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Quoi de neuf dans la lutte des cheminots ?

4 juillet 2010, 14:22, par marek abdel

La grève des cheminots (18 décembre 1986-15 janvier 1987)

Inauguré en 1982 par le gouvernement socialiste et communiste dirigé alors par Pierre Mauroy, le blocage des salaires, relatif et déguisé au début, ouvert aujourd’hui, tant de travailleurs de la fonction publique que ceux du privé, est une des constante de la politique des divers gouvernements qui se sont succédés depuis cette date. Non seulement durant toute la législature où la gauche était majoritaire, mais aussi évidemment depuis mars 1986 où c’est une majorité de droite qui a été portée à l’Assemblée Nationale, et sur laquelle s’appuie l’actuel gouvernement Chirac.

Chirac ne peut pas faire moins en faveur de la bourgeoisie que ce que les gouvernements de gauche avaient fait. Le blocage des salaires, ouvert ou déguisé, reste donc l’axe principal de la politique économique du gouvernement qui consiste à faire en sorte que la bourgeoisie puisse augmenter ses profits sans avoir à dépenser d’argent pour moderniser son appareil productif.

Un des moyens de pression du gouvernement sur l’ensemble de la classe ouvrière est d’abord de donner l’exemple en bloquant les salaires de ses propres salariés : les travailleurs de l’Etat et ceux des différentes sociétés nationales.

La grève à la SNCF était la première grève depuis 1982 à s’attaquer à cette politique. La première grève offensive de la classe ouvrière, car tous les conflits tant soit peu importants que l’on avait vus depuis le début de la crise, étaient des conflits défensifs contre les licenciements ou des fermetures d’entreprises.

C’est dire l’importance politique de cette grève, même si les cheminots n’avaient l’intention d’en faire une grève politique, et si tous n’avaient pas conscience que leur grève l’était.

Cette grève n’a pas gagné car elle n’a pas eu, malgré son ampleur, la force de faire reculer le gouvernement sur cette politique, essentielle pour lui, de blocage des salaires, c’est-à-dire de la contraindre à accepter, de se trouver en situation d’avouer qu’un gouvernement de droite n’était pas capable de continuer contre les travailleurs ce qu’un gouvernement de gauche avait commencé à faire.

Mais le gouvernement Chirac aurait pu être contraint à reculer même sur ce terrain difficile pour lui. Les travailleurs en avaient les moyens, mais ils n’ont pas réussi à le faire, car les appareils syndicaux- qui n’avaient pas voulu cette grève qu’ils n’avaient ni préparée ni organisée- ont réussi à la limiter, à l’empêcher de s’étendre, et finalement à l’empêcher de vaincre.

Il est vrai aussi, que les choix mêmes des grévistes, de ceux qui étaient à la pointe du mouvement et qui en furent le fer de lance, n’ont pas non plus donné à ce mouvement toutes les chances de réussite. Les plus déterminés, à cause de ces choix erronés (choix conscients et délibérés de la part des grévistes ou choix qui leur furent imposés par les directions syndicalistes qui surent au moins jouer ce rôle à défaut d’un plus glorieux), n’ont pas su, et n’ont pas pu, entraîner les moins déterminés, leur inspirer confiance dans la cohésion du mouvement et dans la force collective qu’ils peuvent représenter. La grève spontanée n’a pas eu le souffle pour passer par-dessus tous les obstacles qui du sein même du mouvement : le corporatisme et le frein réformiste des appareils syndicaux.

Les cheminots n’ont pas gagné. Bien sûr, le projet de grille des salaires est remisé, du moins momentanément. Mais ils n’ont eu satisfaction ni sur les salaires, ni sur les conditions de travail…Les grévistes n’ont pas gagné. Mais ils ne sont pas abattus, ni défaits. Ils ne le sont pas, parce qu’ils ont bien conscience que leur mouvement, avec toutes ses limites, après une longue période de calme social dans laquelle la classe ouvrière prenait des coups sans les rendre, vient de prouver que les travailleurs demeuraient tout à fait capables de se battre, de riposter.

Et puis ils ont pris conscience aussi d’avoir fait une grève pas tout à fait ordinaire. Ils ont vu que cette grève, c’est la base, eux, les travailleurs du rang, qui l’a voulue, décidée, imposée et étendue, sans les appareils des fédérations syndicales, et même contre eux. Et des milliers d’entre eux ont même vu que les grévistes peuvent s’organiser indépendamment de ces appareils, se donner une direction qu’ils contrôlent entièrement.

Et cela, c’est non seulement des cheminots qui en ont pris conscience et qui l’ont vu, mais aussi des dizaines de milliers de travailleurs dans tout le pays, qui ont suivi cette grève avec attention, intérêt et sympathie.

A suivre…

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