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Est-ce le terrorisme islamiste qui déstabilise le monde ou est-ce le capitalisme US et mondial, déstabilisé par sa crise, qui transforme progressivement le monde en guerre mondiale ?

8 janvier 2010, 12:53

Des articles font état d’attaques au Pakistan par des troupes américaines au sol

Par Bill Van Auken

8 janvier 2010

En plein milieu d’une crise politique au Pakistan et des troubles faisant suite aux attaques de missiles américains ainsi qu’à l’emploi de mercenaires, il a été révélé qu’au cours des cinq dernières années, les troupes d’opérations spéciales américaines ont mené un certain nombre d’opérations clandestines en franchissant la frontière, dans ce qu’on appelle la zone tribale du pays.

Selon un « ex-officier de l’OTAN » cité dans un article du quotidien britannique Guardian de mardi, ces raids impliquaient « des soldats d’élite emmenés en hélicoptère, passant discrètement la frontière de nuit, et n’ont jamais été déclarés au gouvernement pakistanais. »

La seule incursion admise publiquement par les forces américaines a eu lieu le 3 septembre 2008, des commandos de marine avaient été transportés en hélicoptère dans un village du Sud Waziristân, pour s’introduire dans trois bâtiments et massacrer 20 personnes. Washington a affirmé que ces morts étaient des combattants d’Al Quaida, mais le gouvernement pakistanais a déclaré que toutes les victimes n’étaient que des villageois, dont six femmes et deux enfants.

Cet incident avait provoqué une vague d’indignation au Pakistan, le gouvernement dénonçant ces attaques comme une « grave provocation » et le parlement du pays exigeant que l’armée utilise la force pour empêcher toute violation à venir de la souveraineté nationale. Des officiels américains ont déclaré à la presse sous le couvert de l’anonymat que le régime pakistanais avait donné son accord à ce raid, ce qu’Islamabad a démenti énergiquement.

Selon le Guardian, cependant, ce raid était le quatrième de la sorte à se produire entre 2003 et 2008. Deux des précédents assauts étaient des assassinats similaires contre des personnes soupçonnées de faire partie d’Al Quaida, et un troisième avait été lancé pour récupérer un drone Predator qui avait été abattu, l’armée américaine craignant que la résistance afghane ne s’en empare.

À la suite du raid de 2008, il a été rapporté que le président George W. Bush avait pris une décision confidentielle autorisant l’armée américaine à mener des attaques transfrontalières au Pakistan au prétexte que ce pays et l’Afghanistan faisaient tous deux partie du même théâtre d’opérations dans la « guerre globale contre le terrorisme. »

Cette ligne de conduite semble apparemment être suivie par Barack Obama et est sur le point d’être intensifiée dans le cadre du renforcement des moyens militaires organisé par son gouvernement, qui envoie au minimum 30 000 soldats supplémentaires en Afghanistan.

Depuis qu’Obama a pris ses fonctions, la CIA et l’armée américaine ont doublé le nombre des attaques de missiles lancées depuis les drones sans pilote Predator, tuant des centaines de civils Pakistanais. Maintenant, le gouvernement américain exige que le gouvernement pakistanais accepte une nouvelle extension des attaques de drones et qu’il mène sa propre offensive militaire contre les forces de la résistance afghane qui opèrent depuis la Zone tribale sous administration fédérale du Pakistan, près de la frontière afghane.

Un flot continu d’officiels américains, dont le directeur de la CIA Leon Panetta et le président de la réunion interarmes des chefs d’état-major, l’Amiral Mike Mullen, ont fait le voyage jusqu’à Islamabad pour faire pression sur le gouvernement du Président Asif Ali Zardari et l’armée pakistanaise et les remettre dans le droit chemin du renforcement militaire d’Obama.

Ces officiels ont exigé de l’armée pakistanaise qu’elle lance une attaque contre ce qu’ils qualifient de sanctuaires du "réseau Haqquani" au Waziristân du Nord. Ce groupe est dirigé par Sirajuddin Haqquani et son père Jalaluddin. Dans les années 1980, ce dernier était l’un des principaux bénéficiaires de l’aide en armes et en argent apportée par la CIA dans la guerre contre le régime pro soviétique de Kaboul.

Washington insiste également pour que le gouvernement Pakistanais lui donne le feu vert pour l’extension des attaques de missiles par drones depuis les zones tribales du Balûchistân, la plus grande province du Pakistan. Le Balûchistân est voisin de la province afghane du Helmand, là où se concentre l’essentiel des opérations américaines et britanniques contre l’insurrection.

