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Tract du premier mai

3 mai 2009, 19:03

Bonjour,

Je reviens sur votre tract Premier mai, dont le commentaire que j’en ai
fait était trop hâtif. Pas assez l’habitude de rédiger, voilà tout. Je
réaffirme en préalable qu’il suscite la réflexion.

Dans le § "Comment lutter contre les licenciements ? Faut-il suivre la
stratégie des centrales syndicales ?", vous opposez le "Tous ensemble" à
la défense boîte par boîte", chacun son emploi... et avancez la
nécessité d’unir les travailleurs par delà les secteurs. D’accord. En
même temps, on peut poser que la nécessité de s’unir viendra des
travailleurs eux-mêmes.
N’empêche, les meures que vous mettez en avant sont trop
"lutte-ouvrièriste". Se payer sur les profits présents, passés et futur
des patrons, c’est du radicalisme à pas cher, un slogan
« revanchard », qui fait l’impasse - hélas sans doute consciemment
pour LO - sur l’essentiel.
En effet, si l’on était dans un tel rapport de force, il faut bien
s’imaginer que le fonctionnement, ou du moins le contrôle des
entreprises, seraient déjà passé de fait entre nos mains et que les
patrons ne seraient plus maîtres chez eux. Nous déciderions donc de les
maintenir en place uniquement dans le dessein de piocher dans leur profits
 ? (On ne saurait imaginer de profits, en effet, sans que les patrons
restassent en place.) Que l’on fasse main basse sur une caisse noire, que
les travailleurs des banques, sur mandat des comités, opèrent des
confiscation-transferts, du moins tant que la notion de compte est encore
valide et que la monnaie a cours, c’est une chose, une bonne chose même.
Offrir la seule perspective de se servir indéfiniment "sur la bête", et
pour cela faire perdurer le mode de production capitaliste - tant que LE
parti ne décidera pas du contraire - c’en est une autre.
Alors qu’est-ce qui est essentiel ? Eh bien, c’est l’expérience concrète
du comité, du conseil, appelons-çà comme on voudra.
L’expérience du double pouvoir c’est la constatation, historiquement /
expérimentalement fondée, que la classe travailleuse, pour sa survie,
pour arracher ses revendications, poursuit une politique ouvrière dans
les habits du capitalisme qu’elle commence à jeter aux orties.
L’équilibre n’est jamais atteint et la base légale inexistante. Les
marxistes-révolutionnaires, dans ces conditions, nous diraient de
préserver la chèvre et le chou ? de ne pas trop attenter à la
propriété pour préserver les profits futurs sur lesquels nous nous
servirions ? Et ils feraient cela sans doute au nom d’une vision
d’ensemble, et pourquoi pas de l’ "intérêt" général" ! Vous allez dire
que non, et qu’à ce nouveau moment de la mobilisation correspondraient des
mots d’ordre s’orientant dans un sens ouvertement anti-capitaliste et de
renversement de la propriété. Cachotiers, va !

Le mode de production capitaliste peut s’effondrer en 24 heures. Le MPC
est un système de choses. Les visions d’horreur qu’ont les capitalistes
de sa chute dépassent sans doute nos rêves les plus fous concernant sa
destruction. Les cris d’orfraie du NPA lors du déclenchement de la crise
financière en dit long sur l’auto-limitation que nous nous infligeons.
Or, ce qui commence à se jouer dans un fonctionnement véritablement
conseilliste, ce n’est pas le démontage du système, façon
sous-préfecture, c’est le déjà-bouleversement des rapports de
production. C’est nécessairement avec la claire conscience qu’ils
s’approprient les rouages essentiels de la société que les travailleurs
commencent à tordre le cou au MPC dans les organes de double pouvoir. Et
cette conscience en même temps que l’expérience de l’exercice du pouvoir
nourrit la volonté d’aller plus loin. Les marxistes ne parlent guère de
volonté mais le passage de « l’en soi » ou « pour soi » peut en
tenir lieu. Quel est le problème ?

C’est qu’à un moment, pour une raison que je ne parviens pas encore à
appréhender théoriquement, les marxistes se campent en extériorité
complète vis à vis de la classe travailleuse pour ne lui laisser que la
conscience et lui interdire la volonté. C’est un peu comme s’ils avaient
le privilège de délivrer les brevets de passage de « l’en soi » au
« pour soi ».

Revenons au contenu du tract, à ce qu’il implique selon moi.

