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La grèce : banc d’essai des attaques anti-fonctionnaires, anti-retraites, anti-santé de toute l’Europe

jeudi 11 février 2010

Grèce. « Ce n’est pas à nous de payer cette crise », hurlent les salariés grecs
La colère gronde contre le superplan d’austérité annoncé, faisant planer sur le gouvernement Papandréou le spectre d’une nouvelle explosion sociale dans un pays où précarité et bas salaires sont devenus la norme.

Athènes, envoyée spéciale.

« Ce n’est pas une thérapie de choc, c’est un choc sans thérapie. » La stupeur le dispute à la colère, lorsque Rania Astrinaki, professeure d’anthropologie politique, évoque le programme dit de stabilisation adopté par le gouvernement grec sous le contrôle étroit de Bruxelles. Dans la salle des conférences de l’université Panteion d’Athènes, où les enseignants tiennent une assemblée générale, elle égrène les conséquences de ce vaste plan de restructuration du secteur public, censé ramener le déficit du pays sous les 3 % du PIB d’ici à 2012, contre 12,7 % en 2009. Gel des embauches, réduction des salaires des fonctionnaires, remplacement d’un seul départ à la retraite sur cinq, mise en place d’un système de « surveillance du budget de chaque ministère », report de l’âge légal du départ à la retraite…

Pour l’enseignante, « ce plan de rigueur vise à mettre la Grèce au pas du pacte de stabilité », avec des conséquences préoccupantes pour des services publics déjà dégradés par la disette budgétaire. Les participants pourfendent « un plan d’austérité socialement injuste et économiquement inefficace ». « Cette crise va approfondir encore la défiance vis-à-vis d’une Europe libérale, bureaucratique, où la BCE dispose des pleins pouvoirs. Nous allons droit vers la répétition de l’explosion sociale de décembre 2008 », prévient Stavros Konstantakopoulos, secrétaire du syndicat des enseignants de l’université Panteion.

Dehors, dans le patio, entre deux examens, de jeunes syndicalistes invitent les étudiants à prendre part aux manifestations contre le plan de rigueur. « Le gouvernement use de la crise comme prétexte pour accroître la pression sur les salariés, les jeunes, les retraités, et pour casser des services publics comme la santé et l’éducation. Mais ce n’est pas à nous de payer cette crise dont les riches et les puissants portent seuls la responsabilité  ! » s’indigne Héléni Lekkou, une étudiante en psychologie, membre du syndicat Pame, proche des communistes. Pour désamorcer toute mobilisation populaire, la stratégie du gouvernement socialiste de Georges Papandréou tient en trois mots  : peur, culpabilisation, division. Dans une société où précarité et bas salaires sont devenus la norme, les fonctionnaires, désignés comme des « privilégiés », sont sommés de « faire des efforts ». Un traitement anesthésique qui porte en partie ses fruits. D’autant que les hiérarchies des grands syndicats, très liées aux sociaux-démocrates du Pasok au pouvoir, sont tentées de relayer cette pédagogie de la « responsabilité », malgré la pression de leur base.

Devant une antenne du ministère de la Santé, dans le centre-ville d’Athènes, les mines sont fermées. Une employée, pourtant syndiquée, affiche sa résignation. « Nous n’avons pas le choix, ce plan d’économie est nécessaire. Bien sûr, mon salaire sera réduit, mais nous devons consentir des efforts, faute de quoi la crise s’aggravera encore », soupire-t-elle.

D’après un sondage contesté, mais interprété comme un blanc-seing par le premier ministre, les Grecs approuveraient à 60 % le plan d’austérité. Faux, rétorque Dimitris Agkavanakis, membre du comité exécutif du syndicat de fonctionnaires Adedy (200 000 adhérents), à l’origine de la journée de grève d’hier. « Ces mesures sont impopulaires. Nous appelons les gens à dépasser la peur, à contester ce plan qui vise surtout la préservation des intérêts du capital et des plus riches », insiste-t-il. Pour le syndicaliste, la dérive budgétaire grecque tient d’ailleurs moins à une explosion des dépenses qu’à une politique fiscale injuste et incohérente.

Professeure de physique dans un lycée privé, Sana Kacem scrute, dépitée, l’avis d’imposition qu’elle vient de recevoir. Un tiers de son salaire y passe. « Après le paiement des impôts et des factures, il ne me reste quasiment rien », calcule-t-elle.

