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Guerre de classes au Bangladesh

lundi 20 juillet 2009

“La guerre des classes existe, c’est un fait, mais c’est la mienne, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la remporter”

Warren Buffett (New York Times, 26 nov 2006 l’ un des principaux soutien à Obama)

Au cours des mois écoulés, le Bangladesh a connu le même type de conflits que dans les années précédentes et dont nous avons parlé dans chaque bulletin. Ces luttes ne se sont pas seulement déroulées dans et autour de la capitale Dacca mais dans tout le pays, impliquant le plus souvent les travailleurs de l’industrie textile de confection (RMG, Ready Made Garments, sous-traitants des trusts mondiaux de l’habillement ou de la distribution).

Grèves hors la loi pour le simple paiement des salaires.

Leur déroulement récurrent suit un même schéma sans que la combativité en paraisse pour autant émoussé : grève pas tant pour les salaires eux-mêmes mais pour avoir leur paiement en temps voulu. Ce sont toujours des grèves, des manifestations hors de l’usine occupée, le tout dans l’illégalité la plus totale à cause de l’état d’urgence sous une domination militaire. Toutes ces actions sont attaquées sans ménagement par la police voire par l’armée, batailles rangées auxquelles s’associent souvent les travailleurs des usines voisines , qui impliquent plusieurs centaines de participants et qui durent parfois plusieurs jours. Chaque fois on relève de nombreux blessés, des arrestations, des contre-offensives patronales qui ou ferment les usines voisines .

Parfois, sur intervention ou non de la fédération syndicale officielle, du syndicat patronal, des autorités de la zone économique spéciale et du gouvernement, la lutte conduit à une résolution temporaire du problème immédiat ( par exemple, paiement des arriérés de salaires). Bien sûr, cela ne résout rien de la surexploitation et des salaires extrêmement bas ( très souvent même le salaires minimum dérisoire n’est pas respecté), ce qui alimentera une autre révolte qui se transforme presque toujours en émeute.

Des émeutes éclatent régulièrement.

On ne peut que citer les exemples les plus récents dans lesquels plus d’un million de travailleurs ont été impliqués et qui ont duré une quinzaine de jours, entraînant d’énormes pertes financières :

 Le 10 août dernier, Jangorah (Astrulia) 300 ouvriers réclament le paiement de salaires arriérés et s’attaquent à 15 usines textiles et à 4 centres commerciaux ; par crainte d’une extension les patrons ferment 60 usines du secteur

 Le 30 août, lorsqu’ils apprennent que la police avait arrêté 15 ouvriers de la Standard Garment à Konabar (Gazipur) pour soi-disant vandalisme, des centaines d’ouvriers des usines voisines débraient , bloquent l’autoroute voisine et attaquent la police. 60 blessés et intervention du président du syndicat ouvrier qui demande l’ouverture d’une conférence tripartite pour résoudre de tels conflits avant qu’ils ne prennent leur évolution violente.

 Le 6 septembre, les patrons du RMG menacent de fermer pour un temps indéterminé toutes les usines de Gazipur dans la banlieue de Dacca si rien n’était fait par le gouvernement pour assurer la sécurité dans toutes les usines d’ici le 25 septembre (depuis janvier 2008 on n’a pas moins dénombré 150 attaques violentes de la part des prolétaires essentiellement du secteur RMG

 Le 20 septembre, les ouvriers de Islam Dresser Ltd à Malibagh se mettent en grève à cause du non paiement d’une prime de 100% d’un mois de salaire qui leur avait été promise, les patrons n’en proposant qu’un montant de 25%. Ils manifestent et sont attaqués par la police : 40 voitures brûlées, 30 blessés.

Des conditions d’exploitation source de révolte permanente.

Tous ces conflits sont de toute évidence la réaction spontanée des travailleurs à des situations ponctuelles résultant de décisions d’un patronat qui semble avoir lui-même des difficultés ou financières ou techniques par exemple dans les fournitures chaotiques d’énergie ( électricité et gaz). Pris dans les rivalités politiques avec de violents affrontements, l’état d’urgence assurant la domination des militaires, le gouvernement, outre la répression musclée, ne peut que chercher des boucs émissaires dans des manipulations politiques ou religieuses pour masquer cette guerre de classe incontrôlée qu’il s’agit avant tout de contenir car ce secteur du RMG est la principale source du financement de l’appareil d’Etat bangladais.

