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L’oppression de la femme, ce n’est pas autrefois ni ailleurs : c’est maintenant et chez nous !

16 janvier 2016, 09:18

Des enseignant(e)s irakien(ne)s lancent une campagne pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes...

Afin de sensibiliser la population au problème de la violence à l’égard des femmes et de mettre en place des mesures concrètes visant à éradiquer ce fléau, le syndicat irakien Kurdistan Teachers Union (KTU) a lancé une série d’initiatives.

La dégradation des droits des femmes a véritablement commencé avec la guerre Iran-Irak, à partir de 1980. Ainsi que l’explique la féministe irakienne Houzan Mahmoud, « L’Irak, disait Saddam, a besoin que les femmes restent à la maison, fassent à manger pour leurs maris et leurs enfants, fassent preuve d’économie et ne dépensent pas trop, elles doivent aident le pays à s’en sortir. Tout cela a abouti à violer en permanence les droits des femmes. En particulier pendant la guerre entre l’Iran et l’Irak, les femmes représentaient plus de 70 % des fonctionnaires, mais dès que la guerre a pris fin, le régime les a renvoyées chez elles » . Les organisations de femmes étaient interdites, en dehors de l’Union des femmes irakiennes, c’est-à-dire de la branche féminine du part Baas.

Avec la première guerre du Golfe en 1991, la situation s’est empirée, lorsque, pour s’attirer le soutien des régimes et organisations musulmanes, Saddam Hussein a adopté un style plus conforme aux valeurs islamiques. Il va notamment lancer la « campagne de la fidélité », qui vise à l’élimination des prostituées par la décapitation. Journaliste à Elle, Annick Le Floc’Hmoan y a consacré une enquête, peu avant la chute du régime. Elle signale que « Souhayr Belhassen, vice-présidente de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (affiliée à la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme, FlDH), et Françoise Brié, chargée de mission de l’Alliance pour les droits de l’Homme, ont recueilli de nombreux témoignages à Amman (Jordanie) et à Damas (Syrie) auprès de réfugiés irakiens. Elles ont réuni les noms de 130 femmes dont la tête a été tranchée en public, l’an passé, en Irak. Un chiffre que l’on peut, au minimum, multiplier par deux : dans ce pays muselé, les décapitations sont ensevelies sous une lourde chape de silence » . Au demeurant, le qualificatif de prostituée n’est pas forcément en rapport avec l’activité professionnelle de la victime, mais plutôt une sorte de dévalorisation morale : « la majorité des femmes exécutées sont des femmes qui ont osé critiquer le régime ou des épouses d’opposants. Parmi elles, des épouses d’imams chiites, des présentatrices de télévision, des médecins, des gynécologues ».

Un symptôme évident de la dégradation de la situation des femmes dans la période de l’embargo imposé à l’Irak (1991-2003) est monté en flèche de l’illettrisme. Alors que le régime baasiste s’enorgueillissait, à juste titre, de ce que celui-ci était passé de 7 % à 75 % depuis la proclamation de la République, il était redescendu à 25 % en 2000, participant d’une déqualification massive des femmes . Cette chute n’est pas imputable seulement à la politique du régime, mais avant tout aux dures conditions économiques et sanitaires sous l’embargo, qui ont fait de la simple survie la priorité essentielle. Les veuves de guerre ou les femmes trop pauvres pour trouver un mari, ont été les plus fragilisées.

On peut en juger également par les résultats d’une étude sur les conséquences physiques de l’embargo sur la population féminine de Bagdad menée en 1998, à laquelle participa Amal Souadian, médecin nutritionniste que Catherine Simon, journaliste au Monde, a interrogé en février 2003 : « Sur les quelque 4 600 filles et femmes que son équipe avait alors auscultées, pesées et mesurées, il est apparu que 16 % des plus jeunes, âgées de 10 à 14 ans, souffraient de "malnutrition sévère" et 41 % de ‘malnutrition chronique’ - avec des répercussions sur leur taille notamment, ‘nettement en dessous de la moyenne’. La gent masculine a été moins touchée : à la table familiale, père et fils restent les mieux servis. »

L’une des mesures majeures prises par le régime de Saddam Hussein contre les femmes fut la tolérance légale du « meurtre d’honneur ». En 1990, Saddam avait introduit dans le nouveau code pénal l’article 111, qui exemptait de peine l’homme qui, pour défendre l’honneur de sa famille, tuait une femme . Meurtres d‘honneurs, c’est ainsi qu’on appelle le droit, pour un homme, de tuer sa femme, sa sœur ou sa fille s’il la soupçonne d’adultère ou de mauvaises mœurs, ou si elle a été violée. Il s’agit d’un pratique répandue dans tout le Moyen-Orient. Cet assassinat est le plus souvent, mais pas obligatoirement, déguisé en accident domestique. « Les femmes doivent faire attention à ne pas être tuées par leurs proches. Celles qui ont des relations sexuelles avant le mariage le font de façon clandestine et vivent dans la peur permanente de tomber enceintes et dans la crainte que leur famille découvre qu’elles ne sont plus vierges. Les valeurs et la mentalité islamiques imprègnent encore la société : une jeune fille doit rester pure, vierge, avant le mariage » explique Houzan Mahmoud.