Des articles de presse aux États-Unis et au Pakistan indiquent que les représentants américains sont allés jusqu’à proposer des attaques de drones contre Quetta, une ville de 600 000 habitants. Le pentagone et les services de renseignement américains affirment que les dirigeants talibans, dont le Mollah Omar, fondateur du mouvement, préparent et dirigent les opérations militaires en Afghanistan depuis une cachette dans cette ville.

Le quotidien pakistanais Dawn a écrit mercredi que « les sources diplomatiques indiquent que les dirigeants pakistanais ont tous sans exception été mis en garde par divers représentants des États-Unis que si le Pakistan ne prenait aucune décision, les Américains pourraient prendre des mesures directes, y compris l’extension des attaques de drones au Balûchistân. »

Les tensions se sont accrues entre Islamabad et Washington. Alors que le gouvernement Pakistanais et l’armée ont depuis longtemps obéi au doigt et à l’œil à l’impérialisme américain dans la région, cette guerre en Afghanistan voisin et les incursions américaines au Pakistan menacent de déstabiliser tout le pays. Par souci de se préserver, l’élite dirigeante pakistanaise semble renâcler devant les dernières exigences américaines.

Cela a transparu dans une comparution jeudi du ministre des affaires étrangères Shah Mahmoud Qureshi devant le comité des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, durant laquelle il a critiqué la stratégie d’escalade du gouvernement Obama.

Selon un communiqué du ministère des affaires étrangères, il a déclaré aux députés que le gouvernement Zardari ne permettrait pas aux troupes des États-Unis ou de l’OTAN d’entrer au Pakistan pour ce que l’on appelle des « poursuites urgentes », et qu’il n’autoriserait pas non plus l’extension de la campagne de bombardements par drones.

« Il y a de sérieuses implications pour le Pakistan dans la nouvelle stratégie américaine en Afghanistan, » citait le communiqué. « Suite à l’intensification militaire, il pourrait y avoir plus de violences en Afghanistan ce qui pourrait, à son tour, entraîner un nouvel afflux de militants et de réfugiés afghans au Pakistan. »

Le ministre a qualifié les attaques de drones de « contre-productives et inutiles. » Cette position officielle du gouvernement est cependant infirmée par le fait que la CIA lance ces attaques depuis une base aérienne au Balûchistân, donc avec la bénédiction d’Islamabad.

L’Associated Press a, au même moment, cité un « diplomate américain de haut rang » anonyme, disant que « de nouvelles actions américaines contre le réseau Haqquani sont attendues, » et que cela « serait soutenu par le Pakistan. »

Pour l’instant, l’armée pakistanaise a rejeté les demandes américaines de lancer une nouvelle offensive au Nord Waziristân contre les forces des Haqquani. Elle a maintenu que ses troupes sont déjà engagées dans une offensive au Waziristân du Sud et qu’elle ne peut pas mener les deux campagnes simultanément.

« On ne peut pas se battre sur autant de fronts, » a déclaré un officiel de la sécurité pakistanaise au Times de Londres.

Cette attitude a provoqué la colère de Washington, qui affirme toujours que le gouvernement pakistanais est prêt à lancer des attaques contre les militants talibans au Pakistan qui lancent des attaques à l’intérieur du pays mais ne fait rien contre les éléments qui utilisent le Pakistan pour lancer des attaques contre les forces d’occupation américaines en Afghanistan tout proche.

Ce qui fonde la position pakistanaise, selon de nombreux analystes, ce sont les liens établis de longue date entre les Haqquani et le service de renseignement militaire pakistanais, l’ISI (Inter-Services Intelligence - renseignements interservices).

L’influence du Pakistan sur les Talibans, et les éléments de la résistance qui leur sont associés est vue comme un moyen d’assurer la préservation des intérêts pakistanais en Afghanistan une fois que les États-Unis seront contraints à évacuer le pays. Islamabad craint particulièrement le développement d’une présence indienne en Afghanistan.

« Si l’Amérique s’en va, le Pakistan est très inquiet d’avoir l’Inde à sa frontière Est et l’Inde en Afghanistan à sa frontière Ouest, » a déclaré un ex-ambassadeur pakistanais aux États-Unis, Tariq Fatemi, au New York Times.

La crise politique du régime pakistanais contribue également à l’aggravation des tensions entre les États-Unis et le Pakistan, une décision de la Cour suprême Afghane annulant une amnistie obtenue par le gouvernement Bush à l’époque de l’ex-dictateur militaire, le Général Pervez Musharraf, a ébranlé le régime. Cette amnistie négociée protégeait les politiciens du Parti populaire Pakistanais (PPP) de Zardari contre des poursuites pour corruption.

