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L’Ukraine, prise entre deux feux

jeudi 12 décembre 2013

L’Ukraine, prise entre deux feux

L’Ukraine n’est pas loin d’être coupée en deux, entre pro et anti européens qui sont, bien entendu, anti ou pro russes. Et l’affrontement est fortement encouragé d’un côté par les USA et l’Europe (qui parlent maintenant de sanctions contre le gouvernement ukrainien) et de l’autre par la Russie. Au départ, il y avait juste une proposition d’accord économique entre l’Ukraine et l’Europe, cette dernière prétendant s’entendre parfaitement avec les dirigeants actuels ukrainiens. Ensuite, l’Europe a protesté auprès de la Russie contre des pressions que celle-ci aurait exercées pour faire échouer l’accord. La Russie aurait proposé un accord économique plus intéressant. En fait, il s’avérait surtout que les accords européens étaient dirigés contre la Russie et l’accord avec la Russie contre l’Europe. Les deux étaient donc du même type : des accords exclusifs et des accords en vue d’un affrontement. Rien d’étonnant qu’on en arrive donc à l’affrontement puisqu’il est voulu des deux côtés.

L’Ukraine n’est pas la seule des pays de l’Est à avoir choisi l’accord russe plutôt que l’européen mais par exemple la Moldavie fait moins de bruit car l’enjeu est bien moins important économiquement et politiquement pour le camp occidental. Du coup, le bras de fer a lieu seulement avec l’Ukraine et il se déroule côté occidental comme un combat pour la défense de la démocratie contre un gouvernement dictatorial, le même gouvernement qui serait considéré comme parfaitement démocratique s’il signait avec l’Europe…

Du côté occidental, le discours est le suivant : « Si l’Europe offre un accord à l’Ukraine, c’est de la libre concurrence, si c’est la Russie ce sont des pressions inadmissibles et si le gouvernement ukrainien fait jouer la concurrence entre les deux, c’est du chantage. »

Ce n’est pas spécialement en Ukraine que les deux camps s’affrontent. Tous les pays de l’Est sont également objets de pressions des deux côtés. Il n’y a pas un camp bien intentionné, intervenant pour des motifs démocratiques, purement fraternels et un camp antidémocratique et impérialiste. Les deux camps veulent exactement la même chose : dominer la région. La Russie essaie de conserver sa zone d’influence autour d’elle. Les USA et l’Europe essaient de la contester et d’entourer la Russie de nations hostiles.

Autrefois, quand les impérialismes occidentaux menaient ce type d’actions et de pressions, c’était à cause de la « guerre froide » mais maintenant que tout le bloc de l’Est, y compris la Russie et également la Chine participent au marché mondial, ils sont concurrents des précédents et la lutte économique et politique se mène avec tous les outils, y compris des manifestations populaires.

Et côté Ukrainien, qu’est-ce qui motive la division en deux camps ? Une petite moitié de l’Ukraine commerce davantage avec l’Europe et une grande moitié commerce davantage avec la Russie qui est également fournisseur d’énergie et consommateur de produits agricoles. D’autre part, les classes dirigeantes ukrainiennes ne voient pas d’un mauvais œil que la population soit polarisée violemment par une autre question que la situation sociale, que la lutte contre les classes dirigeantes. En somme, les masses populaires devraient se diviser entre ceux qui soutiennent telle fraction des classes dirigeantes et ceux qui soutiennent telle autre. Par contre, personne ne propose d’unir les travailleurs et les masses populaires contre tous ces profiteurs, et ces politiciens tous aussi liés aux capitalistes locaux comme étrangers. Tous ces bonimenteurs n’ont que l’intérêt du pays à la bouche mais tous sont dans des calculs pour trouver le camp qui leur profitera le plus.

En attendant, en Ukraine comme dans le reste du monde, on attise des motifs d’affrontements entre le bloc Russie-Chine et le bloc USA-Europe-Japon, entre nouveaux pays capitalistes et anciens. Le partage du monde, voilà qui a justifié toutes les guerres mondiales et cette fois encore c’est la crise du système qui décidera du moment.

Plus que jamais, il ne s’agit nullement dans ces affrontements de défendre la démocratie ou la liberté des peuples mais de défendre les intérêts d’une poignée de profiteurs.