Il faut noter qu’au Kurdistan, autonome de fait de 1991 à 2003, la législation baasiste contre les femmes a perduré longtemps, et cela malgré une plus grande participation des femmes à la société civile, au gouvernement et dans les forces peshmergas. Officiellement, la loi sur les meurtres d’honneur n’a été abolie qu’en 2000 dans la zone contrôlée par l’Union patriotique du Kurdistan (UPK). Dans la zone contrôlée par le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) plus de 500 meurtres d’honneurs auraient été commis rien que durant l’année 2000, selon les chiffres fournis par le gouvernement régional lui-même , et la loi baasiste ne semble pas avoir été abolie. Dans tous les cas, les nationalistes au pouvoir tolèrent cette pratique et n’ont mis en place aucun dispositif pour les combattre. Au contraire, durant cette même année 2000, les locaux de l’Organisation indépendante des femmes, y compris le foyer qu’elle avait créés à Solymanieh pour héberger de façon sûre les femmes recherchées par leur famille pour être tuées, ont été autoritairement fermés par l’Union patriotique du Kurdistan. Ouvert en 1998, ce foyer avait été créé avec le soutien d’organisations féministes européennes. Plus de 400 femmes y avaient séjourné. Cette mesure visait aussi largement à affaiblir l’influence grandissante du Parti communiste-ouvrier d’Irak, auquel l’Organisation indépendante des femmes (OIF) était liée.
Le 14 juillet 2000, les forces armées de l’UPK étaient entrées dans le foyer et au local de l’OIF, avaient arrêtées les militantes, saisi les biens et les fichiers et fermé l’un et l’autre. Douze femmes et cinq enfants y résidaient alors. Si l’équipe du foyer fut relâchée peu après, trois des gardes du corps du foyer, ainsi que les résidentes et leurs enfants, furent conservées en prison. Le lendemain même, un homme assassina sa sœur, ayant appris qu’il ne courrait plus le risque d’être lui-même inquiété par les gardes armés de l’OIF et du Parti communiste-ouvrier. Et quelques jours plus tard, c’est Nasreen Aziz, l’une des anciennes résidentes du foyer, qui était assassinée par son frère .

Malgré les prétentions officiellement affichées par les dirigeants américains à instaurer la démocratie et libérer les femmes en Irak, et contrairement aux attentes mêlée de méfiance de la population, l’occupation par les forces coalisées, la situation est loin de s’être améliorée depuis mars 2003. Le chaos instauré par la guerre entre forces d’occupation et la guérilla urbaine a rendu la vie des femmes plus dure encore. Le voile, considéré auparavant comme ringard, devient une nécessité pour les femmes qui veulent sortir sans trop de risques dans la rue. Outre les insultes, les islamistes ont recours à la violence pour les y contraindre, allant jusqu’à lancer du vitriol au visage de certaines. Les viols se multiplient, les enlèvements et les ventes de femmes également, selon un tarif fixé : 200 $ pour une vierge, la moitié seulement si elle ne l’est pas.

Mais surtout, c’est le conseil intérimaire du gouvernement mis en place par les occupants qui a tenté, sous la pression des organisations islamistes participantes , en février 2004, de remplacer la loi sur le statut personnel par la charia. Ces partis liés au régime islamique d’Iran (al’Dawa, Conseil suprême pour la révolution islamique en Irak ) partagent avec leurs opposants de la résistance religieuse le projet d’établir un état islamique en Irak, même s’ils ont choisi une autre tactique pour y parvenir.

Lors des discussions sur la future constitution de l’Irak, l’établissement de la charia était l’objectif principal des islamistes, leur unique programme social. La « résolution 137 » du Conseil de gouvernement provisoire - où ne siègent que trois femmes sur vingt-deux membres - leur offrait satisfaction sur le statut des femmes , même si Paul Bremer, représentant de l’administration US, semblait y être hostile. Elle suscita la réprobation de la population irakienne. Malgré le danger que cela représentait plus de quatre-vingt cinq organisations de femmes, appelèrent à des manifestations et obtinrent le retrait de la résolution 137, moins d’un mois après sa proclamation.

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