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20 raisons de se manifester le 20 mars au Maroc....

13 mars 2011, 21:12, par Ali

le diable se cache dans les détails concernant cette proposition de « compromis » dans la continuité, comme la définit Mohammed VI lui-même.

Il n’y aura pas de Constituante qui mettrait à plat le régime (révocation de l’actuel gouvernement, dissolution du Parlement, etc.) et redéfinirait les contours d’un nouveau pacte social, mais la mise en place d’une commission ad hoc d’experts choisis par le roi, perpétuant la tradition féodale du principe d’imposition par le haut.

Peut-on penser que sa marge de manœuvre est déjà réduite puisqu’elle devra remettre sa copie à l’appréciation du roi avant d’être soumise à référendum ? Dans ce cas, le débat public sera-t-il ouvert —sous la coupole du Parlement et dans les médias notamment— pendant sa genèse, ou se limitera-t-il à des tractations en coulisses ?

Le Premier ministre, quoiqu’issu d’un processus électif —ce qui, dans la pratique, est déjà le cas— sera toujours nommé par le roi « au sein » du parti vainqueur des législatives, malgré une promesse de « consolidation » du principe de séparation des pouvoirs.

Le Conseil du gouvernement sera certes « constitutionnalisé », mais quid du Conseil des ministres, présidé par le roi ? Quel sera le rôle de la kyrielle de Commissions royales consultatives et des Fondations en charge de missions régaliennes ?

Les ministères de souveraineté seront-ils bannis ? La puissance effective de la Maison royale et du Cabinet royal sera-t-elle confinée aux seules affaires et attributions de la famille régnante ?

La sacralité du roi est gravée dans le marbre et demeure non négociable. A qui s’applique alors le "principe de reddition des comptes" ? Le roi définit lui-même le périmètre des réformes acceptables, et la laïcité est écartée puisque l’islam demeure la religion d’Etat.

Sur ce point, le roi parle plutôt de « religion de l’Etat garant de la liberté du culte ». Est-ce à dire que le choix confessionnel n’est plus verrouillé à la naissance ? C’est-à-dire de naître forcément musulman et de le rester, à défaut d’être juif ?

Le roi parle d’« élargissement du champ des libertés individuelles et collectives » et du « renforcement du système des droits de l’Homme ». Elargir un champ ou renforcer un système n’implique pas forcément leur consécration totale, telle que définie dans la déclaration universelle des droits de l’Homme, ou telle qu’inscrite dans les chartes onusiennes.

Pourra-t-on dans ce cas considérer que les libertés seront acquises dans les choix de vie, les lignes rouges effacées du Code de la presse, les délits d’opinion abrogés ?

La pluralité de l’identité marocaine sera inscrite dans la Constitution, mais les langues amazighes seront-elles pour autant élevées au rang de langues nationales ? Qu’en sera-t-il de l’identité « arabo-musulmane » de la nation, qui va de pair avec le socle de légitimité du monarque, Commandeur des Croyants ?

Les recommandations de l’Instance équité et réconciliation (IER) seront-elles totalement appliquées, que ce soit par l’établissement de toute la vérité sur les exactions passées, par la reconnaissance et le pardon prononcés par le chef de l’Etat et par le jugement des tortionnaires et des responsables (dont certains occupent encore des fonctions importantes dans l’appareil sécuritaire) ?

Mohammed VI parle de ne retenir que les recommandations « judicieuses » de l’IER, laissant encore possible la sanctuarisation des corps constitués et de l’armée, dont il resterait sans doute le chef suprême.

Enfin, l’option médiane entre large autonomie au Sahara Occidental et régionalisation poussée suffira-t-elle à calmer les ardeurs identitaires ? Le cadre d’un modèle d’Etat mi-régional, mi-fédéral voulu par Mohammed VI, et dans lequel des régions autonomes sont scellées au royaume par leur allégeance au monarque pourra-t-il mettre un terme à l’enlisement du dossier saharien ?

Autant de questions et bien d’autres encore, comme celle de la gouvernance économique et de l’affairisme de certains au sein des premiers cercles du pouvoir appellent à la vigilance, tant cette « révolution de Palais » n’est que la charpente d’un rééquilibrage des pouvoirs institutionnels attendu depuis des lustres.

Il faudra à ses concepteurs un doigté d’orfèvre pour concilier les ambitions du peuple avec ce qu’est disposé à concéder le roi.

En attendant, le temps de répit que se donne Mohammed VI sera comblé par la relance du débat populaire, y compris dans la rue.

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