Nous n’avons pas à choisir, en Ukraine comme ailleurs, entre un camp pro-européen et un camp pro-Russe. Ce n’est pas une question de démocratie, l’Occident étant censé défendre la démocratie. Car Poutine ne défend pas plus la démocratie en Tchétchénie, que la Chine chez les Ouighours ou la France en Centrafrique ou les USA en Afghanistan ou en Irak. La domination et l’exploitation du monde, voilà la seule motivation de la classe capitaliste mondiale, qu’elle s’entende ou qu’elle ne s’entende pas entre elle. La seule capable de mettre tout ce joli monde d’accord, c’est la classe ouvrière mondiale. Et elle seule peut en finir avec un monde capitaliste qui place l’humanité sans cesse au bord du gouffre ! Nous n’avons pas à attendre les bras ballants que l’effondrement financier décide les classes dirigeantes et les hommes politiques à leur service à rejeter l’humanité dans la boucherie. Il faut ôter aux capitalistes les rênes de la direction de la société et c’est seulement la classe ouvrière, à la tête de toutes les couches populaires, qui est capable de le faire.

A bas les discours mensongers sur l’Ukraine, sur l’Europe, sur la démocratie ! A bas tous les discours belliqueux qui présentent les pays de l’autre camp comme des ennemis ! Les travailleurs sont tous des frères ! Leur préparation à la guerre mondiale ne doit pas nous influencer et nous empêcher de développer nos propres perspectives de classe : la république des conseils de travailleurs à l’échelle planétaire.

La suite

Messages

  • Ukraine : au cœur des rivalités impériales

    Le scénario syrien semble bien se confirmer en Ukraine. Tous les ingrédients s’y rassemblent. D’abord la très forte et manifeste implication des Etats-Unis et de l’Union Européenne et de leur machine de propagande, ensuite le radicalisme des leaders de l’opposition, enfin le refus d’un pouvoir, élu démocratiquement celui-là, de souscrire à ce qui ressemble de plus en plus à une tentative de coup d’Etat. Les Ukrainiens, eux, sont loin d’être consultés ou seulement d’intéresser les capitales occidentales qui font feu de tout bois pour obliger l’Etat ukrainien à se plier au diktat de Bruxelles, à celui des banques qui dirigent l’économie européenne. L’argument est le suivant : " les ukrainiens veulent rejoindre l’Europe ". Ils seraient dans le même temps désireux de se libérer d’un pouvoir " pro-russe ". Ce qui mérite pourtant un peu plus de circonspection, puisqu’un sondage réalisé en décembre 2013 ne donne que 46% d’opinions favorables à cette opération, contre 36 % pour l’intégration du pays à l’union douanière (russe). Un sondage n’étant pas un référendum, il reste à démontrer si ces taux peuvent se maintenir s’il est expliqué que les clauses de l’U.E comportent un certain nombre de mesures qui sont loin de conforter cette image galvaudée du " rêve européen ", vivace notamment dans l’ouest du pays. A commencer par les sévères mesures d’austérité que le gouvernement doit appliquer, dont des coupes budgétaires drastiques sur les dépenses publiques avec l’impact qui s’en suivra sur les prestations de l’Etat, en matière de services aux citoyens ou de transferts sociaux par exemple, et sur l’emploi. Sans préjudice des conséquences désastreuses de l’ouverture débridée du marché national sur les entreprises locales, très peu préparées à affronter la concurrence des produits de leurs homologues de l’ouest, autrement mieux plus performantes et plus solides financièrement parlant. Ceci expliqué et débattu démocratiquement, il est fort peu probable que les " pro-européens " restent aussi nombreux qu’il y paraît. Même poussés par la misère de masse endémique qui règne, les Ukrainiens, qui répondent à l’appel de ces partis de droite et d’extrême-droite, risquent fort d’être beaucoup moins séduits par les perspectives réellement offertes et qu’on leur cache. Soit ce qu’il serait juste d’appeler " l’offre européenne ". Une offre qui ne comporte pas en vérité une intégration au sein de l’Union, mais un simple accord d’association, assorti d’une aide de 610 millions d’euros. Avec derrière, un plan de réajustement aux coûts de plusieurs milliards d’euros, qui ne prévoit aucun programme de développement économique et social, seulement des facilités offertes aux forces du marché, à la spéculation et aux " affaires " en général. En prime, les Etats-Unis auront affaibli la Russie en créant une " zone tampon " de cette puissance avec l’Europe et un grignotage supplémentaire du territoire de l’ex- Union soviétique. Il reste cette grande inconnue que ne comprend peut-être pas cette démarche. Il s’agit de ce que Moscou envisage pour sa propre défense. On peut lorgner, toutefois, vers ces 30 % d’Ukrainiens russes, qui peuvent demander une sécession de leur région en dernier ressort, si l’Alliance atlantique et ses relais intérieurs gagnent la partie.

