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Grèves en Chine

23 mai 2011, 08:28

En Chine, la grève a été interdite en1982 au prétexte qu’elle était inutile puisque la classe ouvrière possédait l’appareil de production. Deux raisons expliquaient à l’époque cette décision. La possibilité de grève –introduite dans la Constitution chinoise de 1954– avait largement été utilisée par Mao Zedong en 1966 pour lancer la révolution culturelle et appeler les masses à se révolter contre les directeurs d’usines. Devenu l’homme fort du régime, Deng Xiaoping voulait empêcher la répétition de pareils désordres. Autre considération en pleine actualité en 1982 : les dirigeants chinois voulaient se prémunir contre l’éventuelle influence du syndicat Solidarnosc qui avait commencé à faire vaciller le régime communiste polonais en organisant les grèves des chantiers navals de Gdansk.

En République populaire de Chine, le syndicat unique est le garant de l’ordre dans les entreprises. Un rôle qui a beaucoup contribué à le décrédibiliser. Le PCC constate qu’il lui manque des interlocuteurs crédibles là où un dialogue s’impose avec des ouvriers en colère. Le syndicat est contraint de se mettre en toute hâte aux côtés des grévistes, surtout quand ceux-ci ont désigné des représentants en vue d’une négociation collective.
« Arrêt actif du travail »

Pour les autorités, la priorité est désormais d’affirmer que ce qui se passe dans les usines est sous contrôle. Officiellement, on ne parle plus de « grève » mais « d’arrêt actif du travail ». D’ailleurs, les services de la propagande du Parti ont invité les journaux à traiter d’autres sujets. Sans que la presse internationale soit autorisée à le vérifier, l’activité semble avoir repris dans les usines les plus médiatisées. Si le mouvement se poursuit dans le pays, c’est discrètement. Seuls les SMS permettent aux ouvriers de savoir ce qui se passe vraiment d’une ville à l’autre.

Pour le gouvernement, l’heure n’est plus à laisser le malaise s’exprimer, mais à faire comprendre que le message a été reçu. Le 12 juin, le Premier ministre, Wen Jiabao, est allé sur le chantier d’une ligne de métro de Pékin dire à des jeunes ouvriers :

Votre travail est dur et doit être respecté car il contribue à la croissance des richesses du pays.

Les municipalités sont sommées d’organiser des activités sportives ou de karaoké pour faciliter l’adaptation des travailleurs migrants à la vie urbaine.

Les grèves en Chine ont ainsi attiré l’attention du pouvoir sur le mode de vie des ouvriers de l’industrie et du bâtiment. Le sociologue Jean-Louis Rocca (chargé de recherches à Sciences-Po et professeur de sociologie à l’université Tsinghua de Pékin) remarque que, dans le débat, « il n’est pas question du sort des millions de ruraux embauchés à la ville comme serveuses de restaurants, laveurs de carreaux ou ramasseurs d’ordures ». Sous-payés et mal logés, les titulaires de ces emplois précaires forment une sorte de prolétariat nombreux et éparpillé. Qui pourrait se faire remarquer si un jour il parvenait à se mettre en grève.

Richard Arzt

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