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1649 : les révolutions de France et d’Angleterre

6 janvier 2010, 10:40, par MOSHE

La reine disait en 1643 que Mazarin n’était pas dangereux pour les femmes, qu’il avait d’autres mœurs. Deux ans après, elle lui confie son fils. La lutte du pauvre valet de chambre pour garder cet enfant (dans l’abandon dénaturé où le laisse sa mère), pour en faire un honnête homme, malgré tout le monde, est une chose très belle à lire. La Porte essaye d’apprendre un peu d’histoire de France au roi de France ; il lui lit Mézeray. Mais Mazarin se fâche. On verra ce qu’il lui apprit. Le jeune roi était très beau, bien né et bien doué, sans grand éclat d’esprit, mais d’un bon jugement. Il préférait La Porte, malgré toutes ses sévérités. Il leur fallut chasser cet honnête homme pour que l’enfant cédât aux vices. On verra, La Porte chassé, comment allèrent les choses, et dans quel bourbier allait tomber l’enfant si de bonne heure il n’eût eu des maîtresse. Les femmes le sauvèrent de l’effroyable éducation de Mazarin. La révolution de la Fronde, songeons-y bien, fut une révolution morale. On a fort obscurci ceci. Mais il faut le tirer à clair. Plus on était dévot au culte, à l’idolâtrie royale, moins on pouvait laisser cette innocente idole, sur qui portait la destinée d’un peuple, aux mains d’un homme dont la reine elle-même ne contestait pas l’infamie. La Fronde, au total, fut la guerre des honnêtes gens contre les malhonnêtes gens . Lenet, l’homme des princes et l’ennemi des parlementaires, qui ne déguise pas leurs sottises, déclare pourtant qu’ils furent en général « des hommes de grande vertu ». Que la corruption d’idées entrât dans ces familles, même celle des mœurs chez les jeunes magistrats qui imitaient la cour, je ne le nie pas. Mais les habitudes étaient honnêtes et régulières, et la vie sérieuse, laborieuse. Et tranchons tout d’un mot dont on sentira la portée : la vie noble, la fainéantise, avait tout envahi ; les magistrats seuls travaillaient. Regardez sur la Seine, au quai de la Cité, en vue de la Grève, une vieille maison triste et tournée au nord. Là demeurait celui dont les Mémoires se moquent, le courageux Broussel, un bon, digne et grand citoyen. Harlay et Molé, intrépides, n’en ont pas moins molli, on l’a vu et on va le voir, au vent corrupteur de la cour. Leurs enfants en furent cause, et leurs mauvaises affaires, et leur besoin d’argent. Ils avaient cent mille francs par an. Broussel n’eut pas de tels besoins ; il avait quatre mille livres de rente, et ne voulut point davantage. Avec cela, il éleva une grosse famille et vécut honorablement. Ce n’était plus le temps des grands jurisconsultes. On n’aurait plus vu des princes d’Empire régler des successions d’États indépendants sur la consultation d’un avocat de Paris. Un radotage immense d’ordonnances non exécutées entravait, embrouillait le champ légal, laissait aux juges un arbitraire sans bornes. Pauvres, ils donnaient à qui ils voulaient des millions, et voyaient la cour à leur porte. Jamais le Parlement n’eut plus besoin de probité. Broussel ferma sa porte, ou ne l’ouvrit qu’aux pauvres. Il avait alors soixante-quatorze ans, donc trente-six en 1610, à la mort d’Henri IV. Il en garda l’impression, et pour toujours resta l’adversaire de la cour, l’ennemi des ennemis de la France. A sept heures du matin, ce doyen des grondeurs venait siéger au Parlement, auprès du rêveur Blancménil, pur, utopiste et fou, non loin de l’ambitieux et très dissimulé Longueil, du président Charton, honnête, borné et violent, d’une vulgarité proverbiale, qui finissait toujours par un mot attendu et risible : « J’dis ça. » Broussel n’était pas ridicule. Tous ses avis étaient marqués d’un caractère de