C’est en ce sens que l’on assiste à de timides tentatives de régulation des conditions d’exploitation. Mais ces tentatives qui sont en contradiction avec le maintien de bas coûts de production justifiant de nouveaux investissements étrangers ce qui signifie le maintien des conditions d’exploitations entraînant cette atmosphère de révolte permanente. Il est difficile de savoir d’où est venue au cours de l’été 2008, une base revendicative de 10 points qui va de subventions accrues aux denrées de base, à une prime de vie chère, à la fin des arrestations pour fait de grève, à la fin du harassement de la hiérarchie, etc. Certainement pas de la fédération syndicale Bangladesh Garment Workers Unity Council (BGWUC) car cette fédération très bureaucratique s’est empressée de la reprendre à son compte. Dès que cette revendication fut posée, une partie des patrons du secteur RMG ont envisagé de fermer leurs usines, de suspendre toute discussion sur les salaires, ce qui n’a eu pour effet que de relancer l’agitation ouvrière.

Comme ils veulent règuler les finances mondiales, ils veulent règuler les luttes et l’ exploitation.

Le syndicat patronal BGMEA annonça au même moment que le les denrées subventionnées ne seraient livrées qu’aux porteurs de cartes d’identité. La fédération BGWUC dénonça cette mesure (environ 50% des travailleurs n’ont pas de carte d’identité) et aussi le fait que les distribution de denrées à bas prix se faisait hors du lieu de travail pendant les heures de travail ce qui ne permettait guère aux travailleurs exploités jusqu’à 12 h par jour d’en profiter. .Tout cela se déroule alors que l’état d’urgence avec une semi dictature des militaires est toujours effectif depuis le 1 novembre 2007 avec nombre d’arrestations et l’illégalité des toutes grèves et manifestations y compris de l’activité syndicale de base. Une tentative de « sortie de crise » est venue d’initiatives du syndicat ouvrier BGWUC et du syndicat patronal BGMEA . Le 12 septembre, au plus fort de l’agitation ouvrière une conférence tripartite a posé le principe d’un « syndicalisme raisonnable » préconisant le paiement régulier des salaires, la protection des « droits de l’homme », un certain assouplissement de l’état d’urgence en faveur des syndicats ainsi que de la distribution des denrées subventionnées au sein des entreprises. Le tout affirmé comme devant réduire la tension tout en précisant que les « bonnes relations » ne pouvaient qu’être bénéfiques pour l’augmentation de la production. Le syndicat BGWUC ajoutait que la moindre répression lui donnerait aux leaders syndicaux .la possibilité d’intervenir rapidement sur les lieux de travail pour que les conflits naissants ne dégénèrent pas dans les violences habituelles.

Mais il n’est rien dit sur le niveau des salaires et des conditions de travail, questions qui restent au centre de l’exploitation : le salaire minimum, qui souvent n’est pas respecté, a été fixé il y a quelques années et jamais revu et il ne permet nullement de faire vivre, même misérablement une famille de quatre personnes. Un exemple récent peut illustrer la manière dont ces questions seront résolues au delà des « bonnes intentions » pourtant aussi minimales soient elles. La multinationale de la distributions Wal’Mart qui se fournit abondamment en produits textiles dans plus de 2000 usines du Bangladesh (12 milliards d’euros l’an passé) vient d’exiger de l’ensemble de ses fournisseurs un rabais de 2% sur les prix jusqu’ici consentis à ses fournisseurs. On peut se douter qui paiera pour ces 2%.

Il faut croire que même cette situation troublée et les promesses de maintien des conditions d’exploitation présentes par un régime « fort » ne dissuadent pas les capitalistes d’investir dans la perspective de profits .Une entreprise coréenne Youngone Corporation construit dans une zone économique spéciale du Bangladesh une usine de production de chaussures qui sur 72 chaînes de production exploitera 34000 travailleurs pour produire 100 000 paires de chaussures par jour soit 30 millions par an. ; Les seuls problèmes actuels apparemment viennent de la faiblesse des infrastructures qui ne permettent pas de garantir un approvisionnement régulier de gaz et d’électricité. Le capital espère de beaux jours devant lui. Le prolétariat aussi dans une telle concentration et des perspectives de lutte.

Spartakus 1918, 2 décembre 2008É

Messages

  • “La guerre des classes existe, c’est un fait, mais c’est la mienne, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la remporter”

    Warren Buffett (New York Times, 26 nov 2006 l’ un des principaux soutien à Obama)

  • MOSHE
    “La guerre des classes existe, c’est un fait, mais c’est la mienne, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la remporter”

    Warren Buffett (New York Times, 26 nov 2006 l’ un des principaux soutien à Obama)

  • Une émeute ouvrière réprimée dans le sang au Bangladesh

    Au moins deux personnes ont été tuées et 100 autres blessées samedi après que la police bangladeshie eut ouvert le feu contre des milliers d’ouvriers de la confection qui protestaient contre des salaires impayés, a-t-on appris de source policière.
    Il s’agit des plus graves incidents dans un conflit social depuis que la crise économique a frappé le Bangladesh.

