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Les conflits sociaux se multiplient en Chine

jeudi 27 août 2009

Avec la crise, les révoltes ouvrières spontanées deviennent plus violentes et inquiètent les autorités.

Le drame est venu des décisions chinoises de restructurer la sidérurgie pour cause de surproduction d’acier. Chen Guojun venait d’être nommé PDG de Tonghua Iron steel, société d’Etat de la province du Jilin dans le Nord-est. Sa mission : préparer le rachat de cette aciérie par l’investisseur privé Jianlong steel. Très vite, il annonce le licenciement de 25.000 salariés sur 30.000. La colère se déchaine dans l’entreprise à la fois contre la privatisation et contre les seulement 200 yuans d’indemnités mensuelles pour les futurs chômeurs. Le directeur, lui, touche 3 millions de yuans par an (312.000 euros). Le 24 juillet, une discussion dans son bureau s’envenime. Une foule de protestataires le frappe et empêche l’ambulance d’approcher lorsqu’il s’effondre. Quand il arrive enfin à l’hôpital, Chen Guojun est mort.

Aux pires moments de la révolution culturelle, quand Mao Zedong avait lancé le slogan « il est bon de se révolter », des directeurs d’usines qualifiés de « révisionnistes » avaient succombé sous les coups d’employés fanatisés. Dans la Chine d’aujourd’hui, au contraire, Hu Jintao souhaite que s’épanouisse une « société harmonieuse ».

Des médias chinois n’ont pas caché la gravité de l’événement. Les internautes l’ont commenté en affirmant que « l’intérêt des ouvriers a été négligé » (sur le site Tianya) ou en félicitant les salariés d’avoir « osé défier l’inégalité sociale » (sur Wangyi). Difficile de trouver un bloggeur qui plaigne le directeur de l’usine, comme s’il lui était reproché d’avoir été victime de sa propre maladresse.

Le 7 août, le gouvernement du Jilin nomme une nouvelle direction à Tonghua et annonce que le groupe Jianlong est « exclu à jamais » de toute future restructuration de l’aciérie. Pas d’allusion à d’éventuelles sanctions contre les meurtriers. Un parti pris ouvriériste qu’explique Jean-Louis Rocca, directeur de l’atelier de Sociologie à l’université Tsinghua de Pékin. « La période des fermetures de grandes usines d’Etat est terminée depuis plusieurs années. La classe moyenne a pris une place centrale dans la société chinoise. Mais dans un pays qui se dit communiste, l’appareil d’Etat garde des liens historiques et culturels forts avec la classe ouvrière ».

Un conflit social comparable va alors permettre d’afficher un autre mode de gestion. A Linzhou, dans le Henan, une aciérie d’Etat, là encore, a été vendue à un prix très bas (64 millions de dollars) et n’a offert que de faibles compensations aux travailleurs licenciés (1000 yuans par an). Le 12, ils sont un millier à occuper l’usine et prennent un cadre supérieur en otage. Les autorités régionales se rendent sur place. Leurs voitures sont renversées en protestation contre la coupure du téléphone décidée par la police !

Mais le dialogue s’instaure dès que les autorités admettent que les travailleurs auraient du être consultés sur la privatisation : « Les responsables de cette entreprise ont pris des décisions, déterminantes pour son destin, sans en faire délibérer l’assemblée générale des ouvriers, ce qui a provoqué la colère des ouvriers, qui ont choisi un moyen d’expression irrégulier » résume devant la presse le vice secrétaire du Parti Communiste du Henan.

La violence ouvrière s’illustre aussi chez les « mingong ». Ces paysans, venus vers les villes pour travailler en usines ou dans le bâtiment, s’en prennent souvent à des petits patrons qui les exploitent. Mais ils sont dispersés et sans réelle force collective. Le désœuvrement de beaucoup d’entre eux inquiète pourtant les autorités surtout dans le sud du pays où les entreprises travaillant à l’exportation ont réduit leurs activités ou fermé à cause de la crise internationale. Les « mingong » désirant rentrer dans leurs campagnes ont droit à des aides financières et des formations. Mais la plupart espèrent être embauchés dans la construction des infrastructures, routières, ferroviaires et autres, prévues par le plan de relance économique chinois.

A Pékin, nombre de sociologues ou juristes proches du gouvernement admettent le besoin urgent d’un vrai système de relation sociale en Chine. Les salariés n’imaginent pas être défendus par les syndicats officiels totalement affiliés au Parti communiste. Il arrive d’ailleurs que le parti ait tellement besoin d’interlocuteurs qu’il demande à des grévistes de désigner qui peut parler en leur nom. Ce qui a permis notamment de régler la grève des chauffeurs de taxi dans l’ile de Hainan et à Chongqing en octobre 2008.

En 2007, le pays a officiellement connu 80.000 « incidents de masses », terme désignant les manifestations et émeutes. Pour 2008, ce serait 120.000. Ce sont des conflits d’inégale importance où interviennent parfois des avocats ou des associations locales d’entraides plus ou moins tolérés par les autorités. Pour l’essentiel, les différents se règlent au cas par cas. Ce qui n’incite pas le Parti unique au pouvoir à instituer de nouvelles formes de dialogue social. Sauf peut-être si la crise amplifiait les conflits.

Richard Arzt

Yao Fuxin, un militant syndical chinois qui, en 2002, avait pris la tête d’une action de protestation pacifique contre la corruption qui avait entraîné la faillite d’une aciérie, a été libéré de prison le 16 mars, après une peine de 7 ans pour "subversion contre la puissance étatique".

En mars 2003, après un procès expédié en quatre heures deux mois plus tôt, Yao Fuxin et Xiao Yunliang avaient été condamnés à des peines d’emprisonnement pour avoir dirigé des actions de protestation de travailleurs qui réclamaient leurs arriérés de salaire et le versement de leurs pensions à l’usine Liaoyang Ferroalloy, dans le nord-est de la province de Liaoning.

En mars 2002, 15.000 travailleurs de cinq aciéries avaient protesté contre la corruption du gouvernement et de la direction d’entreprises de l’État. Un an auparavant à l’usine Liaoyang Ferroalloy, le personnel avait affirmé que 2.000 tonnes de minerai avaient disparu, entraînant la faillite de l’entreprise et le non paiement de leurs salaires et primes.

Xiao Yunliang, un métallurgiste à la retraite, avait été libéré trois semaines avant la fin de sa peine de quatre ans de prison, en mars 2006.

Mais Yao Fuxin a continué à subir les conditions exécrables de la prison n°2 de Lingyuan où il a eu deux crises cardiaques, un accident vasculaire cérébral, dans une cellule à la fenêtre ouverte en permanence au plus fort de l’hiver. Il a aussi été privé de sommeil. Les gardiens avaient ordonné aux autres détenus de le piétiner lorsqu’il s’endormait.

À sa libération la semaine dernière, Yao Fuxin, qui est maintenant âgé de 63 ans, n’a pas exprimé de remords. "Je n’ai rien fait de mal", a-t-il déclaré lors d’une interview téléphonique, ajoutant que lui et d’autres ne faisaient qu’exercer les droits que leur reconnaît la constitution chinoise. "Je n’ai pas de regrets. Je n’ai fait que protéger les intérêts du pays et de la population, les intérêts que la loi reconnaît aux travailleurs."

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