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Lutte des classes en Egypte en 2006-2009 - C’est la classe ouvrière qui a commencé à ébranler le régime - Ni les Frères musulmans ni El Baradei ni les généraux ne doivent gouverner : c’est aux travailleurs et aux jeunes de prendre le pouvoir par leurs comités !!!

7 février 2011, 13:34, par Robert Paris

Déjà en 2005....

Dans un certain nombre d’usines, en particulier, la nouvelle Loi sur le Travail, puis la nouvelle vague de privatisations mise en oeuvre par le régime à l’automne 2004 ont donné naissance à des réactions de travailleurs menacés notamment de perdre leur emploi, ou bien frappés d’une baisse de salaire, par exemple par le non-paiement d’une prime attendue, alors qu’au même moment, les patrons bénéficiaient de l’allégement de l’impôt sur les sociétés.

En un an, 172 entreprises et une banque ont ainsi été privatisées et vendues à prix d’ami, entraînant des dizaines de milliers de suppressions d’emplois. Les dirigeants de ces entreprises, pas forcément petites, peuvent décider brusquement de les fermer pour transférer ailleurs leurs capitaux, jetant sur le pavé une partie des travailleurs ou simplement cessant de les payer sous d’obscurs prétextes financiers.

Le mécontentement ouvrier s’est sans doute d’autant plus exprimé que la période électorale de l’automne 2005 était proche et que le régime devait faire face à l’expression d’autres formes de mécontentements, y compris dans d’autres couches de la société. Un grand nombre de luttes sont sans doute restées complètement méconnues. Mais un certain nombre de mouvements de protestation, de grèves ou d’occupations, ont pu parvenir à la connaissance de l’opinion, en Égypte ou à l’étranger.

Ainsi, au printemps dernier à Qalyoubia, une zone industrielle située au nord-ouest du Caire, un mouvement de protestation s’est fait jour contre la privatisation de l’usine textile Esco. Il a duré trois mois. En septembre 2004, l’usine avait été vendue, sans que les 450 travailleurs, pourtant collectivement titulaires de 10 % de parts de l’entreprise, en soient même informés. Le nouveau patron refusait de payer les primes, partie importante du salaire ouvrier, et faisait peser des menaces sur la retraite et l’emploi.

Des groupes de travailleurs ayant déclenché un mouvement de grève, celle-ci fut déclarée illégale par le syndicat officiel, affilié à la confédération pro-gouvernementale GFTU, au cours d’un sit-in que les ouvriers avaient organisé deux jours durant devant l’immeuble du syndicat au centre ville du Caire. Ensuite, ce fut le patron qui déclara lui aussi les revendications ouvrières « inacceptables ».

Pendant sept semaines, les grévistes s’établirent devant l’usine, cernés par les forces de police qui, à certains moments, les empêchèrent même d’aller se ravitailler en nourriture, attitude que certains grévistes dénoncèrent en entamant une grève de la faim. Finalement, le patron dut céder, requalifia certains contrats saisonniers et accorda à certains travailleurs licenciés 10 000 livres (environ 1 500 euros) pour leur mise à la retraite anticipée et le paiement de trois mois d’arriérés de salaires.

Ailleurs, des journées de grève ont été décidées pour obtenir une prime permettant de compenser la faiblesse des salaires. Ainsi à l’usine textile Misr Al-Menoufiya, employant 1000 ouvriers dont près d’un tiers de femmes, un mouvement de trois jours a été déclenché en août dernier : le salaire moyen étant de 200 livres égyptiennes (environ 30 euros), un tiers des ouvriers ne touchent que 130 livres et n’ont reçu aucune augmentation depuis 1979. Depuis six ans, aucune prime d’aucune sorte n’a été versée.

D’autres secteurs ont été touchés, comme les transports à Alexandrie, où les travailleurs ont obtenu le paiement de leurs retards de salaires, la Pêcherie égyptienne, où le projet de privatisation a été bloqué, ou bien la Compagnie égyptienne d’éclairage, citée par le journal Al Ahram, où les travailleurs ont occupé leur usine et l’ont fait fonctionner eux-mêmes six mois durant.

Les ouvriers de l’entreprise des Ciments Torah, qui devait être rachetée par la multinationale des Ciments français, ont fait un sit-in pour exiger des garanties de salaires, jusqu’à ce que le gouvernement repousse l’offre de l’acheteur. Une nouvelle offre, présentée quelque temps plus tard, incluait un engagement au minimum de trois ans sans licenciements collectifs ainsi que la promesse de primes dans le prochain semestre.

D’autres grèves ont été signalées, par exemple à la Société de projets industriels à Nasr-City, où un millier d’ouvriers ont réclamé la démission du directeur, accusé de n’avoir pas versé deux mois de salaires et d’avoir détourné les cotisations sociales, ou bien à la Société arabe d’aluminium à Ismaïlia, pour l’obtention d’une allocation sociale due et non versée.

Outre les privatisations, les patrons ont saisi d’autres prétextes pour licencier des travailleurs sans autre forme de procès : l’usine de production de matériaux de construction à base d’amiante, Ora-Misr, a ainsi fermé ses portes à la suite d’un décret gouvernemental de septembre 2004 interdisant - bien tard ! - l’usage de cette substance dangereuse. Le richissime propriétaire a tout simplement licencié l’ensemble des ouvriers, sans se soucier ni de savoir de quel revenu ils disposeraient, ni d’indemniser les dommages irrémédiables causés à leur santé par l’amiante. Mais ceux-ci ont, des mois durant, lutté pour obtenir un minimum de compensations financières.

Ainsi, le desserrement relatif de l’emprise de la dictature semble au moins amener un certain nombre de travailleurs à oser exprimer leurs revendications et lutter pour celles-ci, sans risquer immédiatement une répression violente et l’emprisonnement. C’est évidemment un fait positif, même si le contexte général est, en revanche, celui d’une régression politique et sociale.

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