qu’actuellement c’est impossible de déclencher la grève.

Les ouvriers ne nous suivraient pas".

Les ouvriers ont suivi quand même ce mouvement déclenché d’en haut, en dehors de leur volonté, parce qu’ils savent bien que seule l’action directe peut faire aboutir leurs revendications.

Mais il s’est avéré que la grève a été mieux conduite au mois de mai avec des ouvriers du rang, qu’aujourd’hui par la "grande" C.G.T.

Au mois de mai, la seule grève Renault a donné le branle à tout le mouvement revendicatif de cet été, sans aucun ordre venant d’en haut. La grève générale des cheminots a fait capituler le gouvernement au bout d’une semaine.

C’est l’unanimité de tous les travailleurs qui caractérisait le mouvement au mois de mai, que seule l’opposition farouche de la C.G.T. a empêché d’éclater en une grève générale.

Au mois de novembre, la C.G.T., englobant des millions d’adhérents et dirigeant le mouvement, n’a pas pu empêcher la division, le manque de confiance, elle n’a pas été capable de faire renaître un nouveau juin 1936.

Au mois de mai, le comité de grève Collas fut capable de rallier dans la grève tous les ouvriers de l’usine, y compris les cadres, qui débrayaient malgré l’opposition farouche des responsables cégétistes.

Au mois de novembre, il a fallu que les piquets de grève emploient la force pour empêcher la maîtrise et les employés de continuer le travail.

En mai, alors que tous les ouvriers étaient dans la grève, alors qu’ils refusaient de reprendre le travail le mardi 29 avril, à 13 heures, comme l’avait préconisé la C.G.T., celle-ci organisait un vote secret dans l’usine, pour briser le mouvement. Le résultat fut que deux tiers des ouvriers se prononcèrent pour le comité de grève.

En novembre, la même direction cégétiste dut s’opposer de toutes ses forces à ce qu’un vote ait lieu, tant elle craignait le sentiment des ouvriers.

Au mois de mai, les travailleurs de Collas, continuant la grève trois jours de plus que le restant de l’usine, arrachèrent à M. Mayer le paiement des heures de grève pour tous, revendication reprise depuis dans toutes les grèves. Contre les grévistes de Collas, la section syndicale C.G.T. fit alors appel à MM. Lefaucheux et Mayer pour faire respecter la "liberté du travail". Mais les grévistes avaient pour eux la sympathie de tous les travailleurs de la Régie qui, en deux jours, collectèrent plus de 60.000 francs pour les soutenir.

Au mois de mai, les ouvriers formaient eux-mêmes leurs piquets et comités de grève, chaque travailleur pouvant ainsi librement se manifester. La démocratie ouvrière réalisait l’unité.

Au mois de novembre, la section syndicale a rejeté du Comité central de grève les militants ouvriers du S.D.R. partisans de la grève, parce qu’ils n’étaient pas dans la C.G.T., pendant que les bureaucrates pro-grévistes (Frachon) et antigrévistes (Jouhaux) faisaient "l’unité" dans le bureau confédéral.

Au mois de mai, les ouvriers allaient eux-mêmes faire débrayer d’autres usines et faire la propagande pour la grève générale et ses revendications.

Au mois de novembre, le Bureau confédéral de la C.G.T., de peur de prendre ses responsabilités, s’est défendu publiquement d’avoir voulu déclencher la grève générale.

L’échec du mouvement de novembre n’est pas une défaite directe de la classe ouvrière, mais celle d’une entreprise que les dirigeants cégétistes ont mené à sa perte, parce qu’ils sont désormais incapables de gagner la confiance des ouvriers qu’ils ont abusés.

La grève de mai prouve que l’organisation des travailleurs du rang est capable de surmonter obstacles et difficultés, la grève de novembre prouve que les défaites sont l’oeuvre des directions bureaucratiques. Les ouvriers n’avaient pas encore suffisamment compris en mai la leçon que leur renouvelle le mouvement en novembre.

P. BOIS

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