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La crise, quelle crise ?

mercredi 9 septembre 2009

Il y a des signaux positifs, nous dit-on...

Les banques ont renoué avec les profits. Mais c’est seulement parce que les banques centrales leurs donnent des sommes colossales à taux très bas qu’elles prêtent à des taux élevés. Et elles ont augmenté les tarifs de leurs "produits financiers". N’ont-elles plus de "titres pourris" ? Pas du tout ! Ne sont-elles plus menacées de faillite ? Ont-elles cessé d’investir dans de nouveau titres pourris ? Ont-elles de nouvelles règles qui éviteraient des investissements très risqués ? Non à toutes ces questions !

La Chine a vu son activité industrielle repartir. Oui mais c’est uniquement dû aux injections massives de capitaux d’Etat. les exportations continuent de chuter. Le marché mondial n’a pas repris ses achats de produits chinois. Combien de temps l’économie chinoise peut-elle fonctionner à fonds d’Etat ? Quant à la bourse chinoise, elle est au bord du krach !

C’est surtout vers les USA que l’on doit se tourner pour mesurer la situation. Les banques continuent à subir des faillites. Il en va de même des Etats fédéraux qui vont avoir besoin d’une grande partie des sommes débloquées par Obama, somme qui vont encore accroitre l’endettement gigantesque de l’Etat central. Tout cela aura permis de sortir les USA de la crise ? Même pas ! Les bénéfices des capitaux aux USA continuent à s’investir essentiellement sur des investissements spéculatifs, et encore pour l’essentiel sur ceux à haut risque car c’est les seuls qui sont rentables à court terme. Les capitaux préparent donc dès aujourd’hui le prochain krach en produisant de nouveaux investissements du type subprime. Les capitalistes refusent toute mesure qui les empêcherait de procéder ainsi car ils n’ont pas d’autre moyen d’assurer des profits importants sur le court terme. Et ils ne sont pas assez confiants dans l’avenir du système pour s’investir massivement dans la production.

Si les investissements productifs ne sont pas tombés à zéro, c’est uniquement grâce à des aides massives de tous les Etats du monde, aide dépassant très largement les sommes dont ces Etats peuvent disposer réellement ou qu’ils pourraient rembourser dans un temps limité... Un an la production mondiale a chuté de 25% et la chute continue inexorablement à un rythme qui n’a même pas reculé ; le chômage s’accroit au même rythme. Les emplois s’effondrent partout dans le monde, même en Chine. C’est la première crise de l’histoire qui ait un caractère aussi international.

La prétendue reprise de cette rentrée de septembre 2009 n’est donc qu’un effet d’aubaine des capitalistes qui prennent ainsi leurs bénéfices de ce que les Etats leur distribuent. Cela ne durera qu’autant que ces Etats pourront déverser sur les marchés des sommes aussi colossales... c’est-à-dire pas éternellement ! Les USA en sont environ à 90% du PIB d’endettement... C’est déjà suffisant pour s’interroger sur la viabilité du dollar. Et même sur la crédibilité de l’Etat américain en tant qu’emprunteur.

Et même si cette crédibilité devait durer, le fait que les Etats soient les seuls à investir en dit long sur ce que pensent les capitalistes de la prétendue reprise. La classe capitaliste a toutes les raisons de ne pas faire confiance au système car elle sait que ses avoirs reposent sur des actifs pourris, qu’elle ne mise maintenant que sur de nouvelles spéculations et non sur des investissements productifs et qu’elle vit au jour le jour sur des fonds publics. Dans ces conditions, les déclarations rassurantes des Etats, des banques centrales et des institutions internationales ont presque un effet inverse de celui recherché : celui de rassurer ! Les capitalistes, eux-mêmes, n’en savent pas plus que le passant de la rue, qu’un simple travailleur, sur l’avenir du système. Et ils ont peut-être même moins confiance que les travailleurs et aussi beaucoup plus à perdre....