Avant de fustiger les cadeaux fiscaux offerts aux privilégiés, la passivité de l’administration fiscale devant leurs fraudes, les exonérations dont bénéficient les entreprises. « Le rétablissement d’une certaine justice fiscale est la condition de l’acceptation sociale de ces mesures d’austérité, analyse Michalis Vergitsis, ingénieur dans une compagnie pétrolière récemment privatisée. Mais on le sait bien, la facture de la crise est toujours présentée aux salariés, pas au grand capital. » Une logique que la victoire du Pasok, à l’issue des législatives anticipées d’octobre dernier, n’a pas inversée. De quoi alimenter l’exaspération de la « génération 700 euros » qui s’était révoltée en décembre 2008. Jeune archéologue rattachée au ministère de la Culture et responsable syndicale, Despina Koutsoumba prédit, elle aussi, une possible répétition de ce soulèvement  : « La jeunesse a le sentiment que tout futur, toute vie décente, toute stabilité lui sont interdits. Cette frustration est potentiellement explosive. »

Rosa Moussaoui

La Grèce est le banc d’essai d’une attaque générale des systèmes sociaux européens,

par Georges Sidéris

Pas un jour ne passe sans que les médias n’évoquent la gravité de la "crise grecque". Les informations se suivent, pas toujours cohérentes. Un jour on nous dit que le pays est au bord de la faillite, un autre que le gouvernement grec vient de réussir à lever sans difficulté un grand emprunt, signe de la confiance dans les capacités financières de la Grèce. Et puis un troisième jour, contre-ordre : les milieux financiers douteraient de la fiabilité de la Grèce à mener des réformes. On se demande alors comment le gouvernement grec a pu si bien réussir son emprunt.
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J’ étais encore en Grèce en octobre-novembre. Il n’y avait aucune panique dans le pays. J’ai pu voir que le nouveau gouvernement de gauche dirigé par Georges Papandréou gère de façon intelligente le déficit des finances publiques que le gouvernement de droite précédent a légué au pays. Idéologiquement très attaché aux thèses libérales, admirateur de la politique de Nicolas Sarkozy, l’ancien pouvoir de droite pour faire des économies s’était attaqué au Centre national de la recherche scientifique grec, générant une pétition et une protestation internationales contre sa politique menaçant l’avenir de la recherche grecque. Ce pouvoir avait laissé se dégrader la situation dans tout le système scolaire public du primaire à l’université, il a voulu instaurer une politique sécuritaire, de précarisation, ce qui devrait évoquer des parallèles avec ce qui se passe en France. On connaît les résultats de cette politique profondément inégalitaire dont un des effets a été la révolte des jeunes.

Pourtant ce n’est qu’aujourd’hui que la Grèce est victime d’une campagne de certains milieux financiers et de médias liés à ces milieux comme le Financial Times. On argue que la cause de la violence des attaques serait que la Grèce avait dissimulé la réalité de ses comptes publics. Il aurait donc fallu une année entière pour que les milieux financiers, si bien informés au jour le jour, se rendent compte de la gravité de la situation socio-économique, de la dégradation des finances publiques, de l’incapacité du gouvernement de droite à s’attaquer aux causes structurelles, alors que c’était le sujet de conversation de tout le pays l’ année dernière. Et, comme par hasard, à peine le nouveau gouvernement de gauche installé ces mêmes milieux financiers se seraient réveillés.

Il y a clairement une autre logique à l’œuvre, visant à déstabiliser le pouvoir de gauche et à briser le mouvement syndical en Grèce, car c’est ce mouvement syndical qui est visé lorsqu’est invoquée la peur des milieux financiers que le gouvernement ne cède aux pressions sociales. Au-delà de la Grèce, c’est l’Espagne avec son gouvernement socialiste, le fameux "socialisme méditerranéen" accusé par les libéraux d’être trop sensible aux revendications des syndicats, et toutes les politiques sociales en Europe qui sont visées. Ces mêmes libéraux peuvent compter sur la bienveillance de certains gouvernements européens acquis à leurs idées et pas mécontents de voir le gouvernement socialiste grec en difficulté. Ceci leur permet de maintenir les revendications sociales dans leur propre pays sous pression. Ne serait la question d’une déstabilisation de l’euro, on voit bien que la Grèce serait complètement abandonnée à ces attaques spéculatives.

Le résultat ne s’est hélas pas fait attendre car comme le titre Le Monde (daté du 31/1/2010) : "L’Espagne songe à repousser l’âge de la retraite à 67 ans. Le gouvernement espagnol veut rassurer ses partenaires européens sur l’état des finances du pays" On peut dire que cette campagne de déstabilisation a déjà marqué ses premiers points. Mais la "crise" ne s’arrêtera pas à la Grèce aujourd’hui et à l’Espagne ou le Portugal demain si on laisse les milieux financiers poursuivre librement leurs attaques. En regardant vers la Grèce et l’Espagne on voit bien que les "réformes" que l’on veut imposer en France sont un volet d’une politique globale d’attaque des droits de tous les salariés. La Grèce est la victime d’une véritable machine de guerre des milieux financiers contre les politiques sociales en Europe. Il est temps que les partis de gauche et les syndicats en France et en Europe saisissent le véritable sens de ce qui se passe en ce moment.

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