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Proudhon et la révolution

25 février 2014, 19:00, par Robert Paris

Proudhon n’est en rien révolutionnaire comme le montrent ces extraits de « La liberté » :

- légaliste :

« Le droit à l’insurrection [...] ne peut, dans un pays où le suffrage universel a commencé de s’organiser, être reconnu à la minorité contre la majorité. Quelque arbitraires que soient les décisions de celle-ci, si flagrante que paraisse la violation du pacte, une majorité peut toujours nier qu’elle le viole : ce qui ramène le différend à une simple question d’appréciation, et ne laisse, par conséquent, aucun prétexte à la révolte. Et quand la minorité se prévaudait de certains droits antérieurs ou supérieurs à la Constitution, que la majorité, selon elle, aurait méconnus, il serait facile à celle-ci d’invoquer à son tour d’autres droits antérieurs ou supérieurs, tels que celui du salut public, en vertu desquels elle légitimerait sa volonté : si bien qu’en définitive il faudrait toujours en revenir à une solution par le vote, à la loi du nombre. Admettons donc comme démontrée cette proposition : entre la minorité et la majorité des citoyens, manifestée constitutionnellement par le suffrage universel, le conflit par les armes est illégitime. »

- croyance dans le caractère naturel du pouvoir

« Nous concevons a priori que, l’homme étant un être moral et libre, vivant en société, et soumis à justice, la société ne peut manquer de se constituer un ordre, c’est-à-dire de se donner un gouvernement ; - que ce gouvernement sera confié aux soins d’un élu, appelé prince, empereur, ou roi ; ou de mandataires, formant sénat, patriciat, aristocratie ; à moins qu’il n’y ait possibilité de laisser le pouvoir à l’assemblée du peuple ; - que les fonctions du gouvernement s’exerceront, tantôt ad libitum, par une volonté arbitraire, collective ou individuelle ; tantôt, d’après des traditions et des coutumes ; tantôt enfin suivant des règles positives et des lois raisonnées. On conçoit de plus que tous ces éléments, qui semblent s’exclure, transigeant entre eux, s’associent et se combinent dans des proportions variables : que l’autocratie soit tempérée par une intervention de l’aristocratie ou démocratie ; que le bon plaisir soit limité ou modifié par la coutume, l’initiative du prince par celle du sénat, toutes deux par l’élection populaire et par la loi écrite ; - que la subordination des classes, des fonctions et des prérogatives soit plus ou moins grande, et que parfois elle se déplace, etc. Tout cela peut varier à l’infini ; et c’est pourquoi, entre les deux extrêmes de l’autocratie et de la démocratie, en peut insérer autant de moyens ternies que l’on voudra. Mais tout cela ne fait pas que le système change ; il ne fait que le confirmer ; et tout ce que l’historien peut conclure ici des variations d’un l’État, c’est que la société est en souffrance, qu’elle cherche son assise, souvent même qu’elle décline, et, ne pouvant triompher de son impuissance, tend à la mort. En sorte que le système politique, tel que nous le comprenons maintenant, est élevé au-dessus de toute atteinte, affranchi de toutes les folles entreprises de l’homme, plus solide, plus durable que la race et la nationalité même. Nous pouvons nous livrer en politique à toutes les orgies imaginables, essayer de toutes les hypothèses. [...] : nous ne sortirons jamais des [bornes] prescrites, et, de deux choses l’une, ou nous périrons dans nos évolutions insensées, ou nous arriverons à cette synthèse dernière, qui est la paix et la félicité des peuples. »


 croyance dans les nations :