En fait, ils ne comprennent pas plus la crise actuelle, ou le mode de fonctionnement du système, que les travailleurs. On a présenté cette crise comme étant celle des subprimes, mais ces derniers représentaient tout au plus mille milliards de dollars et les actifs pourris environ 300 milliards de dollars. Comment comprendre que cette somme suffise à couler tout un système qui représenté des sommes bien plus colossales ?

Les subprimes n’ont fait qu’exprimer combien le système était en train de produire des produits nocifs pour sa propre viabilité, combien il était en train de s’auto-détruire. Et c’est effectivement ce qui caractérise l’état actuel du capitalisme : cette tendance a construire non du développement mais des produits nocifs, mortels même pour l’ensemble de l’édifice.

Cela signifie que l’on n’a pas affaire à une crise cyclique ou conjoncturelle mais à la fin d’un monde, même si aucune date précise ne peut être fixée pour cette fin. Le système est à bout de souffle et est sans cesse en train de s’apoptoser. Nul aujourd’hui ne peut dire comment le nouveau krach va se produire, sera-t-il fondé sur de nouveaux subprimes comme les LBO, sur la crise des dettes des Etats, sur une inflation massive, sur des faillites en chaîne des banques, sur l’explosion économique d’un pays, sur la crise du dollar ou sur autre chose. Justement les failles possibles sont multiples. Le bateau prend l’eau de toutes part. Le fait qu’il continue pour le moment à voguer n’est en rien rassurant. Ce qui est certain, c’est qu’un paquebot fissuré ne peut pas tenir dans les flots en comblant les fissures par du sparadrap. Le Titanic du capital ne le peut pas non plus seulement grâce aux fonds d’Etat.

Rien ne dit d’ailleurs que la classe capitaliste et ses gouvernants n’attendent que l’économie aille à de nouvelles catastrophes pour donner de nouvelles issues politiques et sociales. Car cela signifierait attendre des révolutions sociales et prolétariennes. Des réponses de la classe capitaliste ne seront pas seulement économiques. Elles auront un caractère politique et social. Les dictatures, les guerres, les fascismes peuvent sortir d’une crise sociale de grande ampleur, surtout que la petite bourgeoisie commence à plonger.

Ce qui est certain, c’est que le capitalisme est inréformable. Ce qui est aussi certain, c’est que rien ne peut remplacer l’intervention directe des masses ouvrières agissant sur le terrain politique et social et remettant en cause non la gestion du système mais le système lui-même c’est-à-dire le principe même de la propriété privée des moyens de production et des capitaux.

Robert Paris

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Dans Anarchosyndicalisme n° 110 (janvier-février 2009), la revue de la Confédération Nationale du Travail - Association Internationale des Travailleurs (CNT-AIT), un article traite une question d’une très grande importance pour le combat de la classe ouvrière actuellement : ‘’la crise de 2008 : systémique sans aucun doute mais conjoncturelle ou structurelle ?’’1 De par sa volonté de faire la clarté sur cette question essentielle qui taraude toutes les consciences actuellement, et de l’orientation qu’il se donne de comprendre la situation du capitalisme qui détermine la condition du prolétariat pour savoir quel sens donner à sa lutte, cet article répond à un besoin vital. Ce sont les questions brûlantes dont doivent débattre tous ceux qui veulent oeuvrer à l’émancipation du prolétariat.

