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Comités d’action à l’époque du Front populaire

10 septembre 2013, 15:35

"En prônant la "paix sociale", l’unité française", les Blum, les Thorez, les Jouhaux, chacun à sa façon et tous ensemble, ont désarmé la classe ouvrière. Ils l’ont livrée, pieds et poings liés, à un adversaire impatient de prendre sa revanche. (...) le plus néfaste a été de faire accroitre aux travailleurs que le gouvernement de Front Populaire à direction socialiste et active participation radicale était, en quelque sorte, leur gouvernement. Comme l’a souligné Trotsky, les ouvriers furent incapables de reconnaître l’ennemi, car on l’avait déguisé en ami. leurs chefs entourèrent le pouvoir bourgeois d’un écran qui dissimula sa véritable nature, le rendit méconnaissable, donc invulnérable. (...) Ce gouvernement providentiel sera, en réalité, un gouvernement débile. Écartelé entre des masses encore relativement turbulentes (malgré tous les appels à la "concorde" lancés à leur seule adresse) et un patronat décidé à sabrer les conquêtes sociales, il ne disposera d’aucun appui vraiment stable, et il en sera réduit à pratiquer un perpétuel jeu de bascule : maintenir le contact avec les masses, tout en freinant leur élan ; rechercher le soutien des groupes capitalistes les moins réactionnaires, mais en subissant leurs conditions (...) La retraite opérée sous le drapeau du front Populaire s’achèvera en une écrasante défaite. Mais, la dialectique des luttes sociales étant complexe, cette évolution ne sera ni rectiligne ni unilatérale. Pendant toute une période, la classe ouvrière continuera, dans une certaine mesure, à aller de l’avant. Elle se démystifiera. Elle consolidera son organisation, ses points d’appui, ses systèmes de solidarité. elle poursuivra son recrutement, atteignant le chiffre record de cinq millions de syndiqués. Elle réagira avec vigueur contre les coups que lui porteront, tantôt la réaction, tantôt les fascistes. Elle n’hésitera pas à recourir, en maintes occasions, le plus souvent malgré ses mauvais bergers, à l’arme de la "grève sur le tas". (...)

L’ordre lancé par Maurice Thorez, le 11 juin, d’en terminer avec les grèves n’avait été que très incomplètement suivi. Pendant la seconde quinzaine de juin et tout le mois de juillet, les "grèves sur le tas" continuèrent à faire boule de neige. Après l’accalmie du mois d’août, pendant lequel l’application des congés payés provoqua, pour la première fois, la fermeture de nombreuses entreprises, les "occupations" reprirent de plus belle. (...) le ministre de l’Intérieur, le socialiste Salengro, avait juré d’y mettre un terme "par tous les moyens appropriés". (...) Le 7 octobre, Blum passa des gémissements aux actes : deux cent cinquante gardiens de la paix forcèrent la porte de la Chocolaterie des Gourmets, rue Violet, à paris, et, après une dure bagarre, en expulsèrent les "occupants". (...) Au début de juin 1937, la crise financière s’est aggravée (...) ,Blum annonce soudain qu’il démissionne et passe la main au radical Camille Chautemps. (...) Le 2" décembre 1937, à Colombes, la gigantesque usine Goodrich fut occupée par son très nombreux personnel. (...) Le 30, à l’aube, le camarade Max Dormoy, toujours ministre de l’Intérieur, fit encercler l’entreprise par six cents gardes mobiles, avec mission de déloger les grévistes. (...) En fin de journée, quelque trente mille ouvriers, accourus, entouraient le "fort" Goodrich. (...) les sbires de Dormoy durent battre en retraite. Mais les staliniens de l’Union des Syndicats de la région parisienne, Eugène Hénaff en tête, exigèrent, le 9 janvier, le respect d’une sentence arbitrale de compromis, qui équivalait à une capitulation."

Daniel Guérin dans "Le Front Populaire, révolution manquée"

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