mercredi 28 mai 2014
En Afrique du Sud, la situation devient critique dans le bassin minier de Rustenburg. La tension y est extrême car les mineurs grévistes sont affamés et les patrons veulent à tout prix leur casser les reins. Quant au gouvernement, il a envoyé sa police désarmer les mineurs grévistes comme il s’est chargé de désarmer moralement ceux-ci devant l’opinion publique. Voilà tout le bénéfice du gouvernement ANC reconduit pour les travailleurs : les désarmer et armer les patrons !!! Salarié depuis six ans de la compagnie minière britannique Lonmin, Ntobeko ne goûte à la viande que deux fois par semaine. Trop chère. « Je ne mange plus qu’une à deux fois par jour, confie-t-il. La faim me tenaille, mais je suis prêt à me battre jusqu’à ce que nous obtenions cette hausse de salaire. »
Son syndicat, Amcu, exige un salaire de base mensuel de 12 500 rands (860 euros). Selon Lonmin, Amplats (Anglo American) et Impala, les trois compagnies minières frappées par cette grève démarrée le 23 janvier, cela correspondrait à une augmentation moyenne de 30 % par an pendant quatre ans. L’inflation est de 6 % en Afrique du Sud.
L’industrie du platine est en grève depuis plus de quatre mois. Près de 70 000 mineurs ont cessé le travail pour demander des augmentations de salaire. Les négociations ont capoté à plusieurs reprises. Et le mouvement a de lourdes conséquences pour les mineurs qui n’ont pas été payés depuis janvier 2014.
Dans le bidonville de Wonderkop, à quelques centaines de mètres des mines de Marikana, tout tourne au ralenti. Le bidonville s’est vidé, car de nombreuses familles de mineurs sont parties. La moitié des petits commerces est fermée.
Matifo, la trentaine, élève seule ses deux enfants. Elle a une petite boutique de coiffure, mais pas un seul client depuis le matin : « Il n’y a plus de client, on est assis là toute la journée, je ne gagne même pas deux euros par jour. Ils viennent et vous disent qu’ils payeront après la grève, mais personne ne sait quand cette grève se terminera. Moi, je vais laver du linge chez des gens, ça me permet de gagner un euro. Mais c’est dur ».
A quelques mètres de là, des mineurs jouent aux cartes. Lezokulati est en grève depuis janvier. Il a envoyé sa famille chez sa mère, car il n’arrivait plus à les nourrir.
Lui-même est très maigre, et pudiquement avoue qu’il ne mange pas tous les jours. « Depuis janvier, je n’ai pas envoyé d’argent à ma famille parce que je n’ai rien. Ils sont chez ma mère qui les nourrit. Quant à moi, quand ils ont de l’argent, ils m’en envoient un peu pour que je puisse manger », raconte-t-il.
La situation est tellement critique, que depuis quelques semaines, des organisations caritatives viennent distribuer de la nourriture dans les bidonvilles autour des mines. A Wonderkop, une soupe populaire a été ouverte par la femme d’un pasteur dans le jardin de leur maison. Evelyne Mmekwa raconte qu’elle a décidé d’aider les familles de mineurs après avoir vu une femme s’effondrer de faim dans la rue : « Il y a environ quatre semaines, j’ai vu une femme tomber par terre dans la rue, je suis allée la voir pour lui demander ce qu’il n’allait pas. Et elle m’a dit qu’elle n’avait pas mangé depuis trois jours. Alors, je lui ai dit de venir chez moi et je lui ai donné du porridge. Ensuite, j’ai demandé à mon mari s’il pouvait me donner un peu d’argent pour aider ces gens et c’est comme ça qu’on a commencé ce projet ».
Pour Evelyne, la situation à Marikana n’a jamais été aussi critique qu’en ce moment. Environ 100 personnes viennent ici tous les jours. Matsapo est femme de mineur. Elle est là avec ses trois enfants et même si la situation est très dure, elle dit qu’elle soutiendra cette grève jusqu’au bout.
« Les enfants vont à l’école sans manger, parce que nous n’avons rien, rien ! Nous ne mangeons qu’une fois par jour, un peu de porridge et du lait, c’est tout. Si cette grève doit continuer, nous la soutiendrons, parce que les salaires des compagnies minières ne sont pas suffisants pour envoyer les enfants à l’école et pour leur acheter des vêtements », nous explique-t-elle.
A Wonderkop, les habitants sont à bout de souffle et ils espèrent que cette grève va rapidement se terminer avant de mettre totalement l’industrie à genou.