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Soixante ans de luttes de classe en France

10 avril 2010, 15:54, par marek

Voix des Travailleurs nº 23

Barta
15 octobre 1947

VIVE LA GREVE GENERALE !
A l’heure où nous écrivons, la solidarité qui se manifeste parmi les ouvriers à l’égard des grévistes du métro, montre que toute la classe ouvrière est prête à livrer à nouveau une grande bataille.

Après des mois de luttes partielles, les conflits qui ont éclaté ou qui menaçaient d’éclater chez les ouvriers du gaz et de l’électricité, des chemins de fer, des mines, couronnés maintenant par la grève générale du métro, montrent que la classe ouvrière est résolue à entamer un mouvement général pour mettre fin à une politique qui a réduit des millions d’hommes au désespoir.

Aux revendications des grévistes du métro, le gouvernement répond aujourd’hui par des menaces et en employant la force policière – honteuse atteinte au droit de grève ! Plus la situation est intenable pour les ouvriers, et plus le gouvernement aux ordres des capitalistes se montre dur. Ramadier ne veut pas délibérer "sous la menace de la grève". Il ne sait délibérer qu’à la solde des capitalistes : il y a quelques jours à peine dans un discours sur les nouvelles mesures financières, il n’était question que d’un nouveau tour de vis pour les masses travailleuses et les petites gens de la ville et de la campagne ; il n’y avait pas un mot qui envisage même de loin un impôt sur le grand capital.

Mais il serait impossible au gouvernement d’opposer la force à l’action unifiée de tous les travailleurs dans une grève générale "tout de suite et dans toute la France".

C’EST LE MOMENT DE FAIRE CAPITULER LE GOUVERNEMENT !

Tous les travailleurs ont, à l’heure actuelle, les mêmes revendications. S’ils mènent simultanément la lutte, ils imposeront les solutions qui seules peuvent nous sortir de la situation actuelle :

Le contrôle ouvrier sur l’établissement des prix.

Un salaire minimum vital garanti contre la hausse du coût de la vie, par l’échelle mobile.

Application des 40 heures.

Faire payer les impôts aux riches.

Dans toutes les usines, l’action des ouvriers doit s’organiser. Les événements de Verdun, la grève du métro, montrent que le gouvernement est prêt aujourd’hui à verser le sang ouvrier pour défendre les privilèges des capitalistes. Il faut faire face aux attaques de la police et des bandes fascistes que le gouvernement est disposé à laisser agir contre les travailleurs. Les ouvriers doivent rester maîtres des usines en grève, en occupant les lieux, en élisant démocratiquement des comités de grève et des piquets qui doivent organiser et chercher les moyens matériels pour être capables de résister à toute attaque.

VIVE LA GREVE GENERALE !


"CE QUE LA CLASSE OUVRIERE VEUT, ELLE LE PEUT"
Déclenchée par le "Syndicat autonome de traction" et le "Syndical général autonome", la grève du métro était, le premier jour, pour les dirigeants de la C.G.T. une nouvelle occasion de déverser les calomnies habituelles sur les grévistes et leurs organisations.

Le troisième jour cependant, changement complet dans l’attitude de ces mêmes dirigeants. L’Humanité publie un ordre du jour dans lequel les grévistes décident une procédure entièrement démocratique pour l’élection d’un comité central de grève, et consacre l’unité d’action de toutes les organisations syndicales, C.G.T. et syndicats autonomes.

Voilà la deuxième grande victoire ouvrière depuis juin 1936, décisive s’il en fut, car c’est à cette seule condition que le mouvement ouvrier peut non seulement battre les capitalistes, mais simplement exister !

Le début de la grève du métro (voir compte rendu 5° colonne) prouve jusqu’à l’évidence que la nouvelle attitude des dirigeants cégétistes n’est pas due à une conversion miraculeuse à la démocratie, qu’ils ont toujours bafouée, mais à la volonté des ouvriers de ne pas se laisser mener aveuglément et de décider eux-mêmes de leur propre sort.

Mais ceux qui ont pris l’habitude, pendant de trop longues années, de bafouer la volonté ouvrière ne manqueront pas de la bafouer à nouveau, si la vigilance des travailleurs à leur égard se relâchait, ne fût-ce qu’un instant.

Ne pas se laisser griser par la victoire, c’est donc la première condition pour en cueillir les fruits. Pas un instant il ne faut faire confiance à ces loups déguisés en bergers !

Si les dirigeants cégétistes sont sincèrement avec les grévistes du métro et pour l’aboutissement de ses revendications, ils ne peuvent être que pour la solidarité de toute la classe ouvrière avec ces travailleurs. Or les dirigeants cégétistes restent des briseurs de grève. Aujourd’hui, mardi, ils se sont opposés par tous les moyens en leur pouvoir à la grève de solidarité déclenchée par les ouvriers du secteur Collas, pour l’empêcher de s’étendre aux trente mille ouvriers de l’usine Renault.

"Ce que la classe ouvrière veut, elle le peut !", écrivait La Voix, il y a quelques semaines. Elle a pu déclencher ses luttes revendicatives contre la volonté des dirigeants officiels de la C.G.T. passés au service de la bourgeoisie, elle a pu aujourd’hui leur imposer la démocratie. Elle pourra tout, si elle le veut vraiment.

Et ce qu’il lui faut vouloir aujourd’hui, c’est s’organiser tout entière pour la bataille, fraternellement unie, en rangs serrés et disciplinés – une discipline librement déterminée et librement consentie !

Pierre BOIS


VIGILANCE !
La grève du métro est générale. La C.G.T., après avoir désavoué le mouvement déclenché à son encontre, vient de s’y joindre.