En affirmant, à juste raison, la nature ‘’systémique’’ de la crise économique, c’est-à-dire que la cause de la crise économique réside dans le système capitaliste lui-même et non dans de prétendus “abus’’, dans “l’immoralité de spéculateurs’’ et de “patrons-voyous’’ ou dans les “excès du néolibéralisme’’, cet article se distingue nettement du discours de la gauche et de l’extrême gauche (anarchistes, trotskistes ou NPA) et de leurs recettes à la sauce ‘’capitaliste d’Etat’’. Il dénonce la mystification que tous, à divers degrés, véhiculent au sein du prolétariat, de l’Etat comme recours régulateur du système capitaliste et comme soi-disant garant, “au-dessus des classes’’, des conditions de vie et de travail pour les ouvriers. ‘’La critique social-démocrate du libéralisme pense que ce n’est pas l’économie capitaliste adossée au marché qui est mauvaise, c’est son côté excessif, trop brutal : l’Etat et le politique doivent cadrer l’économie et pacifier les antagonismes sociaux, afin d’obtenir une société stable. Il ne faut pas toucher à la structure même du système mais agir sur les effets conjoncturels. (...) La gauche et l’extrême gauche chantent le retour à l’Etat et à ses lois gouvernementales, sa fiscalité, ses douanes, ses nationalisations, son protectionnisme et ses relances économiques (tout en faisant abstraction de sa nature autoritaire : armée, police, prisons...) Le futur nouveau parti anticapitaliste ne propose même pas un nouveau mode économique, ni la suppression de la plus value, mais, comme n’importe quel réformisme le plus plat, de réduire le taux d’exploitation en distribuant davantage au profit des salaires. Or, qu’il y ait ou non croissance et hausse des salaires, il faudra rembourser le crédit, régler les déficits, être compétitifs sur les marchés, juguler les conflits sociaux, mater les révoltes et assumer les éventuels conflits militaires. C’est là que l’Etat intervient comme le produit des sociétés inégalitaires, la fonction de sa machinerie institutionnelle étant de la pérenniser. Refuser la critique de l’Etat, c’est renforcer sa légitimité et en faire la religion civile, c’est tenter d’empêcher les opprimés de le contester...’’

L’article donne sur la crise une série d’observations que nous partageons pleinement, notamment l’idée centrale qu’elle attise les guerres et les conflits impérialistes, le chaos généralisé, ce que nous appelons le ‘’chacun pour soi’’, où chaque Etat, petit ou grand, défend sa place sur l’arène mondiale. Comme le dit l’article : ‘’Les rapports internationaux sont soumis aux desideratas impérialistes de chaque Etat. Toute la géostratégie et politique s’élabore sur le fait que chaque Etat en tant que puissance économique, militaire, technologique… défende ou impose ses intérêts. Les USA veulent garder la première place alors que l’Europe et la Chine la convoite. La Russie espère son retour impérial de feu l’URSS. L’inde, le Brésil, la Turquie et les différents blocs (d’Amérique du Sud, d’Afrique, du Moyen Orient et d’Asie) veulent leur part du gâteau. (…) Les rivalités intestines des capitalistes et des Etats ont et continuent de déboucher sur des conflits sanglants.’’

Il est assez surprenant en revanche qu’il ne s’attache pas à la signification du chômage de masse. Ce phénomène constitue pourtant un concentré de la crise capitaliste. Partout dans le monde, la destruction des emplois marginalise un nombre toujours plus grand de travailleurs. Cette incapacité d’intégrer dans le procès de production leur force de travail, la ‘’marchandise’’ la plus importante pour le capital dont la consommation constitue à la fois la source de la production des richesses et de son profit, est hautement significative de l’impasse et de la faillite du système capitaliste. C’est une illustration majeure de la nature de la crise capitaliste, une expression de la surproduction : il y a trop de bras à vendre sur le marché du travail ! La marchandise force de travail est en surabondance, parce que le capitalisme ne parvient plus à l’exploiter de façon profitable !
La spirale de la descente aux enfers du capitalisme en crise

L’article pose une question fondamentale : ‘’S’agit-il de la crise finale du capitalisme maintes fois annoncée par les tenants du marxisme ? Ou bien est ce la nième crise cyclique nécessaire aux ajustements du capitalisme ?’’ Ses auteurs ont raison de ne pas vouloir donner une réponse précipitée ou superficielle. Mais si l’article s’abstient de trancher nettement cette question, c’est aussi, à notre avis, parce qu’il ne réussit pas à aller tout à fait au fond de la nature de la crise du capitalisme et à la caractériser. L’article s’en tient plus à une description qu’à une véritable explication de ses racines.