. « Les nations sont au service des idées ; elles n’en sont point maîtresses, propriétaires, encore moins productrices. Elles valent par les idées et rien que par les idées : il se pourrait même que telle nation qui, dans l’histoire, aura joué le plus grand rôle, l’ait dû précisément à sa personnalité moins accusée, à sa facilité à s’emparer des idées et à les mettre en oeuvre. Les intérêts viennent ensuite modifier, dans l’application, les données de l’idée ; quant au tempérament et au caractère, leur action est de toutes la plus faible. Il n’y a pas, en un mot, de races initiatrices dans le sens rigoureux du mot ; point de races privilégiées ni de races maudites, point de nations souveraines ni de nations sujettes. Il n’y a que des instruments, plus ou moins dociles, plus ou moins dévoués, selon les intérêts et les circonstances, du Progrès ; des organes plus ou moins explicites de ce que les uns nomment Providence, les autres Destin, et qui pour nous est l’idée, et au-dessus de l’idée, le droit. »


 croyance dans la réconciliation des intérêts contraires :

« Certes, je ne méconnais ni le fait de l’antagonisme, ou comme il vous plaira de nommer, de l’aliénation religieuse, non plus que la nécessité de réconcilier l’homme avec lui-même ; toute ma philosophie n’est qu’une perpétuité de réconciliation. Vous reconnaissez que la divergence de notre nature est le préliminaire de la société, disons mieux, le matériel de la civilisation. C’est justement le fait, mais, remarquez-le bien, le fait indestructible dont je cherche le sens. Certes, nous serions bien près de nous entendre si, au lieu de considérer la dissidence et l’harmonie des facultés humaines entre deux périodes distinctes, tranchées et consécutives dans l’histoire, vous consentiez à n’y voir avec moi que les deux faces de notre nature, toujours adverses, toujours en œuvre de réconciliation, mais jamais entièrement réconciliées. En un mot, comme l’individualisme est le fait primordial de l’humanité, l’association en est le terme complémentaire ; mais tous deux sont en manifestation incessante, et sur la terre la justice est éternellement la condition de l’amour. »

- idéalisme au lieu de lutte des classes :

« L’histoire est la succession des états divers par lesquels l’intelligence et la société passent avant d’atteindre, la première à la science pure, la seconde à la réalisation de ses lois. C’est un panorama de créations en train de se produire, qui s’agitent pêle-mêle, se pénètrent d’une influence réciproque, et présentent à l’œil une suite de tableaux plus ou moins réguliers, jusqu’à ce qu’enfin chaque idée ayant pris sa place, chaque élément social étant élaboré et classé, le drame révolutionnaire touche à sa fin, l’histoire ne soit plus que l’enregistrement des observations scientifiques, des formes de l’art et des progrès de l’industrie. Alors le mouvement des générations humaines ressemble aux méditations d’un solitaire ; la civilisation a pris le manteau de l’éternité. »

- éloge du libéralisme marchand :

« Deux nations sont séparées par un bras de mer ou une chaîne de montagnes. Elles sont respectivement libres, tant qu’elles ne communiquent point entre elles, mais elles sont pauvres ; c’est de la liberté simple : elles seront plus libres et plus riches si elles échangent leurs produits ; c’est ce que j’appelle liberté composée. L’activité particulière de chacune des deux nations prenant d’autant plus d’extension qu’elles se fournissent mutuellement plus d’objets de consommation et de travail, leur liberté devient aussi plus grande : car la liberté, c’est l’action. Donc l’échange crée entre nations des rapports qui, tout en rendant leurs libertés solidaires, en augmentent l’étendue : la liberté croît, comme la force, par l’union, Vis unita major. Ce fait élémentaire nous révèle tout un système de développements nouveaux pour la liberté, système dans lequel l’échange des produits n’est que le premier pas. [...] Ainsi donc l’homme qui travaille, c’est-à-dire qui se met en rapport d’échange avec la nature, est plus libre que celui qui la ravage, qui la vole, comme le barbare. - Deux travailleurs qui échangent leurs produits, sans autrement s’associer, sont plus libres que s’ils ne les échangeaient pas ; ils le deviendront davantage encore, si, au lieu de l’échange en nature, ils adoptent, d’accord avec un grand nombre d’autres producteurs, un signe commun de circulation, tel que la monnaie . Leur liberté croît à mesure, je ne dis pas qu’ils s’associent ; mais qu’ils font une permutation de leurs services : c’est encore une fois ce que j’appelle tour à tour liberté simple et liberté composée. »

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