    Les deux personnes ont été tuées dans la zone industrielle de Tongi, 40 km au nord de la capitale, après qu’environ 15.000 ouvriers ont commencé à lancer des pierres sur la police qui a répliqué, selon elle, par des tirs de balles en caoutchouc.
    Mais selon un responsable de l’hôpital universitaire de Dhaka, Abdul Baten, "tous les blessés ont été atteints par des tirs à balles réelles, et certains sont dans un état grave", a-t-il déclaré à l’AFP.

    Plusieurs policiers ont été blessés ainsi qu’une centaine de manifestants, dont neuf ont été transportés à l’hôpital, selon cette source.
    "Les policiers ont dû tirer des balles en caoutchouc pour disperser les ouvriers qui lançaient des pierres et des briques sur eux", a assuré l’inspecteur Shafiqul Alam, ajoutant que deux personnes ont été tuées.

    Les ouvriers, qui ont érigé des barricades et incendié des véhicules, exigeaient le paiement de trois mois de salaire de la part de leur employeur, la Nippon Garments, une entreprise bangladeshie qui a fermé ses portes en invoquant la chute de son carnet de commandes.

    Selon un dirigeant syndical, Montu Ghosh, la Nippon Garments avait invité les ouvriers à venir se faire payer samedi matin.
    "Mais ils ont fermé l’usine dans la nuit et envoyé la police la garder. Les ouvriers sont devenus furieux en constatant que les employeurs étaient partis sans les payer".

    L’industrie de la confection, qui emploie 40% de la main-d’oeuvre industrielle du pays, a rapporté 80% des 15,5 milliards de dollars d’exportation du Bangladesh l’an dernier.
    En juin, environ 50.000 ouvriers s’étaient affrontés à la police lors de manifestations contre des salaires impayés ou réduits, faisant des dizaines de blessés.

    Selon Fazlul Haque, président de l’Association des industriels et exportateurs de la confection, "les distributeurs occidentaux, qui sont nos premiers acheteurs, ont réduit leurs commandes et serré les prix. Les grandes entreprises ont pu, plus ou moins, s’adapter, mais la plupart des petites et moyennes sont confrontées à une situation très difficile".
    Selon les syndicats, les entreprises ont réduit les salaires pour conserver leurs commandes face à la concurrence du Vietnam, de la Chine ou de l’Inde.

    AFP - 31 oct 2009

  • Encore un article et des photos sur les luttes des ouvriers bangladais à lire ici

  • Bangladesh : des milliers d’ouvriers du textile en grève

    De violents affrontements, pierres contre grenades lacrymogènes et balles en caoutchouc, ont opposé des milliers d’ouvriers de l’industrie du textile, en lutte pour des augmentations de salaire, aux policiers à Dacca, la capitale du Bangladesh.

    Le mouvement dure depuis des mois, attisé par de fortes hausses de prix qui prennent les ouvriers à la gorge. Il avait entraîné des dizaines de milliers d’ouvriers en juin dernier, contraignant 700 usines, employant au total 800 000 salariés, à fermer un temps leurs portes.

    Les propositions gouvernementales de faire passer le salaire mensuel de 19 euros à seulement 34,5 euros, un montant jugé « bas de façon insultante » alors que les syndicats réclament 56 euros, ont soulevé la colère. Vendredi 31 juillet, plus de 20 000 ouvriers ont quitté le travail à Dacca, allant d’usine en usine, bloquant des routes vers le nord et vers le sud, occupant des rues du centre de la ville, contraignant parfois la police à reculer.

    L’industrie textile au Bangladesh emploie environ 3,5 millions de salariés, essentiellement des femmes, les moins payés du monde. Cette industrie concentre 80 % des rentrées en devises du pays et travaille pour de très grandes firmes et marques occidentales comme Wal-Mart, Tesco, H&M, Zara, Carrefour, Gap, Marks & Spencer, Levi Strauss... des firmes pas précisément pauvres. L’association humanitaire Action Aid précise à ce propos que « le seul chiffre d’affaires de H&M est supérieur au budget annuel total du gouvernement bangladais ». C’est d’ailleurs dans une entreprise travaillant pour H&M qu’un incendie avait fait vingt et un morts en février dernier.

    Non contentes de surexploiter les ouvriers, ces entreprises se comportent de façon cynique, menaçant d’aller en Chine ou au Vietnam, où elles ont aussi des sous-traitants. Mais depuis des mois ces menaces, relayées par le gouvernement et le patronat bangladais, sont inopérantes. Les ouvriers bangladais doivent bien savoir qu’en Chine aussi il y a des grèves.

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