Pour répondre à la question posée, nous pensons qu’il est nécessaire de mettre en garde contre deux écueils auxquels ont été régulièrement confrontés les révolutionnaires :

* Le premier, c’est de penser que la ‘’crise finale du capitalisme’’, prendrait la forme d’un effondrement brutal sous ses propres contradictions. Cette conception, formulée par une partie de la Gauche Communiste allemande dans les années 20, conduit de facto à minimiser les capacités réactives de ce système, même moribond, pour continuer à se maintenir coûte que coûte, sur des bases de plus en plus étroites.
* Le second danger consiste à s’imaginer qu’il n’y a "rien de neuf sous le soleil", à sous-estimer la profondeur de la crise en épousant l’angle de vue de l’idéologie bourgeoise selon lequel après toute récession ‘’ça repart forcément’’, parce que le système serait constamment soumis à des cycles, à des "ajustements salvateurs" et autres "purges nécessaires".

Néanmoins, nous soutenons la méthode employée par les camarades consistant à s’appuyer sur des fondements théoriques et à examiner la question de la crise dans sa dimension historique. Ainsi, l’article fait-il référence à l’importance de la plus-value : ‘’Les aléas de l’économie capitaliste (croissance, décroissance, récession, expansion, choix de production, taux d’exploitation...) ne sont que les contradictions liées à la plus-value et ses déclinaisons.’’ Outre que celle-ci mériterait une définition plus précise, l’article pointe la question de fond. Mais, tout en étant dans la bonne direction, il ne parvient pas, selon nous, à prendre en compte le caractère central de la plus-value dans l’explication de la crise du capitalisme, ni à l’articuler avec les formes concrètes prises par le développement des crises dans l’histoire. Nous ne pouvons qu’encourager les camarades à creuser cette importante intuition2. Le capitalisme produit plus de marchandises que ne peut absorber le seul marché formé par les ouvriers et les bourgeois. Il doit trouver une part de ses acheteurs solvables en dehors de ceux qui se trouvent soumis au rapport travail-capital pour réaliser son profit. C’est pourquoi, dans toute l’histoire du capitalisme, les crises économiques se manifestent comme des crises de surproduction et trouvent, au fond, toujours leur origine dans la sous-consommation des masses à laquelle est contrainte la classe ouvrière par l’exploitation du travail salarié qui diminue constamment la part de la production sociale revenant au prolétariat.

Au XIXème siècle, l’existence de larges secteurs de production précapitaliste (artisanale et surtout paysanne) relativement prospères, fournissait les marchés et le sol nourricier indispensables à la croissance capitaliste. Au plan mondial, le vaste marché extra-capitaliste des pays coloniaux en cours de conquête, permettait de déverser le trop plein des marchandises produites dans les pays industrialisés.
La Première Guerre mondiale ouvre brutalement la phase de déclin du capitalisme caractérisée par l’existence d’une entrave désormais permanente au développement des forces productives. Ce conflit trouve son origine dans une des contradictions fondamentales du capitalisme, le caractère nécessairement limité des marchés extra-capitalistes. Bien qu’à cette époque, il n’existait globalement pas encore une pénurie de tels marchés (la Guerre éclate au faîte de la prospérité capitaliste), se garantir l’accès à ceux-ci était néanmoins une nécessité vitale pour toutes les puissances capitalistes, dont le prix devait être payé dans la guerre pour le repartage du monde, du contrôle des colonies en particulier. En effet, il était intolérable pour l’Allemagne, à l’époque en pleine expansion économique mais dépourvue de colonies, de dépendre du bon vouloir de l’Angleterre pour pouvoir exploiter les terres de l’Empire britannique comme débouchées à sa production. C’est pourquoi cette nation ouvrira les hostilités la première. A mesure que se manifestera l’insuffisance des marchés extra-capitalistes, en regard des besoins croissants des grandes puissances industrielles d’écouler la production, les convulsions prendront la forme de crises de surproduction chroniques (de 1929 à la catastrophe actuelle) et de guerres dévastatrices, dont en particulier la Seconde Guerre mondiale.