simplicité forte et courageuse, nullement exagérée, quoi qu’on ait dit. C’est le défaut contraire qui le fit échouer, lui et le Parlement. Les révolutions étrangères qui avaient lieu alors, loin d’enhardir, terrifièrent ces pauvres gens de bien. Celle d’Angleterre leur fit horreur en leur montrant le billot de Charles Ier. Celles de Naples et de Sicile leur firent peur ; ils crurent voir de la Grève ou de la Grenouillère sortir un Mazaniello. Bref, leur modération les mena, par une voie étrange, au terrorisme ; quand les princes égorgèrent Paris, ils se trouvèrent sans force, sans espoir ni ressource que de subir le Mazarin. Broussel était-il janséniste ? Je ne le vois pas. Mais il l’était de mœurs. L’austérité du jansénisme, sinon son dogme, avait fait d’honorables progrès dans le Parlement. Cette fronde religieuse avait précédé la fronde politique, et indirectement y aida fort. Le jansénisme était l’aîné. Déjà alors il était constitué. Il avait son Pathmos au monastère des vertueuses et disputeuses dames de Port-Royal. Son saint Jean fut le grand martyr Duvergier de Hauranne, le prisonnier de Richelieu. Sa nuit de Pentecôte est celle où, le corps du martyr étant encore exposé à Saint-Jacques, la mère Angélique arme son chapelain d’un rasoir, et lui dit : « Je veux, je veux les mains de M. De Hauranne, les mains qui consacraient le pain de Dieu pour moi. » Il obéit. Le sacrilège pieux s’accomplit dans l’église. Et, du moment que la relique est déposée à Port-Royal, les langues se délient, le génie polémique, jusque-là contenu dans les énigmes de De Hauranne, éclate, strident et provocant par la voix des Arnauld. Le manifeste fut le beau livre, grave et fort, incisif, contre la Fréquente communion, contre la prostitution quotidienne que les Jésuites faisaient de l’hostie, faisant litière du corps de Jésus et le prodiguant aux pourceaux. L’effet fut saisissant, le contraste violent et terrible, le Calvaire retrouvé pour l’effroi des marchands du Temple, la pâle tête du Crucifié et sa sainte maigreur foudroyant l’embonpoint ventru du Père Douillet. Les Jésuites tombent à la renverse. Éperdus, sachant trop que leur galimatias ne les sauvera pas de ce livre, ils trottent à Saint-Germain, vont pleurer chez la reine, chez le bon cardinal. De fripons à fripons, on s’aide et on s’entend. Ce Mazarin, qui fait la guerre au pape pour que son frère ait le chapeau, dès qu’il ne s’agit que de Dieu, est plus Romain que Rome ; il lâche et cède tout. Scandaleuse ignorance de la tradition de la France dans un homme qui la gouvernait. Il fait décider par la reine qu’un Français doit aller à Rome, et soumettre sa doctrine au pape, c’est-à-dire aux Jésuites, contre qui son livre est écrit. La Sorbonne réclame. Le Parlement réclame, toutes les chambres du Parlement veulent s’unir, s’assembler. Alors notre homme prend peur. Vite il s’explique, excuse sa sottise par une sottise : il n’a pas voulu soumettre un Français au jugement de l’étranger, mais éclaircir à l’amiable un point de théologie (1644). Il faut la guerre pour pêcher en eau trouble. Mazarin vivait de la guerre et d’une victoire annuelle de Condé, qui lui donnait la force, à l’intérieur, de faire la guerre aux bourses. 1° Guerre aux propriétaires. Il trouve un vieil édit fait le lendemain de l’invasion de Charles Quint, quand on venait de craindre un siège, lequel défend d’étendre les faubourgs. Mais Paris, en cent ans, avait grossi, grandi, débordé de tous côtés. Les pauvres logeaient dans cette banlieue, sous des maisonnettes de boue qu’ils se faisaient eux-mêmes. Un matin, les gens du roi, avec des troupes, viennent toiser ce Paris nouveau qu’on va abattre si l’on ne paye sur l’heure

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