Cette grève, dont l’importance est comparable, par ses répercussions, à celle des cheminots, intéresse tous les ouvriers et trouve leur sympathie.

Devant les légitimes revendications des travailleurs du métro, le gouvernement prend l’attitude "forte". La radio et la presse de service déversent leurs mensonges, tandis que Ramadier fait appel à la police pour expulser les piquets de grève et les ouvriers qui occupent les locaux. Les événements de Verdun, de Nancy et d’ailleurs nous ont déjà montré de quoi un gouvernement, qui ne touche pas un cheveu des trafiquants et des milliardaires, est capable contre les masses travailleuses dans la misère.

La lutte engagée doit être menée à bien. Pour cela elle a besoin non seulement de la ferme résolution des travailleurs du métro, mais de l’appui actif et éclairé de toute la classe ouvrière.

Il faut que les ouvriers sachent d’abord comment a été déclenchée la grève du métro.

C’est le syndicat autonome des conducteurs (groupant la majorité des travailleurs de cette catégorie : environ 1.250 sur 1.700 à 1.800) qui, par vote secret, en assemblée générale, le vendredi 10, décide de déclencher la grève pour l’aboutissement de ses revendications.

Le lendemain, à 10 h. 30, le Syndicat général autonome du métro, après s’être mis d’accord avec le Syndicat des conducteurs sur le cahier de revendications, décide à son tour la grève. Ainsi, dès le matin du 11 octobre, la grève du souterrain paralyse le trafic du métro, mais en partie seulement. Car la C.G.T. (de même que la C.F.T.C.) désavoue le mouvement. Elle donne l’ordre à ses adhérents de travailler et, qui plus est, de renforcer leur service sur les lignes dissidentes. Comme dans la grève Renault, elle essaie de briser le mouvement, non seulement en faisant faire à ses membres un travail de jaunes, mais en le discréditant par la calomnie et les falsifications. L’Humanité du 11 octobre écrit que c’est une minorité qui a déclenché la grève et s’insurge contre le fait que l’action de cinq cent trente-cinq employés paralyse l’activité d’une corporation de trente-quatre mille agents. Après ce petit calcul, au moyen d’une arithmétique de son cru, elle assimile aux gens de L’Epoque les grévistes qui auraient, d’après elle, mis en avant la réintégration des collaborateurs, alors que rien de pareil ne figure dans leur cahier de revendications. La section du P.C.F. de Billancourt publie un tract ronéotypé où elle accuse le syndicat autonome d’être lié avec le gouvernement pour provoquer des troubles que celui-ci réprimera par les gaz lacrymogènes...

Cependant, comme chez Renault, "cette minorité qui paralyse" est en réalité la majorité, non seulement chez les conducteurs, mais dans le métro en général. Les ouvriers en grève dès le matin du 11, et dont le nombre dépasse trois mille, représentent la volonté de tous leurs camarades pour les mêmes revendications. Dès le 11, certaines lignes d’autobus voient leur trafic ralenti, surtout celles qui dépendent du Point-du-Jour.

Parmi les employés adhérant à la C.G.T., l’indignation grandit contre cette organisation qui leur fait faire des heures supplémentaires pour remplacer les grévistes, en échange d’un litre de vin offert par le gouvernement. Au dépôt du Point-du-Jour par exemple, le responsable cégétiste déclare publiquement, dans une réunion du syndicat autonome, qu’il est d’accord avec les revendications de celui-ci et prend l’engagement de défendre la position en faveur de la grève à la réunion de la C.G.T., qui doit avoir lieu le soir même à la Bourse du Travail.

A la réunion de la Bourse du travail, convoquée par la C.G.T. le 11 au soir, de nombreux délégués se prononcent en faveur de la grève et déplorent que la C.G.T. ait attendu que le syndicat autonome déclenche le mouvement. Les bonzes essaient de remettre de l’ordre en accusant le syndicat autonome d’être à la solde de Truman ! Mais l’assemblée ne se sépare qu’après avoir dû voter une résolution par laquelle la C.G.T. s’engage à donner le mot d’ordre de grève que si satisfaction n’est pas accordée aux revendications avant lundi midi.

Le lendemain, 12 octobre, L’Humanité écrit : "Durant la journée d’hier, l’esprit de lutte des travailleurs du métro et des autobus s’est manifesté avec force." (Beau travail d’une minorité !) Par un grand titre, elle annonce l’éventualité de la grève générale. La C.G.T. cherche à reprendre la grève à son compte. Après avoir désavoué le mouvement, la C.G.T. se déclare prête à l’envisager et déplore seulement la division ! Mais, tout en déplorant la division, elle continue à faire faire à ses adhérents, pendant la journée du dimanche et du lundi, le travail de briseurs de grève.

Comme au moment de la grève Renault, la C.G.T. se déclare aussi d’accord avec les revendications des travailleurs en lutte et entame, en leur nom, des négociations avec le gouvernement. En fait, elle essaie de limiter les objectifs de la grève. C’est ainsi que la C.G.T. ne fait figurer, dans ses revendications, ni l’application effective des quarante heures, ni la revalorisation des salaires, garantie par l’échelle mobile, qui figurent dans le cahier de revendications du syndicat général autonome et qui, seules, permettraient au mouvement d’obtenir des résultats durables.

Il est important, pour les ouvriers, de connaître comment ont agi les dirigeants de la C.G.T. pour savoir à quoi s’attendre, non seulement de la part d’ennemis déclarés de la classe ouvrière, mais aussi de la part des "amis de la dernière heure".

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