L’observation des camarades que ‘’le capitalisme est en crise permanente et que les épisodes aigus s’accélèrent : 1929 (crash de Wall Street aux Etats-Unis), 1987 (caisses d’épargnes aux Etats-Unis), 1987 (krach boursier mondial), 1989 (crise japonaise), 1990 (crise immobilière européenne)…’’ pointe justement une des réalités de la décadence du capitalisme.

Et si le système a évité un effondrement fracassant depuis les débuts de son déclin, c’est que les Etats ont eu recours de plus en plus massivement au crédit pour créer un marché artificiel, offrant plus ou moins un débouché à une surproduction qui ne cessait d’augmenter. Ce lissage de la crise dans une spirale descendante a permis à la bourgeoisie de nier l’existence même de la crise et de la faillite de son système, mais au prix de l’accumulation de contradictions de plus en plus dangereuses.

Mais aujourd’hui, nous assistons à un changement de rythme, à une accélération de la crise. La chute actuelle est bien plus brutale et plus abrupte que les précédentes. La fragilisation extrême de l’économie mondiale témoigne de l’affaiblissement de la capacité de l’État capitaliste à "accompagner" la crise et de l’usure des palliatifs basés sur l’endettement utilisés à grande échelle par la bourgeoisie depuis 1929 et surtout après 1945.

C’est cela même que souligne l’article : ‘’Le recours aux prêts, emprunts, capitalisations et déficits pour soutenir le capitalisme fut judicieux en 1945 mais ne l’est plus actuellement. Le taux d’endettement est tel qu’il pénalise par son coût la rentabilité du capital et les possibilités budgétaires des états (…) pour éviter la faillite du crédit, on recrée du crédit.’’3

La réalité confirme que le déclin du capitalisme prend la forme d’un l’enfoncement dans une spirale catastrophique d’un système qui ne se maintient que sur des bases toujours plus étroites en générant mille fléaux aux conséquences toujours plus destructrices sur le prolétariat et l’humanité : prolifération des guerres impérialistes, baisse des salaires, accroissement du chômage massif et de la précarité, redoublement de la misère, émeutes de la faim...
L’alternative de la lutte de classe du prolétariat

Nous partageons complètement la perspective que ‘’tant que le capitalisme ne sera pas supprimé, crises, exploitations, guerres, misères et pollutions prospéreront’’ tout comme l’affirmation de la nécessité, comme unique alternative au capitalisme, de l’instauration d’une nouvelle société ‘’dont les bases seraient une économie au service de l’humain et non l’inverse, sa planification suivant l’intérêt collectif’’, la société communiste.

De même, tout à fait à propos, l’article fait la prévision que ‘’les conflits sociaux qui rendent instables les jeux politiques et économiques des pays ont de grandes chances de s’amplifier, voir d’être déstabilisateurs par le manque de réponses positives du système.’’ L’aggravation vertigineuse de la crise ne peut que former le terreau pour le développement de la lutte de classe.

A propos de la nécessité de développer la lutte, l’article avance la ‘’résistance populaire autonome’’. La formulation nous semble obscure. Que faut-il entendre par-là ? La résistance des différentes couches de la société victimes de la crise, y compris les artisans, les pêcheurs ou autres ? Ou alors, s’agit-il de l’autonomie de la classe ouvrière par rapport aux autres couches de la société ? Il est difficile de se faire une idée des forces motrices de la lutte. De notre point de vue, seul le prolétariat est à même d’offrir une réelle perspective dans la lutte contre le capitalisme. Pourquoi ?