La révolution sociale impliquera dans ses premiers linéaments une
gestion expropriatrice de l’économie dans la mesure où ses agents seront
d’emblée des sujets conscients et agissants. Elle ne participera en aucune
manière d’une "autogestion" ( vulgaire technique de management ) de
l’économie en même temps qu’un système représentatif décrétera
l’interdiction des licenciements, l’imposition de telle ou telle mesure,
via la ré-émergence d’un exécutif, en un mot la survie de l’Etat.
Pour les marxistes, la production est déjà socialisée (d’ailleurs LO se
courrouce fort à la simple évocation de la "socialisation des moyens de
production"). Pour les anarchistes et les conseillistes, la modification
des rapports de production est déjà à l’oeuvre dans la lutte
revendicative. Voire, c’est même ce qui peut la motiver (lutte
anti-autoritaire, lutte contre tous les effets de domination).
C’est sur notre volonté de mettre en oeuvre nos savoir et nos techniques,
nos arts, envers et contre la barbarie du système capitaliste, dans le
contexte « accidentel » de sa crise – mais son fonctionnement
« ordinaire » n’est pas moins destructeur -, que sera fondée la
Révolution sociale. Elle ne résultera pas d’un soubresaut inconscient ou
semi-conscient (allez, soyons prodigues) des forces productives, aiguillée
de l’extérieur.

Si les travailleurs de Continental, de Caterpilar prenaient physiquement
le contrôle de leur entreprise, ils pourraient lancer un appel aux
travailleurs de « leurs » fournisseurs, et adresser leur ( là, pas de
guillemets !) production à la société. Au moins dire qu’ils sont prêts
à cela. Ce n’est pas plus dur, en terme de « sacrifices » – et vous
les évoquez fort justement en tant que catégorie subjective -, que de
lutter pour une loi « interdisant les licenciements dans les entreprises
qui font des profits et qui licencient quand-même, les méchantes ». Bien
sûr des pneus, des engins BTP, ça ne se vend pas à la sauvette comme les
montres Lip en son temps. Cette politique, menée en conscience par les
travailleurs eux-mêmes, représenterait un appel d’air formidable à la
combativité, à l’audace révolutionnaire. Et la réaction paniquée de
la bourgeoisie compterait sûrement pour beaucoup dans la prise de
conscience qui résulterait de cet affront à la propriété.

Nous avons connu récemment les prémices de ce qu’une telle politique est
possible. Réagissant aux dire de certains békés affirmant qu’ils ne
pourraient pas honorer les accords Bino, Elie Domota leur a suggérer
d’aller se faire voir ailleurs. Ce fut une explosion de haine dans la
presse bien-pensante. Même une fraction de l’opinion « de gauche »
disait que là, non, c’était aller trop loin. Or Elie Domota n’a rien dit
qui ne choqua les travailleurs guadeloupéens organisés dans ou soutenant
le LKP.
Aurait-il résulté du départ des békés la mise en friche des
bananeraies ? la fermeture des entreprises qu’ils auraient laissées
derrière eux ? Fichtre non ! Et l’on comprend ce qui a motivé ce
mouvement de haine ou l’expression de cette auto-limitation.

Comment ? l’on accepterait que les capitalistes s’implantent ici plutôt
qu’ailleurs, disparaissent au gré de la concurrence effrénée à
laquelle ils se livrent, ruinant des vies entières ? réapparaissent là,
fusionnent, s’entre-déchirent à nouveau ? et l’on aurait des scrupules à
ce qu’ils plient bagages parce qu’ils ne pourraient soit-disant pas
satisfaire nos légitimes revendications ? Faut-il que l’on ait renoncé
à beaucoup de choses pour avoir ces hésitations ! De l’audace ! gestion
expropriatrice de l’économie, tout de suite !
C’est un peu le sens que vous donnez à votre assertion : « Si le
Capital refuse de fournir un salaire au Travail, les travailleurs doivent
se passer du Capital pour faire fonctionner la société », non ?

En passant, vous vous apercevez que la lutte économique n’est pas
exclusive de la lutte politique !

Alors pourquoi vous empêtrer avec les mots d’ordre faisant le lit du
« capitalisme d’état », façon LO ? cf § « Sur quelles
revendications unir la classe ouvrière ? », avec le programme de
transition en guise de bréviaire ? cette politique des cachotiers, des
stratèges et des tacticiens ?

Holà, c’est polémique, çà !

Frédéric

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