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La révolution française et nous, Daniel Guérin

30 décembre 2016, 12:54

Pétion, maire de Paris, cherche auprès de sa classe à ramener l’union. « Le Tiers État est divisé, écrit-il à Buzot le 6 février 1792 et voilà la vraie cause de nos maux. La bourgeoisie, cette classe nombreuse et aisée, Fait scission d’avec le peuple, elle se place au-dessus de lui ; elle se croit de niveau avec la noblesse qui la dédaigne et n’attend que le moment favorable pour l’humilier… Le peuple, de son côté, s’irrite contre la Bourgeoisie, il s’indigne de son ingratitude, il se rappelle les services qu’il a rendus, il se rappelle qu’ils étaient tous frères dans les beaux jours de la liberté… Il faut que la bourgeoisie soit bien aveugle et bien insensée pour ne pas faire cause commune avec le peuple. La bourgeoisie et le peuple réunis ont fait la révolution ; leur réunion seule peut la conserver. » Mais loin de réussir, Pétion se trouve lui-même ramené à ses intérêts de classe. Un an plus tard, sa Lettre aux Parisiens d’avril 1793 appelle les hommes d’ordre à défendre leurs biens : « Vos propriétés sont menacées, et vous fermez les yeux sur ce danger. On excite la guerre entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas, et vous ne faites rien pour la prévenir. Faites rentrer ces insectes vénéneux dans leurs repaires ». Par cette volte-face totale, celui qui avait exhorté riches et pauvres du Tiers à rester unis face à la contre-révolution ne craignait maintenant que pour sa richesse et se trouvait aux côtés du grand propriétaire Barruel-Beauvert, dont l’apostrophe brutale est restée fameuse : « Propriétaires, qui que vous soyez, gardez-vous de soutenir une fausse doctrine ; les hommes qui n’ont rien ne sont pas vos égaux. Les véritables citoyens sont ceux qui ont des possessions ; les autres ne sont que des prolétaires ou faiseurs d’enfants. Depuis quand les frelons sont-ils regardés comme les frères des abeilles ? Au premier signal d’une révolte, courez, chassez cette nuée d’insectes qui veut partager sans effort et sans gloire votre fortune acquise ou celle qu’augmentera bientôt votre industrie ».

Ainsi, la bourgeoisie s’oppose à la masse prolétarienne et précipite l’antagonisme de classe. Marat depuis 1791 la dénonce en vain et essaie sans y parvenir de donner au peuple une conscience propre. Contre la bourgeoisie qui les exploite, il appelle les ouvriers et les pauvres à former une fédération uniquement populaire, au lieu de se laisser étouffer comme au 14 juillet 1790 dans la Fédération des Gardes nationales bourgeoises « aristocratie militaire où entraient des légions de vos ennemis. Ni fédération universelle, ni fusion, mais le peuple à part… la fédération que je vous avais proposée entre les seuls amis de la liberté ». Seule la classe ouvrière saura défendre les conquêtes révolutionnaires. « Il n’y a que les cultivateurs, les petits marchands, les artisans et les ouvriers, les manœuvres et les prolétaires, comme les appellent les aristocrates, qui pourront former un peuple libre. » Et l’Ami du Peuple rêve d’opposer une authentique classe prolétarienne aux aristocrates qui combattent la Révolution et aux bourgeois riches et opulents qu’il accuse de la compromettre avant de la trahir. « Nous ne nous laisserons plus endormir par les bourgeois comme nous l’avons fait jusqu’à présent » (25 mars 1791). Mais s’il dénonce dans l’inégalité politique et matérielle la source de la servitude plébéienne, Marat ne sait que vitupérer les accapareurs et attaquer les profiteurs de la misère. II n’a ni doctrine de lutte des classes, ni système précis de moyens et d’objectifs.

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