Accueil > ... > Forum 4484

Ce que les singes nous apprennent sur la "nature humaine"....

5 juillet 2010, 10:48, par Robert Paris

« Le singe nu » de Desmond Morris

« Il existe cent quatre-vingt-treize espèces vivantes de singes et de gorilles. Cent quatre-vingt-douze d’entre elles sont couvertes de poils. La seule exception est un singe nu qui s’est donné le nom d’Homo sapiens. Cette espèce à part, qui a brillamment réussi, passe une grande partie de son temps à étudier les plus nobles mobiles de son comportement et non moins de temps à en négliger (là, elle s’acharne) les mobiles fondamentaux. Le singe nu est fier d’avoir le plus gros cerveau, mais il s’efforce de dissimuler le fait qu’il a aussi e plus gros pénis, préférant attribuer cet honneur au puissant gorille. (…) Contrairement à ce qu’on imagine d’ordinaire, les grands singes terrestres possédaient déjà un grand cerveau développé. Ils vaient de bons yeux et des mains qui savaient empoigner. Puisque c’étaient des primates, ils avaient, bien entendu, un certain niveau d’organisation sociale. (….) Chez les primates supérieurs le sens de la vue domine nettement celui de l’odorat. Dans leur monde arboricole, bien voir est beaucoup plus important que bien sentir, et le museau a considérablement diminué de taille, ce qui donne aux yeux un bien meilleur champ de vision. Dans la recherche des la nourriture, les couleurs des fruits sont des indices précieux et, contrairement aux carnivores, les primates ont acquis une bonne vision des couleurs. Leurs yeux sont également mieux équipés pour repérer les détails statiques. Or, leur nourriture est statique et déceler d’infimes mouvements est moins important que reconnaître de subtiles différences de formes et de texture. L’ouïe est importante, mais beaucoup moins que pour les carnassiers qui chassent, et leurs oreilles extérieures sont plus petites et n’ont pas la mobilité de celles des carnivores. Le sens du goût est plus raffiné, le régime plus varié et plus riche en saveurs diverses. Il y a notamment une forte réaction positive aux denrées sucrées. (…) Le singe n’avait pas le genre d’équipement sensoriel nécessaire pour la vie au sol. Son odorat était trop faible et son ouïe pas assez fine. Son physique ne convenait absolument pas aux rudes épreuves d’endurance et aux sprints foudroyants. (…) Ce qui s’est produit est assez curieux. Le singe chasseur est devenu un singe infantile. Ce n’est pas la première fois qu’on voit l’évolution recourir à ce genre de subterfuge ; on l’a observé dans un certain nombre de cas très divers. Pour exprimer les choses très simplement, c’est un processus (appelé néoténie) grâce auquel certains caractères juvéniles ou infantiles persistent à l’état adulte. L’exemple le plus connu est celui de l’axolotl, une sorte de salamandre, qui peut demeurer un têtard toute sa vie et qui est capable de se reproduire dans cet état. On comprendra mieux la façon dont ce processus de néoténie aide le cerveau du primate à grandir et à se développer si l’on considère l’enfant à naître d’un singe caractéristique. Avant la naissance, le cerveau du fœtus de singe se développe rapidement. Quand l’animal vient au monde, son cerveau atteint déjà 70% de sa taille définitive, et sa croissance est achevée dans les six premiers mois de la vie. Même un jeune chimpanzé achève sa croissance cérébrale dans les douze mois qui suivent la naissance. Notre espèce, au contraire, possède à la naissance un cerveau qui n’a que 23% de sa taille adulte. Une rapide croissance se poursuit dans les six ans qui suivent la naissance, mais le développement ne s’achève que vers la vingt-troisième année. Donc, pour vous et moi, la croissance cérébrale se poursuit encore une dizaine d’années après la maturation sexuelle, mais pour le chimpanzé, elle s’achève six ou sept ans AVANT que l’animal ne devienne apte à la reproduction. Voilà qui explique très clairement ce que l’on entend quand on dit que nous sommes devenus des singes infantiles ; encore faut-il préciser cette notion. Nous (ou plutôt nos ancêtres les singes chasseurs) sommes devenus infantiles sur certains points, mais pas sur d’autres. Les taux respectifs de développement de nos diverses qualités se sont désynchronisés : alors que notre système de reproduction allait de l’avant, notre croissance cérébrale traînait. Il en allait ainsi dans divers autres domaines, certains aspects de notre développement se trouvant plus ou moins ralentis. Le cerveau ne fut pas la seule partie du corps affectée : l’attitude corporelle se trouva également influencée. Un mammifère, avant de venir au monde, a l’axe de la tête perpendiculaire au tronc. (…) Pour un animal vertical comme le singe chasseur, il est donc important de conserver l’angle fœtal. Là encore, il s’agit d’un exemple de néoténie, le caractère pré-natal persistant dans la vie post-natale et adulte. On peut expliquer ainsi de nombreux autres caractères physiques particuliers du singe chasseur. Le cou long et mince, le visage plat, la petitesse des dents et leur apparition tardive, l’absence de lourdes arcades sourcilières et la non-rotation du gros orteil. »

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.