De ce que nous avons indiqué plus haut à propos des rapports sociaux capitalistes à l’origine, in fine, de la crise de surproduction et compte tenu de la place du prolétariat au sein de ces rapports sociaux comme classe créatrice de toutes les richesses sociales mais subissant en même temps tous les affres de l’exploitation, nous pouvons affirmer que la seule solution à la crise de surproduction, c’est l’abolition de ces rapports de production capitalistes basés sur la marchandise et l’échange - et donc du salariat. Et que l’agent de cette gigantesque transformation ne peut être autre que le prolétariat, c’est-à-dire la classe de la société capitaliste qui subit spécifiquement l’exploitation salariée et qui seule peut trouver intérêt à l’abolition du salariat et du règne de la marchandise qui l’asservit. Le seul véritable dépassement du capitalisme, à bout de souffle, ne peut s’effectuer que par la révolution du prolétariat. En s’émancipant, il libère également toutes les autres couches qui subissent l’exploitation.

Dans cette perspective, la formulation sur les objectifs immédiats des luttes nous paraît recéler un certain danger : ‘’Dans l’immédiat, les objectifs de la résistance populaire autonome seraient de reprendre l’argent de la spoliation des travailleurs (gros salaires, traders, banquiers …), de saisir les biens des spéculateurs. Faire payer les riches, c’est un moyen de garantir à tous les besoins fondamentaux (santé, éducation, logement, nourriture, transport…). Mais soyons lucide : si cela peut soulager à court terme, le système reprendra ce qu’il a concédé et ce sera le retour à l’état antérieur.’’ Reprendre le mot d’ordre ‘’faire payer les riches’’ (qui fait partie de l’attirail idéologique des gauchistes, comme LO, le NPA...), même avec des restrictions critiques, comporte le danger de se retrouver pris au piège des gauchistes qui cherchent à affaiblir la lutte des classes en la détournant de son but. En répandant l’idée qu’il y aurait un simple problème de "répartition" ou de "distribution des richesses" dans la société, les gauchistes cherchent à enfermer le prolétariat dans l’illusion qu’il existerait une issue au sein du système capitaliste. C’est pourquoi le mot d’ordre ‘’faire payer les riches’’ ne peut en rien constituer un mot d’ordre valable pour le prolétariat.

La perspective lointaine du communisme, le constat d’une classe qui a du mal à se politiser et à développer son combat révolutionnaire ne doivent pas conduire à mépriser les luttes revendicatives immédiates. Si la plupart des luttes sont loin d’être révolutionnaires, nous ne devons pas perdre de vue qu’historiquement toutes les luttes révolutionnaires ont commencé par des luttes revendicatives. Le communisme n’est pas seulement le but, mais également le mouvement qui y mène, le ‘’mouvement d’abolition de l’ordre existant des choses’’ (Manifeste Communiste). Chaque lutte ouvrière représente déjà de facto et par elle-même une contestation de l’ordre établi dans la société et porte en elle le spectre de la révolution. C’est la résistance à la dégradation de ses conditions d’existence qui pousse en grande partie la classe ouvrière à développer son combat. C’est dans cette lutte d’abord contre les effets de l’exploitation que la classe prolétarienne accède à la conscience de la nécessité de la lutte contre les causes de l’exploitation : les rapports sociaux capitalistes. La révolution communiste et la lutte pour l’abolition de l’exploitation forment à notre époque de décadence du capitalisme la seule manière de défendre rationnellement les revendications prolétariennes et constituent le dénouement final de la lutte revendicative du prolétariat.

Parce que la classe ouvrière est de plus en plus attaquée aujourd’hui, elle développe son combat et sa conscience. Le développement actuel de la lutte des classes au plan mondial ouvre une porte sur le futur : celui d’une confrontation généralisée entre les classes antagoniques de la société pouvant déboucher sur une nouvelle vague révolutionnaire. De l’issue de ce conflit dépendra le sort de l’humanité.

La gravité des enjeux exige que tous ceux qui se revendiquent vraiment de la révolution sociale débattent et clarifient les questions que pose cette perspective.

C.C.I

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