dimanche 22 novembre 2009
Renault est coupable
Il y a quinze jours, devant le Tribunal des affaires de la Sécurité sociale de Nanterre, la veuve d’Antonio, notre camarade du Technocentre qui s’était suicidé le 20 octobre 2006 au travail, poursuivait la direction de Renault pour faute inexcusable. Depuis, la direction a changé de discours mais pas de comportement. Elle a fait des efforts médiatiques mais a toujours rejeté sa responsabilité. L’avocate de la veuve d’Antonio a rappelé la pression qui régnait avec le « Contrat Ghosn » : doublement de la gamme, 800.000 véhicules de plus et 6% de marge, le tout sans effectif supplémentaire. En refusant de reconnaître sa responsabilité, Renault persiste et signe, comme on vient de le revoir récemment avec un nouveau suicide, encore une fois d’un travailleur du Technocentre. Notre vie n’est pas un jeu !
Encore un suicide à Renault ! Un ingénieur de 51 ans travaillant depuis six ans au Technocentre s’est suicidé. Avant même de savoir des détails, la direction s’est encore une fois défaussée de sa responsabilité. Il n’a pas fallu longtemps pour que Renault doive ravaler ses discours sur sa grande capacité à régler les problèmes de stress dans l’entreprise. Renault se prétendait modèle désormais sur ce plan et affirmait prendre en compte le stress des salariés. En réalité, rien de changé aux causes de stress et les suicides du Technocentre ne sont toujours par reconnus comme tels par la direction, même s’ils se sont produit sur le lieu de travail et dans des conditions sans équivoque.
Renault et Telecom : en quête de scores !
Les entretiens individuels Technologia ont repris à Renault. On peut imaginer que le but de cette enquête serait de s’assurer du stress des salariés. Ce n’est pas ce que dit son responsable Jean-Claude Delgènes, interviewé par la presse, qui déclarait : "Notre but n’était pas d’évaluer le stress des salariés (…) Notre mission commence, mais on peut d’ores et déjà observer une nette amélioration des conditions de travail. L’objectif était de remettre l’homme au cœur du processus et de rétablir le dialogue. C’est en bonne voie". Cette société, cabinet en expertise pour les patrons (pas pour les salariés) a trouvé un fromage à exploiter avec le stress et les suicides mais se moque complètement des salariés. Demander à Renault de s’occuper la lutte contre le stress, c’est demander à l’incendiaire de commanditer l’enquête !
La preuve que ça rapporte, c’est que le patron de France-Telecom, Lombard, responsable par sa politique de nombreux suicides, a déclaré qu’il avait fait aussi appel à Technologia, très efficace … au service des patrons. Pourquoi croire à une direction, qu’elle soit de Renault ou des Telecom, qui prétend enquêter sur les causes de suicides dans une entreprise qui vise à les virer, aux Telecom car ils veulent se débarrasser d’anciens fonctionnaires et à Renault parce que le premier objectif de l’entreprise est d’obtenir des départs « volontaires » !
Alors qu’un nouveau salarié du Technocentre s’est suicidé, Patrick Pelata a déclaré : « On ne peut pas jouer sur toutes les dimensions de la vie des gens, mais on peut jouer sur la dimension de la vie au travail. » Le patron parle de notre vie comme s’il s’agissait d’un jeu. Pelata ne vaut pas plus cher que Lombard. Les syndicats vont encore discutailler avec lui sur les suicides. Compter sur les responsables de mort d’homme pour les sauver, c’est demander aux incendiaires de « jouer » les pompiers !
Une fois de plus, la direction prétend qu’un suicide n’a rien à voir avec le travail à Renault. Pourtant, une fois de plus Pelata, comme il le reconnaît, a « joué sur la dimension de la vie au travail ». Il affirme que ce salarié était en « mobilité préparée ». En fait, il était passé de chef de service à adjoint du chef de service et était en train de passer à pilote. Belle promotion.