Actuellement, le ministre de la défense Ahmed Muktar et le ministre de l’intérieur Rehman Malik, deux des principaux coordonnateurs de la politique militaire avec Washington, doivent faire face à la justice et ont été interdits de quitter le territoire. Les partis d’opposition ont demandé la démission du gouvernement.

Le représentant spécial du gouvernement d’Obama pour l’Afghanistan et le Pakistan, Richard Holbrooke, a commenté ce qu’il appelle un « drame politique majeur qui se déroule à Islamabad. » au cours d’une interview par Charlie Rose à la télévision publique américaine.

« Comment cela va se terminer, cela reste à voir, » a déclaré Holbrooke, ajoutant, « c’est quelque chose que nous suivons de très près. »

Toujours au cours de cette interview, Holbrooke a qualifié de « dilemme » le fait que « les dirigeants d’Al Quaida et des Talibans soient tous deux dans un pays proche où nos troupes ne peuvent pas se battre. » Il a affirmé que les États-Unis devraient « trouver d’autres moyens » de régler ce problème. Il a également défendu les attaques de drones, que les organisations de défense des droits de l’homme appellent des exécutions extrajudiciaires : « Certains des gens les plus dangereux du monde… ne sont plus en vie aujourd’hui, » grâce à ces frappes, a-t-il dit.

Mais ces frappes de missiles, ajoutées à la présence de plus en plus importante des États-Unis au Pakistan, provoquent une opposition populaire croissante.

Cela a pris la forme au cours des semaines récentes de manifestations dans plusieurs villes pakistanaises contre la présence alléguée de mercenaires américains dans le pays de la tristement célèbre compagnie de mercenaires Blackwater-Xe.

Des milliers de gens se sont rendus à une manifestation anti-Blackwater dimanche à Rawalpindi, la quatrième ville du Pakistan, qui abrite le quartier général de l’armée. À l’appel du Jamaat-e-Islami, le plus grand parti islamiste du Pakistan, et sous le slogan « Dehors, l’Amérique, Dehors, » les orateurs ont dénoncé Blackwater comme des « terroristes américains » et ont accusé Washington de saper la souveraineté pakistanaise et de chercher délibérément à déstabiliser le pays pour prendre le contrôle de ses armes nucléaires.

Le week-end dernier, des centaines d’avocats du barreau d’Islamabad ont organisé une autre manifestation anti-Blackwater devant l’école de police de Sihala, demandant que le gouvernement expulse les instructeurs étrangers, qui sont, suivant les accusations des manifestants, des salariés de Blackwater. Les avocats et ceux qui les avaient rejoints ont également affirmé que les opérations d’entraînement servent en fait de couverture à de l’espionnage américain sur la centrale nucléaire de Kahuta toute proche. Après la manifestation, le gouvernement pakistanais a annoncé qu’il allait déplacer l’école de police dans le quartier général de la police d’Islamabad.

Blackwater a changé son nom en Xe Services en raison de la réputation morbide qu’elle s’était taillée après le massacre de 17 civils irakiens par ses soldats en 2007.

Les dirigeants de Blackwater comme ceux de Washington nient avoir déployé du personnel au Pakistan. Pourtant, de multiples articles de presse aux États-Unis et en Grande-Bretagne ont cité des officiels américains actuels et passés qui déclaraient que cette compagnie de mercenaires est effectivement active au Pakistan.

Jeremy Scahill, auteur du livre Blackwater : l’émergence de l’armée mercenaire la plus puissante du monde, a déclaré dans le magazine Nation le mois dernier que Blackwater joue un rôle de premier plan dans la récolte d’informations pour les attaques de drones et dans leur exécution, et qu’elle est « au cœur d’un programme secret dans lequel ils organisent des assassinats ciblés de Talibans présumés et d’agents d’Al Quaida. »

Les attaques de drones, les raids derrière la frontière menés par les troupes d’opérations spéciales et l’usage des mercenaires américains, couplés à l’intensification de la pression par Washington pour que l’armée pakistanaise étende ses offensives militaires aux régions de l’Afghanistan immédiatement derrière la frontière, contribuent toutes à la déstabilisation politique de ce pays de 180 millions d’habitants, doté de l’arme nucléaire.

Mené en secret et dans le dos du peuple américain, cet élément fondamental de l’escalade militaire organisée par le gouvernement Obama menace de déchaîner une guerre bien plus grande.

(Article original paru le 24 décembre 2009)

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