    Par Ahmed Halfaoui

  • merci pour cette éclairage sur le conflit ukrainien. Nous avons très peu d’informations, difficile d’y voir clair.

    juste au sujet de « la république des conseils de travailleurs à l’échelle planétaire »
    Le choix du terme « république » dans le contexte de mon histoire ne peut que m’offenser au plus profond de ma chaire. 1)L’image de la république marquée par l’histoire française est l’image d’une république raciste, esclavagiste, colonialiste, passé maître dans l’art de l’oppression comme le témoigne le bouquin l’école de guerre française. 2)De plus, tous les républicains que j’ai pu rencontrer faisait l’apologie de l’Etat français, dit la chose publique et aux USA les républicains sont les conservateurs. 3)Enfin, j’y vois une opposition structurelle entre la république qui met en avant le pouvoir étatique (ou le centralisme d’Etat), et la démocratie qui met en avant le pouvoir des populations, celui des soviets.

    Je ne m’amuse pas juste à faire des critiques, mais je veille à exprimer mon point de vue afin que tous ceux, avec qui je discute, en aient connaissance. L’idée du non-groupe nous porte selon moi plus de préjudices que de bénéfices : le fait que chacun puisse écrire sans prendre en compte les avis des uns et des autres. Chose qui ne serait être tolérée dans un groupe où chaque idée exprimée compte et pour laquelle chacun d’entre nous s’y associe soit en la combattant, soit en s’y soumettant, mais jamais en l’ignorant. J’ai exprimé ces dernières semaines quelques idées qui n’ont vraiment pas éveillé beaucoup de curiosités apparemment. je garde en moi une certaine naïveté qui m’a poussé à croire que vous prendriez mes arguments un par un pour les démonter, plaisir auquel je n’ai pas eu le droit, alors qu’il s’agissait de critiques de fond qui remettaient en cause les principes même du marxisme. Mais peut-être ai-je frappé à la mauvaise porte ?

    • Tout d’abord, il faut savoir que la république n’est nullement une référence à la France. Bien avant la république française, il y a eu la république spartiate et la république romaine dans l’antiquité. Il y avait eu également la république des cantons suisses, bien avant la révolution française. Peu après la révolution française, il y a eu la république haïtienne... On peut également citer la république des soviets de Russie, de Finlande, de Bavière...

      La République s’oppose à la monarchie, à l’oligarchie et à la dictature personnelle. Mais, bien entendu, c’est un Etat, même si cela peut être l’Etat des soviets.

      Et un Etat , fût-ce celui des soviets, c’est encore la barbarie mais c’est la transition vers la sortie de la société des classes, vers la fin de toute exploitation et aussi la fin de l’Etat...

    • « http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A... : Une guerre civile va, ensuite, opposer pendant trois ans les Russes blancs (républicains ou monarchistes, comptant dans leur rang les généraux Krasnov, Denikine et Korlinov), assistés par les puissances occidentales, aux bolcheviks. Après leur victoire, les bolcheviks regroupent, le 22 décembre 1922, les diverses républiques soviétiques et bolcheviques au sein de l’Union des républiques socialistes soviétiques. Par conséquent, la RSFSR devient une des républiques de l’Union soviétique. »

      D’accord avec tes références, mais par exemple, dans le paragraphe ci-dessus, on associe les républicains et les monarchistes contre les bolcheviks. La République a été la terminologie reprise par les bourgeoisies conquérantes, qui l’ont imposé dans tous le monde, par exemple la république du Sénégal marque de cette signature. Bien que je ne conteste en rien tes références qui sont très nobles, dans la situation qui est la nôtre il me semble impératif de se distinguer dans la terminologie du pouvoir bourgeois en leur attribuant exclusivement la République bourgeoise (pouvoir d’en-haut) et en l’opposant à la Démocratie soviétique (pouvoir d’en-bas).

    • Mais justement l’expression "république des conseils de travailleurs" me semble tout à fait nous démarquer de la république bourgeoise et de toute tentative de cacher un pouvoir bourgeois sous ses gouvernants de gauche...

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