Notre vie vaut plus que leurs profits
Belle démonstration de l’efficacité des mesures anti-stress du patron (enquêtes, commissions, négociations et autres dispositifs) : on apprend non seulement un nouveau suicide au Technocentre mais aussi deux nouveaux suicides à Renault Cléon. Bien entendu, une fois de plus la direction réagit immédiatement pour nier sa responsabilité dans ces décès. L’un était conducteur d’engins et travaillait depuis 28 ans dans l’usine, l’autre était ingénieur depuis 33 ans.
Sylvie T., la veuve d’un ingénieur qui s’était suicidé au Technocentre en octobre 2006, et qui vient d’attaquer Renault pour « faute inexcusable » rapporte la volonté de Renault de nier toute responsabilité dans le suicide. Dans un premier temps, déclare-t-elle, la direction a voulu faire croire que son mari s’était suicidé à cause de problèmes personnels, en prétendant qu’il était en instance de divorce, ce qui était faux. Renault lui a ensuite affirmé que des scellés avaient été installés sur le poste de travail de son mari, pour les besoins de l’enquête, ce qui était également faux. Lorsqu’elle a enfin pu récupérer l’agenda électronique de son mari, elle a constaté qu’il avait été vidé et réinitialisé. Elle refuse d’ « accepter qu’après avoir broyé un homme, on écrabouille sa famille pour une question de finances ou d’image ».
Lors de l’audience où Sylvie T. attaquait Renault, l’un des principaux arguments du patron était un rapport de Technologia appelé « autopsie psychique des suicidés » et qui vise à faire croire à la responsabilité personnelle des suicidés et à blanchir Renault. Réalisé par un « psychiatre clinicien » sur trois salariés suicidés, à la demande des syndicats, il a surtout servi à la direction. Mais tout cela n’empêche pas que la responsabilité de Renault soit écrasante :
« Mon mari, raconte-t-elle, travaillait toutes les nuits, tous les soirs, tous les week-ends, il disait sans cesse qu’il était nul, qu’il n’y arriverait jamais, qu’on ne lui pardonnerait aucune faute. »
Ne vous stressez pas, on enquête….
On les connaît les mesures de la direction pour lutter contre le stress : nous virer de Rueil avant 2012, nous obliger à naviguer, nous changer de secteur, d’emploi ou d’activité plusieurs fois d’ici là, nous dégoûter en attendant en semant le trouble dans l’organisation du travail et, finalement, le travail de cinq jours en quatre. Inutile après d’enquêter…
Où est le syndicalisme là-dedans ?
On ne peut que relever les écrits des syndicats concernant le dernier suicide du Technocentre et leur alignement sur le patron. La CGT conclue son tract par un « Nous faisons nôtres les propos de Patrick Pelata » et « prend acte de l’attitude humble de la direction, très différente de ce qu’on a connu à une époque ». C’est au point que le même tract cite deux fois les propos de Pelata et parle de « début de prise en compte au moins verbale ». Mais, même verbalement, la direction n’a reconnu de cause professionnelle d’aucun des suicides. Où est le changement ?
Quant à la CFDT, elle écrit : « La CFDT partage le diagnostic de Mr Pelata (…) C’est bien la direction qui a eu la démarche de mettre en place une commission paritaire (…) La CFDT ne partagera pas plus longtemps [donc elle a partagé jusque là ] les lenteurs et faux-semblants qui se cachent derrière ce dossier. » Les syndicats tiennent à négocier, même quand cela n’a plus aucun sens et cela les amène à une politique de collaboration qui n’a rien de syndicaliste.
Syndicat abstentionniste
Il y a une nouvelle CGT. Les fermetures des sites Chenonceau, Montigny le Bretonneux, Plessis, Arcade et Novadis, après celle du CTR, ne méritent qu’une abstention de la part de ce syndicat (qui suit ainsi la CFDT). Et avec ce commentaire de soutien : « Sur le plan industriel, le regroupement de nos forces d’ingénierie tertiaire au Technocentre va dans le sens de meilleures synergies. » Vous appelez cela du syndicalisme ?